Lutter contre les moulins à vent

C'est un ciné-spectacle sans cesse recommencé que la compagnie La Cordonnerie déroule depuis vingt ans. Avec des contes, puis aujourd'hui Don Quichotte, elle signe des fables plus politiques qu'elles en ont l'air. En musique live, vidéo, bruitages de doublage de voix au plateau. As usual.


Hansel et Gretel étaient de vieilles personnes mises au ban de la société avant même que Macron ne rabote les petites retraites, Blanche-Neige se barrait de sa tour HLM et trouvait refuge loin de la cité. Don Quichotte est sorti du livre d'une bibliothèque de Picardie (tiens tiens, région du président en chef de notre beau pays) lors du supposé bug du passage à l'an 2000 et parcourt les routes sur sa Rossinante de bicyclette accompagné d'un Sancho Panza bienveillant face à la douce folie de cet homme amoureux d'une médecin psychiatre.

Au départ, il est pourtant Michel Alonzo qui a entrepris de résumer tous les livres de la médiathèque où il travaille afin de les préserver. Mais au XXIe siècle, devenu cet énergumène du Moyen-Âge, il est transformé en bête de foire, un SDF un peu dérangeant, moqué voire humilié par un édile peu amène qui dirige sa commune comme une entreprise et estimait,  avant le bug, que condenser « des bouquins dont on n'a rien à foutre » avait un coût, « celui de huit places de parking », son unique unité de mesure !

Éoliennes

Parfois alambiquée, cette nouvelle production de La Cordonnerie (créée en janvier dernier) séduit par sa rigueur. Jamais Samuel Hercule et Métilde Weyergans ne transigent avec leur propos en veillant à le rendre accessible aux plus jeunes (dès 12 ans pour celui-ci).

Dans un dispositif semblable, quoiqu'un peu différent des précédents opus, ils font cette fois-ci sortir de leur traditionnel film muet les personnages et même des éléments de décor qui se logent au centre du plateau entouré par deux musiciens et eux-mêmes qui assurent bruitages (mais avec quoi reproduit-on le passage d'un TGV ?) et doublages de voix. Besancenot passe par là, Mai-68 est une trame de fond à peine visible mais présente. Au royaume de La Cordonnerie, règne une mélancolie qui jamais ne se dépare d'un espoir émergeant d'une jungle qui ne dit pas – plus - son nom.

Dans la peau de Don Quichotte
Au théâtre de la Croix-Rousse, du 15 au 19 mai


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La pause s’impose : "7 Minuti"