• Choisissez votre ville
    • Lyon
    • Grenoble
    • Saint-Étienne
  • Actu
  • Ecrans
  • Arts
  • Scènes
  • Musiques
  • Connaître
  • Guide Urbain
Skip to content
  • Actus
    Cinéma

    L’Institut Lumière aux rayons X de la Chambre Régionale des Comptes

    Mercredi 24 février 2021 par Vincent Raymond
    1er arrondissement

    Lavoir Public : l'appel à projets est lancé

    Mercredi 24 février 2021 par Nadja Pobel
    Politique

    Roselyne Bachelot à Lyon cette semaine

    Lundi 22 février 2021 par Sébastien Broquet
    Mercato

    Aux Clochards Célestes, Martha Spinoux-Tardivat succède à Louise Vignaud

    Jeudi 18 février 2021 par Nadja Pobel
  • Ecrans
    • Trouvez une séance à LYON
    • Films à l'affiche
    • Salles de cinéma
    • Critiques cinéma
    Plan Canapé

    Bertrand Tavernier sur Netflix : ça commence aujourd’hui

    Lundi 1 mars 2021 par Vincent Raymond
    En VOD

    "Le Voyage à Lyon" : Claudia, Elisabeth, Flora ou l’éternel retour

    Mercredi 17 février 2021 par Vincent Raymond
    Cinéma

    Festivals de cinéma : reports pour les Reflets et Les Intergalactiques

    Mardi 9 février 2021 par Vincent Raymond
  • Arts
    • Trouvez une expo à LYON
    • Expositions à l'affiche aujourd'hui
    • Prochains expositions
    • Votre Week-End
    Galerie d'Art

    La Taille de mon Âme : la forme et le fonds, à la bonne place

    Jeudi 14 janvier 2021 par Vincent Raymond
    Street Art

    De Lascaux à Lasco

    Mardi 10 novembre 2020 par Manon Ruffel
    Graphisme

    Vinyle, Vidi, Vici

    Mercredi 21 octobre 2020 par Stéphane Duchêne
  • Scènes
    • Trouvez un spectacle à LYON
    • Spectacles à l'affiche aujourd'hui
    • Prochains spectacles
    • Votre Week-End
    Théâtre de Rue

    Invitation à Re-partir avec le KompleXKapharnaüM

    Jeudi 25 février 2021 par Nadja Pobel
    Théâtre

    Martha Spinoux-Tardivat, la pétillante nouvelle directrice des Clochards Célestes

    Jeudi 18 février 2021 par Nadja Pobel
    Théâtre

    Les Clochards Célestes annulent leur saison

    Mercredi 3 février 2021 par Nadja Pobel
  • Musiques
    • Trouvez un concert à LYON
    • Concerts à l'affiche aujourd'hui
    • Prochains concerts
    • Votre Week-End
    French Pop

    Eliott Jane, esprit libre

    Vendredi 19 février 2021 par Stéphane Duchêne
    Reggae

    La nuit où U Roy entra dans l’Histoire

    Jeudi 18 février 2021 par Sébastien Broquet
    Lyon, capitale du rock

    Christophe Simplex : « de l'inédit, rien que de l'inédit »

    Vendredi 5 février 2021 par Stéphane Duchêne
  • Connaître
    • Animations à l'affiche aujourd'hui
    • Prochaines animations
    • Votre Week-End
    Littérature

    Fête du Livre de Bron : une programmation invincible et bien visible

    Lundi 1 mars 2021 par Stéphane Duchêne
    Récit

    Thierry Frémaux : projection particulière

    Vendredi 26 février 2021 par Vincent Raymond
    Bande Dessinée

    Nellie Bly, une folle aventure du récit en immersion

    Vendredi 19 février 2021 par Sébastien Broquet
  • Guide Urbain
    Chocolatiers

    Y aura-t-il du bon chocolat à Noël ? (spoiler : oui)

    Vendredi 4 décembre 2020 par Vincent Raymond
    Photographie

    FeelPic ouvre sa première boutique éphémère à Lyon

    Mercredi 25 novembre 2020 par Vincent Raymond
    Restaurant

    Arvine : vins d’Est

    Jeudi 22 octobre 2020 par Adrien Simon
    Restaurant

    Les makis locaux de Lipopette

    Jeudi 22 octobre 2020 par Adrien Simon
  • Escapades
  • PLUS +
    • Kids
    • Restaurants
    • Guide Urbain
    • Dossiers
    • PB Festival
    • Brigade du Ballet
    • Patrimoine
    • Articles partenaires
    • Vidéos
    • Concours
  • RECHERCHE AGENDA
NEWSLETTER

