Harout Mekhsian, nouveau directeur du CCO

Après vingt ans à la direction du CCO à Villeurbanne, Fernanda Leite passe le flambeau à Harout Mekhsian. Entrepreneur de projets culturels, récent candidat à la reprise du Transbordeur, actuellement coordinateur du collectif pluridisciplinaire Cité Créative Coblod, il prendra ses fonctions le 2 novembre dans ce centre culturel œcuménique, installé désormais dans un quartier en rénovation, celui de l'Autre Soie.


Fernanda Leite, que gardez-vous de ces plus de vingt ans passés à la tête du CCO ?
Fernanda Leite : C'est un lieu incroyable, plein de vie qui déborde et qui est devenu un lieu d'hospitalité, d'engagement. Le CCO est avant tout un lieu qui fabrique sa propre matière avec ceux qui le font. Le premier jour où je suis arrivée, j'ai entendu énormément de langues différentes ! Ça m'a marquée. C'est un haut-parleur des paroles de chacun pour qu'il soit entendu dans la cité. Il n'y a pas juste des spectateurs consommateurs. Chacun est une personne avec des mots à dire, des projets à porter et un lieu pour les exprimer.

Pourquoi partez-vous ?
Fernanda Leite : Parce qu'il faut savoir laisser la place ! Et ça me plaît de ne pas partir une fois que la porte est ouverte ! Ça fera du bien qu'il y ait une énergie nouvelle.

Harout Mekhsian, qu'allez-vous faire de ce "haut-parleur" et quels sont les projet que vous portez pour ce lieu ?
Harout Mekhsian : Ce qui m'intéresse, c'est comment ces lieux-là transforment des vies, des énergies. Dans le milieu culturel, on travaille sur du sensible pour donner la possibilité à des artistes de montrer l'expression de ce qu'est le monde. Le pas qu'a franchi le CCO depuis toutes ces années, c'est de ne pas envisager le public comme une identité avec un seul corps, mais de parler des publics, regrouper des énergies et puis après de rayonner — ce n'est pas anodin que le CCO dans ce nouveau quartier s'appelle La Rayonne [NDLR : du nom de la fibre textile produite dans les usines alentours autrefois, nous précisera plus tard Fernanda Leite]. Pour être un haut-parleur, il faut écouter et il faut un micro. Le CCO joue ce rôle-là.

Qu'allez-vous impulser de nouveau ?
Harout Mekhsian : Évidemment, il y aura une grande continuité mais l'outil va être nouveau, avec une plus grande capacité à fédérer tout l'univers culturel, retranscrire le monde, montrer les plus isolés, fragilisés, "dé-margés". La nouvelle salle de concert qui ouvrira en septembre 2023 avec une capacité de 1000 places debout et 400 assises va amener des ressources supplémentaires.

J'ai très envie d'explorer les arts citoyens, les créations participatives, une forme de programmation concertée avec les habitants. Dans le monde culturel, la programmation est le lieu de pouvoir. Comment travailler cela différemment ? Enlève-t-on une forme de verticalité à cet axe ? Avant tout, je vais devoir observer, écouter et apprendre. Il y a ici des compétences uniques sur le territoire de la Métropole. Je ne suis pas tout seul !

Fernanda Leite : Il y a environ 14 équivalent temps plein et sept services civiques. En ce moment on expérimente le nouvel équipement avec le territoire. Ces frottements nous apportent beaucoup. [NDLR : le CCO a quitté son emplacement historique de la rue Courteline à Villeurbanne en 2017 et s'est installé rue de Musset de façon provisoire en attendant la livraison finale des bâtiments en 2023] Il faut voir ce que ça va nous raconter.

Quelle sera l'implication du CCO dans "Villeurbanne capitale de culture" ?Fernanda Leite : Nous avons été impliqués dès le début dans la candidature de la Ville et tout ce qu'on a proposé a été retenu, notamment avec les permanences artistiques dans les écoles.

Quels artistes, quelles couleurs artistiques verra-t-on ici ?
Harout Mekhsian : Je viens avec ce que je suis. Je n'ai pas envie de travailler en silo, que cette salle soit classée musiques actuelles ou autre,  mais que ce soit un lieu où on peut envisager tout ce qui est possible de faire techniquement. Je voudrais voir aussi des choses dans le hall, des moments avant ou après concert, des installations… Et montrer des choses inattendues. Il devrait y avoir environ 120 dates par an. Le but n'est pas d'être en concurrence avec le Transbordeur, ou le Radiant, mais c'est une échelle facile à travailler et ça permet de montrer beaucoup de choses, de la musique, du spectacle vivant. Avant de faire un Transbo, des artistes pourront par exemple se tester sur une salle à 1000 places. Ça donne une bonne vision de la capacité d'un artiste à fédérer un public sans prendre beaucoup de risques.

Fernanda Leite : Pour l'émergence, il y aura aussi une salle de 80 places, dans le bâtiment patrimonial de l'ancien IUFM. Il y a également un studio numérique, un fablab qui sera une ressource pour l'écosystème du co-working [NDLR : implanté dans l'Autre Soie avec un bar, un restaurant, une résidence étudiante, des logements sociaux...].

Savez-vous avec quels artistes vous allez travailler ?
Harout Mekhsian : Non pas précisément encore. Et je ne peux pas arriver avec un désir vertical. Il y a déjà des forces ici, des manières de sélection qui sont propres au lieu. Je ne suis pas là pour tout chambouler mais pour ajouter des opportunités et faire que l'ensemble des missions de la structure d'intérêt général puissent se réaliser et que l'offre puisse satisfaire les plus grands publics.

La Ville de Villeurbanne souhaite faire des usines Bobst, anciennes usines de transformation de carton ondulé, un lieu d'urbanisme transitoire. Serez-vous impliqué dans ce projet ?
Harout Mekhsian :
Concernant le CCO je ne sais pas, mais avec ma casquette du collectif de structures culturelles Cité Créative Coblod, on a très envie de créer là-bas un lien avec le CCO. Mais il faut bien voir que, sur le site de Bobst, ce serait une occupation provisoire de cinq-six ans ; ici c'est pérenne. Mais on n'a pas les manettes, on attend de savoir.


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