Combat rock

Figure trop méconnue du rock indé américain, Thalia Zedek c'est près de quarante ans d'activisme musical et une intensité jamais mise en berne. Comme le prouve son dernier disque en date, en livraison live au Sonic.


Fighting season, voilà un titre qu'on pourrait dire... de saison. C'est celui du dernier album de la dénommée Thalia Zedek et de son Band, sorti au début de l'automne dernier avant même que ne se mette en branle cette « guerre des pauvres » – pour reprendre le titre un tantinet allégorique du dernier livre d'Éric Vuillard –, qui a donné comme une fièvre jaune à notre pays sans doute un peu trop confit dans ses vapeurs tièdes de start-up nation.

Or, quand on connaît la dame, qui colle sur ses disques des stickers "FCK NZS" (il suffit de rajouter des voyelles pour se faire une idée), la chose est totalement raccord avec toute idée de lutte, politique ou pas d'ailleurs. L'ennui sans doute, c'est qu'on ne la connaît pas cette dame, au sens de "pas assez", passée qu'elle est sous trop d'aveugles radars malgré une carrière longue comme le bras et une hyperactivité musicale notoire.

Car depuis le début des années 80, Thalia, qui achève sans en avoir l'air sa cinquième décennie, a sévi au sein de groupes aussi gentiment cultes qu'Uzi ou Live Skull avant de se joindre à un certain Chris Brokaw – guitariste et batteur d'un groupe,  Codeine, dont la musique avait la particularité de faire le même effet que la substance que décrit son nom – pour fonder Come, sorte de fusion fiévreuse entre les univers des deux protagonistes : dévoilant son flegme comme une manière de colère rentrée et sa rage comme politesse de la désinvolture. Puis encore, le lapidaire E, dont la dernière saillie fut publié l'an dernier.

États d'âmes et gravats

Tout au long de cette carrière, souvent chaotique, résolument influente (Cat Power et Shannon Wright lui en doive une, c'est à peu près certain) et poursuivie en solo – charbonnant au passage sur des reprises poignantes du You're a big girl now de Dylan et du Candy says de Lou Reed – Thalia Zedek fait émerger une parole et surtout une voix singulière. Intranquille. Toujours sur le point de déborder du cadre, de sortir de son lit tel un torrent charriant des états d'âmes comme on charrie des gravats – des complaintes qui ne sont pas sans rappeler le regretté et bouleversant Vic Chesnutt.

C'est toujours le cas avec son Band, renforcé pour cette "saison de combat" par le Dinosaur Jr. Jay Mascis et Brokaw, en un mélange d'aspect mal assuré de folk, de blues et de rock déglingué presque post, toujours en mode feu intérieur, l'âme sur un tapis de braise, qui annonce au détour d'un titre, War not won, éternellement prophétique, que la guerre n'est pas terminée. Sans blague.

Thalia Zedek + Berceau des Volontés Sauvages 
Au Sonic le samedi 2 février


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