Newsletter Lyon
Chaque semaine, en un coup d'oeil, tous les programmes. un outil pratique et complet pour constituer sa semaine de sorties à Lyon

PUBLICITÉ
LYON WHISKY FESTIVAL
FESTIVAL PEINTURE FRAÎCHE
LYON BIERE FESTIVAL
LE WEB DES SORTIES
  • Édition de LYON
  • RECHERCHE AGENDA

  • Actus
    Cinéma

    L’Institut Lumière aux rayons X de la Chambre Régionale des Comptes

    Mercredi 24 février 2021 par Vincent Raymond
    1er arrondissement

    Lavoir Public : l'appel à projets est lancé

    Mercredi 24 février 2021 par Nadja Pobel
    Politique

    Roselyne Bachelot à Lyon cette semaine

    Lundi 22 février 2021 par Sébastien Broquet
    Mercato

    Aux Clochards Célestes, Martha Spinoux-Tardivat succède à Louise Vignaud

    Jeudi 18 février 2021 par Nadja Pobel
  • Ecrans
    • Trouvez une séance à LYON
    • Films à l'affiche
    • Salles de cinéma
    • Critiques cinéma
    Plan Canapé

    Bertrand Tavernier sur Netflix : ça commence aujourd’hui

    Lundi 1 mars 2021 par Vincent Raymond
    En VOD

    "Le Voyage à Lyon" : Claudia, Elisabeth, Flora ou l’éternel retour

    Mercredi 17 février 2021 par Vincent Raymond
    Cinéma

    Festivals de cinéma : reports pour les Reflets et Les Intergalactiques

    Mardi 9 février 2021 par Vincent Raymond
  • Arts
    • Trouvez une expo à LYON
    • Expositions à l'affiche aujourd'hui
    • Prochaines expositions
    • Votre Week-End
    Galerie d'Art

    La Taille de mon Âme : la forme et le fonds, à la bonne place

    Jeudi 14 janvier 2021 par Vincent Raymond
    Street Art

    De Lascaux à Lasco

    Mardi 10 novembre 2020 par Manon Ruffel
    Graphisme

    Vinyle, Vidi, Vici

    Mercredi 21 octobre 2020 par Stéphane Duchêne
  • Scènes
    • Trouvez un spectacle à LYON
    • Spectacles à l'affiche aujourd'hui
    • Prochains spectacles
    • Votre Week-End
    Théâtre de Rue

    Invitation à Re-partir avec le KompleXKapharnaüM

    Jeudi 25 février 2021 par Nadja Pobel
    Théâtre

    Martha Spinoux-Tardivat, la pétillante nouvelle directrice des Clochards Célestes

    Jeudi 18 février 2021 par Nadja Pobel
    Théâtre

    Les Clochards Célestes annulent leur saison

    Mercredi 3 février 2021 par Nadja Pobel
  • Musiques
    • Trouvez un concert à LYON
    • Concerts à l'affiche aujourd'hui
    • Prochains concerts
    • Votre Week-End
    French Pop

    Eliott Jane, esprit libre

    Vendredi 19 février 2021 par Stéphane Duchêne
    Reggae

    La nuit où U Roy entra dans l’Histoire

    Jeudi 18 février 2021 par Sébastien Broquet
    Lyon, capitale du rock

    Christophe Simplex : « de l'inédit, rien que de l'inédit »

    Vendredi 5 février 2021 par Stéphane Duchêne
  • Connaître
    • Animations à l'affiche aujourd'hui
    • Prochaines animations
    • Votre Week-End
    Littérature

    Fête du Livre de Bron : une programmation invincible et bien visible

    Lundi 1 mars 2021 par Stéphane Duchêne
    Récit

    Thierry Frémaux : projection particulière

    Vendredi 26 février 2021 par Vincent Raymond
    Bande Dessinée

    Nellie Bly, une folle aventure du récit en immersion

    Vendredi 19 février 2021 par Sébastien Broquet
  • Guide Urbain
    Chocolatiers

    Y aura-t-il du bon chocolat à Noël ? (spoiler : oui)

