Angie Gaudion « Le problème, ce n'est pas l'IA, c'est le capitalisme »
Technologie / Vivre sans les géants du web, c'est le choix qu'ont fait plus de 1, 8 million de personnes qui utilisent chaque mois les sites alternatifs développés par l'association lyonnaise Framasoft. Un thème largement développé lors des talks de Nuits Sonores Lab en mai dernier auxquels nous avons assistés.
La salle des talks, au rez-de-chaussée de l'Hôtel 71, est comble en ce mercredi de mai dernier malgré la chaleur. Les éventails s'agitent dans les rangs. Sur la petite scène, Angie Gaudion, chargée des relations publiques pour Framasoft, Célestine Rabouam, doctorante à l'Institut Français de Géopolitique, et Tariq Krim, fondateur de Cybernetica, échangent dans le cadre d'une table ronde organisée dans le cadre de Nuits Sonores Lab intitulée "L'Europe face aux géants : une 3e voie pour la tech ?".
Cette troisième voie, Framasoft tente de l'incarner depuis vingt ans. Angie Gaudion y a notamment abordé les enjeux géopolitiques de l'intelligence artificielle, souvent mal comprise : « Pour les gens, l'IA se réduit trop souvent à ChatGPT, alors que l'IA c'est bien plus que ça ». Elle cite FramamIA, un site développé par l'association pour expliquer au grand public les multiples usages de cette technologie « qui s'offre à tous et toutes ». Mais cet outil alimente aussi la rivalité entre États-Unis et Chine et reflète, comme le reste du numérique, l'idéologie de celles et ceux qui le conçoivent, propageant parfois des visions capitalistes, sexistes ou racistes. « Si l'IA était pensée à des fins de justice sociale et d'émancipation des utilisateurs et utilisatrices par le numérique, il n'y aurait pas d'inquiétude à avoir », ajoute-t-elle.
Le logiciel libre comme outil d'émancipationÂ
Fondée en 2004 à Lyon, Framasoft est une association d'éducation populaire régie par la loi 1901. Elle refuse toute subvention publique en raison de son opposition au contrat républicain et fonctionne uniquement grâce aux dons de ses utilisateurs et utilisatrices. L'équipe réunit aujourd'hui une dizaine de salarié(e)s et une trentaine de bénévoles, avec pour mission de favoriser l'émancipation numérique à travers différents projets comme "Dégooglisons internet" qui propose des services en ligne éthiques et gratuits. Parmi eux, Framadate en alternative à Doodle, Framaform pour remplacer Google Form ou encore Framapad face à Google Docs. Tous ces outils sont libres et leurs codes sources accessibles, permettant à chacun(e) de les adapter ou de les partager.
Si le logiciel libre était confidentiel à ses débuts, il est aujourd'hui mieux connu et plus largement adopté. Un changement lent mais nécessaire pour combattre ce qu'Angie Gaudion nomme le "technoféodalisme", soit la domination des puissants sur le numérique. « On est optimiste », confie-t-elle, « on sait que ça va dans le bon sens même si la route est encore très longue ».