Les marionnettes, corps social

Hasard du calendrier : alors que rouvre le Musée des Arts de la Marionnette à Gadagne, la compagnie M.A., présente dans l'exposition, livre Krach, une création sans Guignol mais aussi féroce que le célèbre Lyonnais pour raviver la lutte des classes.


« Vous êtes prêtes ? » Ainsi s'adresse le metteur en scène Nicolas Ramond à son équipe en cette matinée de répétitions, à J-8 de la première. Parmi eux : trois hommes et une femme. Son choix de féminiser ainsi la langue phallocrate française indique clairement le ton de ce spectacle politique. Le contestataire Guignol est remisé au placard le temps que ses contemporains prennent sa relève. Un couple de pauvres va croiser des riches. Les seconds vont commencer par se demander comment nommer les premiers, sans vraiment trouver. Simon Grangeat, auteur prolixe de théâtre engagé ne surfe pas sur une dichotomie qui verrait s'opposer les bons et les méchants. L'objet transitionnel qu'est la marionnette autorise de toute façon « une grande liberté et même cruauté » selon Nicolas Ramond.

« Les pauvres sont aussi bêtes que les nantis dans cette pièce car, avec la monnaie glanée dans la rue, ils vont s'acheter un ticket de "gratto-gratte" et ne pas le jouer car il serait potentiellement gagnant ; ils préfèrent le faire spéculer » raconte Emma Utgès, comédienne et marionnettiste qui, avec sa compagnie M.A., a repris en janvier 2018 la direction de ce théâtre Guignol de Lyon, soutenu par la Ville. Déjà en février 2017, au moment où elle assurait la transition avec les Zonzons, elle avait invité un spectacle non-Guignol mais c'est à chaque fois un pari.

« Faire fortune ! »

Chiry-Gambettes et Loulou Belle-Gueule, faits d'une petite tête et d'un corps de sac de papier, vont donc alterner leurs séquences avec celles dédiées aux bourgeois dont les figurines mobiles sont encastrées dans d'élégants tableaux peints. Sur une planche en pente, tous les personnages vont s'animer et être dialogués par les deux acteurs en même temps qu'à jardin Patrick Guillot fera le liant entre les scènes en parole, bruitage et musique, avec son accordéon.

Tout ce qui est dit dans cette création est tirée du réel, aussi ubuesque que soit la parole des riches déplorant de se serrer la ceinture à l'instar d'une ministre LREM découvrant son salaire au gouvernement, inférieur à celui qu'elle touchait dans le domaine privé. Seules les séances avec des personnalités politiques fictives sont plus fantasmagoriques, comme cette ministre des studettes étudiantes choisissant de résoudre la question du manque de logement étudiant en plafonnant le nombre de ces derniers au nombre de studettes disponibles !

Krach
Au Guignol de Lyon ​du 28 novembre au 1er décembre


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