    Vendredi 4 décembre 2020 par Vincent Raymond
    Photographie

    FeelPic ouvre sa première boutique éphémère à Lyon

    Mercredi 25 novembre 2020 par Vincent Raymond
    Restaurant

    Arvine : vins d’Est

    Jeudi 22 octobre 2020 par Adrien Simon
    Restaurant

    Les makis locaux de Lipopette

    Jeudi 22 octobre 2020 par Adrien Simon
  • Escapades
  • PLUS +
    • Kids
    • Guide Urbain
    • Dossiers
    • PB Festival
    • Brigade du Ballet
    • Patrimoine
    • Articles partenaires
    • Vidéos
    • Concours
Portrait

Éric Vuillard, Goncourt de circonstance

Goncourt 2017 surprise mais fort à propos pour L'Ordre du jour, récit de deux moments pivots de la prise de pouvoir nazi à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le romancier Éric Vuillard travaille par le récit une littérature émancipatrice qui tend un miroir à notre époque troublée en grattant les replis de l'Histoire. Une démarche singulière qui laisse aussi paraître derrière l'œuvre un écrivain à la soif inextinguible de liberté et d'affranchissement des contraintes en tout genre.

Portrait

Éric Vuillard, Goncourt de circonstance

Goncourt 2017 surprise mais fort à propos pour L'Ordre du jour, récit de deux moments pivots de la prise de pouvoir nazi à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le romancier Éric Vuillard travaille par le récit une littérature émancipatrice qui tend un miroir à notre époque troublée en grattant les replis de l'Histoire. Une démarche singulière qui laisse aussi paraître derrière l'œuvre un écrivain à la soif inextinguible de liberté et d'affranchissement des contraintes en tout genre.

Éric Vuillard, Goncourt de circonstance

par Stéphane Duchêne

Mardi 12 décembre 2017
3449
LECTURES

par Stéphane Duchêne

Mardi 12 décembre 2017
3449
LECTURES

En amont de l'attribution du Prix Goncourt, on diffuse parfois quelque reportage sur la manière dont le plus prestigieux prix littéraire français peut changer la vie d'un auteur, en bien (explosion des ventes, multiplication des traductions, gros quart d'heure de célébrité) comme en mal (dépression, syndrome d'imposture, vie de page blanche). On ne voudrait pas parier notre tête au diable – ça ne se fait pas – mais on est à peu près sûrs que le Goncourt n'aura guère d'effet à long terme sur son lauréat 2017, Éric Vuillard, récompensé pour le sublime et édifiant L'Ordre du jour. Pas plus sur l'homme que sur l'écrivain. Sans doute parce qu'il l'attendait aussi peu qu'il ne le méritait depuis longtemps – il paraît qu'on n'attribue pas le Goncourt à un récit ont objecté certains ; et puis quoi encore ?

Pour l'heure, une fois la tempête médiatique passée (télés en cascade et radios en série, le temps de quelques jours), Éric Vuillard est heureux – sans plus, oserait-on – et pris par une pointe d'« effervescence » qui perturbe son travail a minima, « comme lorsqu'on déménage et qu'on a un peu la tête ailleurs ». Il en faudra donc plus pour perturber davantage un auteur qui ne risque pas d'abandonner à son nouveau statut (en est-ce vraiment un ?) une once de cette liberté, carburant de ses livres et moteur d'une vie toute entière dédiée à la littérature. Une notion qui revient régulièrement au fil de l'entretien qu'il nous a accordé, comme si la liberté était une nature.

Rimbaud, Villon, Hugo...

De son enfance lyonnaise, à deux pas de l'Hôtel-Dieu, Éric Vuillard, fils de médecin, né en 1968, ne semble retenir que cet élan : celui de copains passant leur temps à courir les entrées d'immeubles et les traboules d'avant les digicodes, quand on pouvait aller et venir partout à sa guise. « La société était hiérarchisée mais on descendait dans la cour jouer sans distinction de classe. Il y avait un rapport collectif et libre avec les autres enfants. Après, la fermeture des entrées d'immeubles a tout changé dans le rapport des enfants à la ville. » Cela, le jeune Éric n'a pas le temps de le voir et de s'y trouver enfermé.

