La cité obscure

Nouvel album enchanteur pour Rone, qui explore une ville imaginaire au sein de Mirapolis, disque nourri de guests : à savourer live au Transbordeur ce mercredi.


Patiemment, Rone se façonne son univers. Pas juste un son, mais un écosystème où naviguent d'autres explorateurs interconnectés, se nourrissant les uns des autres pour former une biomasse dont Rone serait le ferment. Avant même de jeter une oreille, on a déjà compris : le visuel de la cover est signé Michel Gondry et c'est comme une évidence, ces deux personnages totalement lunaires ne pouvaient que se reconnaître mutuellement... C'est le clippeur de Björk et Kylie Minogue qui a fait le premier pas, contactant le musicien. Le titre, ensuite, qui découle de cette pochette ébouriffée du réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind : Mirapolis. Cinécompatible et bédéphile, assurément, tel un Fritz Lang old skool, une plongée science-fictionnesque dans une ville devenue personnage inquiétant, fascinant ou oppressant, comme dans d'autres œuvres majeures (Blade Runner,  Batman, Les Cités obscures...). Évidemment, si la science-fiction est latente partout, Alain Damasio, maître français du genre, n'est pas loin. Compagnon de voyage intersidéral d'Erwan Castex depuis leur collaboration sur le génial Bora (dix ans déjà), le voici de retour en ombre chinoise - l'album serait en partie inspiré de son premier roman,  La Zone du dehors, contant les affres d'une cité se voulant parfaite mais finissant par oppresser.

La nouveauté, c'est la voix, ou plutôt ce sont les voix : Saul Williams, qui nous avait tant ébloui à l'époque du film Slam, toujours aussi vindicatif et conscient, dépose une charge contre Donald Trump sur Faster - enregistré le lendemain de l'investiture du président américain, et s'affaire à un second titre, Everything. Le dandy sexy Dury (Baxter) se love sur Switches. Un Stéphanois s'illustre aussi sur ce track : N'Zeng (ex-Le Peuple de l'Herbe) vient y déposer sa trompette. Enfin, Kazu Makino de Blonde Redhead fait sautiller Down For The Cause, concluant en beauté cet album pas tout à fait concept mais très réfléchi. À noter que Gaspar Claus, autre pensionnaire du label Infiné, est lui aussi présent avec son violoncelle, comme sur le précédent opus, Creatures.

Toute cette déambulation nous plonge dans un certain spleen : comme si on se baladait sous la pluie dans cette Mirapolis, un peu grise, aux néons éteints... Si la pochette évoque la ville festive de la nuit, la musique sonne le retour aux réalités du lendemain, entre doutes induits par la gueule de bois et flashs de dopamine. Rendez-vous au Transbordeur pour tester in vivo.

Rone + Irène Drésel
Au Transbordeur le mercredi 31 janvier (complet)


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