Olivier Conan : « défendre les musiques impures ! »

Débarqué en cours de saison dernière à la tête de la programmation du Péristyle et de l'amphi de l'Opéra, aussitôt renommé Opéra Underground, Olivier Conan a tout chamboulé et posé dans l'instant sa patte lumineuse : voilà un homme venu de New York qui secoue l'institution dans tous les sens et impacte sur toute la ville. Bonne pioche.


Changement de cap au Péristyle : comment s'est passé ce premier été pour vous ?
Olivier Conan :
 J'ai voulu faire une saison assez différente de la précédente, plus sous forme de festival. On a mis une vraie scène, on l'a orientée pour que le focus soit vraiment sur les musiciens. On a ouvert la programmation à des choses très nouvelles : beaucoup de musiques hybrides. Pas mal de New-Yorkais, des Éthiopiens, des Colombiens, des Vénézuéliens car ils ne peuvent pas rentrer chez eux... International ! Des musiques difficiles à définir, de l'avant-garde, des mélanges. Ça me tient à cœur, de défendre ses musiques que j'appelle impures. J'étais content de voir les communautés colombiennes ou vénézuéliennes de Lyon venir et se frotter aux autres publics.

Nina Hagen, c'était votre première date dans la grande salle de l'Opéra : bilan ?
Surpris par la réaction des gens : ça a parlé aux Lyonnais, on a vendu la salle en une semaine, six mois à l'avance, je ne m'y attendais pas du tout. Elle... Elle est un peu barrée, elle n'a pas changé depuis ses 18 ans, elle est arrivée à l'Opéra une demi-heure avant le spectacle en tremblant, en disant « je ne sais pas pourquoi j'ai accepté de faire ça ! », il a fallu la calmer, elle était très nerveuse car c'était en français et elle a une révérence de la culture et de la langue française. Elle s'est mise sur scène un quart d'heure avant le concert, le public s'installait, elle a commencé à gratouiller, à chanter, elle est rentrée tout doucement dans le spectacle et a mis une demi-heure avant d'installer quelque-chose : à partir de là, c'était super. C'est une passionnée, pour de vrai : elle ne feint pas son intérêt pour Bertold Brecht.

La date importante de cette rentrée, c'est Terry Riley.
J'essaye de l'exprimer à travers ma programmation : je ne fais pas de différence entre savant ou pas savant, musique populaire ou non. Il y a des musiciens, qui choisissent des thèmes, des idées, une grammaire. Terry Riley, c'est le fondateur du minimalisme, il est très important car il ne s'est jamais cantonné dans un genre, il est passé par plein de périodes en gardant une esthétique assez semblable, en expérimentant toute sa vie. Depuis quelques années, il tourne avec son fils, Gyan qui est super : je le connais car on a fait des choses ensemble avant, c'est comme ça que je suis arrivé à Terry Riley. Gyan est guitariste, il a un parcours personnel, il a étudié longtemps la musique indienne, il fait des choses magnifiques en solo, en guitare classique sous influence modale. Il font un duo piano / guitare, Terry joue un peu de clavier midi de temps en temps. Entre les deux, c'est intuitif. 

Et quel est cet orchestre vaudou venu du Bénin qui joue le 6 octobre, Bim, recréé par Radio France ?
Je connais un peu Hervé Riesen, de Radio France. Il cherchait à créer un projet béninois car il est très intéressé par cette musique, l'intérêt venant en grande partie de la redécouverte du Poly-Rythmo de Cotonou que j'ai vu plein de fois, c'est génial. Hervé est allé à Cotonou chercher des musiciens bercés dans le vaudou et qui s'expriment de manière contemporaine, le projet a été monté avec eux, le premier disque sort en cette rentrée. C'est un pont entre l'orthodoxie européenne via la radio et des Béninois qui essayent de syncrétiser ce qu'ils font et de le présenter en format pop pour le public européen. Un projet à suivre !

Peut-on mettre des mots sur l'esprit de votre programmation ?
Oui, je pense... Mais le problème, dans le travail d'un programmateur, c'est qu'il y a un côté tout à fait arbitraire. Je fonctionne à ce que j'aime, j'ai des idées, une philosophie de la musique. C'est un mélange basé sur des musiques traditionnelles : je suis très conscient du passé des musiques, mais j'aime quand la base de leur vocabulaire évolue, est polluée. C'est cette idée d'impureté : on va ramener des microbes contemporains dans cette musique que l'on était censé faire, avec laquelle on a grandi. Comme pour le classique avec Terry Riley... Toute la programmation que je fais a un côté hybride, entre respect de la tradition et une dose très forte d'iconoclasme et d'envie de mettre une patte personnelle. Je ne présenterais jamais l'âge d'or d'une musique : je pense qu'il n'existe pas. 

Entre votre programmation au Barbès, votre club à New York, et celle de l'Opéra Underground, avez-vous rebooté votre logiciel ?
J'ai réinventé la façon dont je programme parce que je suis à Lyon. Je n'ai pas accès aux mêmes musiciens et j'essaye d'atteindre un public qui est lyonnais. Mais sinon, non : j'ai fait la même chose toute ma vie, c'est une continuation de ce que je faisais au Barbès ou de ce que j'ai fait avec mon label Barbès Records. Ici, c'est plus difficile par exemple de se lancer profondément dans les musiques latines, on a moins l'habitude, alors qu'à New York on y a inventé la salsa, il y a une communauté colombienne énorme. Ici, je ferais plus de musique africaine et arabe.

Terry Riley
À l'Opéra Undergroud le jeudi 27 septembre 

BIM
À l'Opéra Undergroud le samedi 6 octobre 


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