Il quitte en effet Lyon à 15 ans, lorsque son père, arrêtant de travailler, se met en tête de rénover un village dans la Drôme. Cette perspective donne des envies d'ailleurs à l'adolescent, qui correspondent aussi à ses premiers enthousiasmes littéraires. Plus jeune, il piochait un peu au hasard dans la bibliothèque de ses parents, regardant d'un drôle d'œil la littérature de son âge – « les collections pour enfants, comme la Bibliothèque verte, ne m'intéressaient pas. J'avais l'impression qu'on se fichait un peu de nous ». Là, à 15 ans, tout de suite c'est autre chose : Rimbaud, Villon, Hugo dont la totémisation paradoxale par l'éducation nationale le fascine. « Villon et Rimbaud étaient pour moi des figures contradictoires avec l'enseignement : Rimbaud inventait des mots et se comportait comme un voyou ; Villon avait tué un type, il avait été arrêté plusieurs fois, et il était parti sur les routes. »

Sur la route

Ce n'est pas ce qui lui fait aimer le lycée pour autant : Éric Vuillard s'y sent enfermé, ne supporte ni autorité, ni contrôles. Alors dans un élan peut-être rimbaldien, il déserte et court les routes. Se laisse porter par le vent et les chauffeurs occasionnels à la découverte de la France, de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal. Et du fait qu'avoir les « poches crevées » comme l'écrivait Rimbaud est moins poétique qu'il n'y paraît. Mais taillerait-on autrement la route que dans la précarité qui dépolit le romantisme de l'errance ? « Quand on est adolescent sur les routes, on se sent aussi seul, il y a des moments pas marrants, avec des difficultés pour bouffer, pour loger. Ce n'est pas une aventure désirable », concède l'ex-routard devenu adulte, avant de reconnaître qu'il n'en a pas moins éprouvé très souvent « un fort sentiment de liberté ».

Comme lorsque, bac en poche malgré tout, il se met à fréquenter avec voracité les bancs de l'université (« parce que la fac était un espace de liberté »), se bardant d'un nombre invraisemblable de diplômes dont il n'a pas l'intention de faire quoi que ce soit. Pas question de se donner comme ça à la société. « J'écrivais déjà et j'ai toujours eu le sentiment qu'il me serait difficile de donner mon temps à autre chose. Je préférais vivre avec peu d'argent que d'opérer une transaction : devenir enseignant, faire un certain nombre d'efforts pendant quelques années pour avoir du temps ensuite. Je ne pouvais pas différer. » Comprendre : différer l'écriture, occupation permanente venue par la poésie « parce qu'adolescent en voyage, pour écrire il suffit d'une feuille et d'un crayon » et qui prend toute la place jusqu'à la trentaine, lorsque l'auteur se sédentarise, montrant par là que les conditions de production de l'écrivain – comme posséder un bureau – ne sont pas dénuées de conséquences sur la forme de son art. Pas plus que le contexte général.

L'histoire avec un grand H

« Après 2008, l'horizon politique a changé, explique l'auteur ; l'Histoire semblait repartir, et la narration, c'est-à-dire une forme d'exposition, de clarté, devenait quelque chose de nécessaire. » Comme s'il s'agissait de libérer la parole générale, de la laisser jaillir d'un volcan trop longtemps éteint par les circonstances. Mais cette urgence au présent, Éric Vuillard va choisir de la contourner habilement, de la conjuguer au passé pour mieux la confronter, au travers de récits sur la Première Guerre mondiale (La Bataille d'Occident), le partage de l'Afrique par les puissances coloniales (Congo), la naissance de la légende de la conquête de l'Ouest (Tristesse de la terre), la Révolution française (14 juillet) ou les prémices de la Seconde Guerre mondiale (L'Ordre du jour).

Une manière de tendre un miroir à notre époque qu'Éric Vuillard théorise ainsi : « Une forme littéraire s'invente toujours à partir d'un contenu. Bien que les perspectives se soient un peu réouvertes depuis 2008, il existe une pensée hégémonique très puissante. Dans ces conditions, il est très difficile d'écrire sur le présent, puisque les divisions y sont dissimulées, proscrites. Le passé est ainsi une sorte de recours ; c'est comme un billard à plusieurs bandes, il autorise un regard oblique. Et puis l'Histoire donne une sorte de solennité presque naturelle aux événements, elle permet d'avoir un ton à la fois ample, lyrique et par moment glacé. »

