À la lueur de Sarah Kane


Comment entrer dans les entrailles de la dramaturge britannique qui a mis fin à ses jours à 28 ans en 1999 ? Mainte fois montés, les deux derniers écrits de Sarah Kane donnent parfois lieu à profusion de décors/vidéos... Ou, a contrario, d'un personnage absolument figé (Isabelle Huppert chez Claude Régy par exemple). Amine Kidia a décidé, au fil des répétitions, et non pas comme présupposé de départ, de plonger ses comédiens et ses spectateurs dans la nuit. Ainsi, il place deux actrices (issues de l'ENSATT) et deux acteurs (Conservatoire de Lyon) à chaque coin du plateau du théâtre où les écoutent des spectateurs en totale immersion, assis au sol. Déjà avec War and breakfast, il avait cassé le rapport frontal traditionnel. Mais alors que, dans son travail sur Mark Ravenhill, les corps avaient une importance primordiale et permettaient presque de se passer de texte, c'est l'inverse pour cette création. Quoique.

Cet exercice n'est pas non plus une production radiophonique car le souffle nous parvient de façon physique et que la quadriphonie qui s'installe (quel tour de force que celui de la restitution de cette parole hachée, enchevêtrée !) est enveloppante. Les rôles distribués dans Manque entre quatre personnages respecte le texte et s'accommode particulièrement bien de ce dispositif anxiogène. Pour 4.48 qui suit sans pause, c'est plus aléatoire au point que l'on ne sait plus qui parle. Désorientant ; juste aussi par rapport à la dispersion mentale qui gagne Sarah Kane quelques heures avant sa mort annoncée. Seul bémol : l'obscurité totale induit que les comédiens ne puissent pas s'appuyer les uns sur les autres autrement que par la parole – moins désespérée qu'il n'y paraît et parfois trop proférée quand elle aurait gagnée à être chuchotée.

Manque + 4.48 psychose
Aux Clochards Célestes jusqu'au 21 octobre


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Sophie Divry lauréate du Prix de la page 111