Langue, pensée, récit

De là, Éric Vuillard brille par un sens de l'ironie, du récit et de la poésie qui vient se nicher dans les interstices du désastre pour lézarder les certitudes historiques, déboulonner les statues des puissants et dégonfler leurs airs importants, inventant de livre en livre un genre qui ne serait que le sien. « Ce n'est qu'après deux livres, La Bataille d'Occident et Congo, que j'ai eu le sentiment que j'atteignais à une forme dont j'avais rêvé : moderne, sans intrigue linéaire, sans personnage principal... Cela est venu en écrivant. »

Cette approche, l'auteur, toujours mu par cet instant où un détail vibrant viendra, dans ses recherches, déclencher un livre, la mène pourtant dans le sens d'une littérature qu'il souhaite le plus possible à l'équilibre de la langue, de la pensée et du récit et toujours porteuse d'émancipation, d'une aspiration à l'égalité et à la liberté, seuls moteurs selon lui de la littérature depuis Rousseau.

Or, c'est aussi cette liberté toujours – sa liberté d'écrivain – qu'Éric Vuillard va chercher dans le creuset de l'Histoire, encore. « On ne peut pas parler de liberté, d'égalité hors de l'Histoire. Seule leur inscription dans l'événement, dans l'expérience humaine leur donne un contenu réel. La liberté en soi n'existe pas, elle n'existe qu'incarnée dans des expériences qui en reconfigurent sans cesse la définition. Mon intérêt pour l'Histoire vient de là. » D'un goût certain pour la liberté, donc, qui, pour Éric Vuillard, risque lui aussi, avec ce Goncourt, de s'inscrire dans l'Histoire. Mais de la littérature, cette fois.

Éric Vuillard
À la Librairie Passages jeudi 14 décembre à 17h

En amont de l'attribution du Prix Goncourt, on diffuse parfois quelque reportage sur la manière dont le plus prestigieux prix littéraire français peut changer la vie d'un auteur, en bien (explosion des ventes, multiplication des traductions, gros quart d'heure de célébrité) comme en mal (dépression, syndrome d'imposture, vie de page blanche). On ne voudrait pas parier notre tête au diable – ça ne se fait pas – mais on est à peu près sûrs que le Goncourt n'aura guère d'effet à long terme sur son lauréat 2017, Éric Vuillard, récompensé pour le sublime et édifiant L'Ordre du jour. Pas plus sur l'homme que sur l'écrivain. Sans doute parce qu'il l'attendait aussi peu qu'il ne le méritait depuis longtemps – il paraît qu'on n'attribue pas le Goncourt à un récit ont objecté certains ; et puis quoi encore ?

Pour l'heure, une fois la tempête médiatique passée (télés en cascade et radios en série, le temps de quelques jours), Éric Vuillard est heureux – sans plus, oserait-on – et pris par une pointe d'« effervescence » qui perturbe son travail a minima, « comme lorsqu'on déménage et qu'on a un peu la tête ailleurs ». Il en faudra donc plus pour perturber davantage un auteur qui ne risque pas d'abandonner à son nouveau statut (en est-ce vraiment un ?) une once de cette liberté, carburant de ses livres et moteur d'une vie toute entière dédiée à la littérature. Une notion qui revient régulièrement au fil de l'entretien qu'il nous a accordé, comme si la liberté était une nature.

Rimbaud, Villon, Hugo...

De son enfance lyonnaise, à deux pas de l'Hôtel-Dieu, Éric Vuillard, fils de médecin, né en 1968, ne semble retenir que cet élan : celui de copains passant leur temps à courir les entrées d'immeubles et les traboules d'avant les digicodes, quand on pouvait aller et venir partout à sa guise. « La société était hiérarchisée mais on descendait dans la cour jouer sans distinction de classe. Il y avait un rapport collectif et libre avec les autres enfants. Après, la fermeture des entrées d'immeubles a tout changé dans le rapport des enfants à la ville. » Cela, le jeune Éric n'a pas le temps de le voir et de s'y trouver enfermé.

Il quitte en effet Lyon à 15 ans, lorsque son père, arrêtant de travailler, se met en tête de rénover un village dans la Drôme. Cette perspective donne des envies d'ailleurs à l'adolescent, qui correspondent aussi à ses premiers enthousiasmes littéraires. Plus jeune, il piochait un peu au hasard dans la bibliothèque de ses parents, regardant d'un drôle d'œil la littérature de son âge – « les collections pour enfants, comme la Bibliothèque verte, ne m'intéressaient pas. J'avais l'impression qu'on se fichait un peu de nous ». Là, à 15 ans, tout de suite c'est autre chose : Rimbaud, Villon, Hugo dont la totémisation paradoxale par l'éducation nationale le fascine. « Villon et Rimbaud étaient pour moi des figures contradictoires avec l'enseignement : Rimbaud inventait des mots et se comportait comme un voyou ; Villon avait tué un type, il avait été arrêté plusieurs fois, et il était parti sur les routes. »

Sur la route

Ce n'est pas ce qui lui fait aimer le lycée pour autant : Éric Vuillard s'y sent enfermé, ne supporte ni autorité, ni contrôles. Alors dans un élan peut-être rimbaldien, il déserte et court les routes. Se laisse porter par le vent et les chauffeurs occasionnels à la découverte de la France, de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal. Et du fait qu'avoir les « poches crevées » comme l'écrivait Rimbaud est moins poétique qu'il n'y paraît. Mais taillerait-on autrement la route que dans la précarité qui dépolit le romantisme de l'errance ? « Quand on est adolescent sur les routes, on se sent aussi seul, il y a des moments pas marrants, avec des difficultés pour bouffer, pour loger. Ce n'est pas une aventure désirable », concède l'ex-routard devenu adulte, avant de reconnaître qu'il n'en a pas moins éprouvé très souvent « un fort sentiment de liberté ».

Comme lorsque, bac en poche malgré tout, il se met à fréquenter avec voracité les bancs de l'université (« parce que la fac était un espace de liberté »), se bardant d'un nombre invraisemblable de diplômes dont il n'a pas l'intention de faire quoi que ce soit. Pas question de se donner comme ça à la société. « J'écrivais déjà et j'ai toujours eu le sentiment qu'il me serait difficile de donner mon temps à autre chose. Je préférais vivre avec peu d'argent que d'opérer une transaction : devenir enseignant, faire un certain nombre d'efforts pendant quelques années pour avoir du temps ensuite. Je ne pouvais pas différer. » Comprendre : différer l'écriture, occupation permanente venue par la poésie « parce qu'adolescent en voyage, pour écrire il suffit d'une feuille et d'un crayon » et qui prend toute la place jusqu'à la trentaine, lorsque l'auteur se sédentarise, montrant par là que les conditions de production de l'écrivain – comme posséder un bureau – ne sont pas dénuées de conséquences sur la forme de son art. Pas plus que le contexte général.

L'histoire avec un grand H

« Après 2008, l'horizon politique a changé, explique l'auteur ; l'Histoire semblait repartir, et la narration, c'est-à-dire une forme d'exposition, de clarté, devenait quelque chose de nécessaire. » Comme s'il s'agissait de libérer la parole générale, de la laisser jaillir d'un volcan trop longtemps éteint par les circonstances. Mais cette urgence au présent, Éric Vuillard va choisir de la contourner habilement, de la conjuguer au passé pour mieux la confronter, au travers de récits sur la Première Guerre mondiale (La Bataille d'Occident), le partage de l'Afrique par les puissances coloniales (Congo), la naissance de la légende de la conquête de l'Ouest (Tristesse de la terre), la Révolution française (14 juillet) ou les prémices de la Seconde Guerre mondiale (L'Ordre du jour).

Une manière de tendre un miroir à notre époque qu'Éric Vuillard théorise ainsi : « Une forme littéraire s'invente toujours à partir d'un contenu. Bien que les perspectives se soient un peu réouvertes depuis 2008, il existe une pensée hégémonique très puissante. Dans ces conditions, il est très difficile d'écrire sur le présent, puisque les divisions y sont dissimulées, proscrites. Le passé est ainsi une sorte de recours ; c'est comme un billard à plusieurs bandes, il autorise un regard oblique. Et puis l'Histoire donne une sorte de solennité presque naturelle aux événements, elle permet d'avoir un ton à la fois ample, lyrique et par moment glacé. »

Langue, pensée, récit

De là, Éric Vuillard brille par un sens de l'ironie, du récit et de la poésie qui vient se nicher dans les interstices du désastre pour lézarder les certitudes historiques, déboulonner les statues des puissants et dégonfler leurs airs importants, inventant de livre en livre un genre qui ne serait que le sien. « Ce n'est qu'après deux livres, La Bataille d'Occident et Congo, que j'ai eu le sentiment que j'atteignais à une forme dont j'avais rêvé : moderne, sans intrigue linéaire, sans personnage principal... Cela est venu en écrivant. »

Cette approche, l'auteur, toujours mu par cet instant où un détail vibrant viendra, dans ses recherches, déclencher un livre, la mène pourtant dans le sens d'une littérature qu'il souhaite le plus possible à l'équilibre de la langue, de la pensée et du récit et toujours porteuse d'émancipation, d'une aspiration à l'égalité et à la liberté, seuls moteurs selon lui de la littérature depuis Rousseau.

Or, c'est aussi cette liberté toujours – sa liberté d'écrivain – qu'Éric Vuillard va chercher dans le creuset de l'Histoire, encore. « On ne peut pas parler de liberté, d'égalité hors de l'Histoire. Seule leur inscription dans l'événement, dans l'expérience humaine leur donne un contenu réel. La liberté en soi n'existe pas, elle n'existe qu'incarnée dans des expériences qui en reconfigurent sans cesse la définition. Mon intérêt pour l'Histoire vient de là. » D'un goût certain pour la liberté, donc, qui, pour Éric Vuillard, risque lui aussi, avec ce Goncourt, de s'inscrire dans l'Histoire. Mais de la littérature, cette fois.

Éric Vuillard
À la Librairie Passages jeudi 14 décembre à 17h

Crédit Photo : © Melania Avanzato


Eric Vuillard, Prix Goncourt 2017

Pour son livre l'Ordre du Jour Le Square-Librairie de l'Université 2 square du Docteur Léon Martin Grenoble

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

voir les salles et horaires


Partager Twitter
  • Tags
  •   Eric+Vuillard
  •   L+Ordre+du+jour
Article précédent

Lutins de sa glace ! : "Santa & Cie"

Article précédent

Lutins de sa glace ! : "Santa & Cie"

Article suivant

Labels et labels

Article suivant

Labels et labels

 

Animations

trouvez une expo près de chez vous

je lance ma recherche !

BONS PLANS & CONCOURS

Gagnez des places de cinéma, de concerts, et des invitations aux spectacles

Tentez votre chance

Recherchez un article

Search for:

LE FILMf DE LA SEMAINE

Sous les étoiles de Paris

De Claus Drexel (Fr, 1h30) avec Catherine Frot, Mahamadou Yaffa, Jean-Henri Compère

Depuis de nombreuses années, Christine vit sous un pont, isolée de toute famille et amis. Par une nuit comme il n’en existe que dans les contes, un jeune garçon de 8 ans fait irruption devant son abri. Suli ne parle pas français, il est perdu, séparé de sa mère… Ensemble, ils partent à sa recherche. A travers les rues de Paris, Christine et Suli vont apprendre à se connaître et à s’apprivoiser. Et Christine à retrouver une humanité qu’elle croyait disparue.

Voir les salles et horaires du film

Petit Bulletin


Edité à 45 000 exemplaires à Lyon le Petit Bulletin est distribué gratuitement et en libre service tous les mercredis dans plus de 1 000 points.
Le Petit Bulletin est édité par le Groupe Unagi.



Lisez le n°994 en PDF
VOIR NOS ARCHIVES

Liens Utiles

  • Qui sommes nous ?
    Envoyez un programme
    Archives du journal
    Diffusion
    Recrutement
    Coordonnées
    Publicité
    Articles partenaires

Partenaires

  • Groupe Unagi
    Spot
    Hétéroclite
    Cours et Stages à lyon
    Diffusion Active
    Agence Tintamarre
    IF
    Rue89Lyon
    Lyon City Crunch
    PB LIVE
    PB FESTIVAL

Contact

  • Le Petit Bulletin 16 , rue du Garet
    BP1130 - 69203 Lyon cedex 01
    Tel : 04 72 00 10 20
    Fax : 04 72 00 08 60
    Tous les contacts sur cette page
Copyright Le Petit Bulletin 2021 | Tous droits réservés.

Articles : Dossiers | Concours | Entretiens et portraits | News | Critiques cinéma | Vidéos

Archives : Clipothèque | DVD Cinéma | CD Musique | Livres | Bande Dessinée | Jeux Vidéo | Archives Blogs | Archives Agenda | Sorties de la semaine |

Agenda animations et spectacles : à l'affiche aujourd'hui | prochains animations et spectacles | votre Week End | Festivals | Salles de spectacles