“OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire“ de Nicolas Bedos : agent blanchissant

OSS 117 continue ses “exploits“ en Afrique, où il échappe aux crocs des cocos comme des crocos et se trouve lesté d'un jeune partenaire… Un troisième volume en-dessous des deux précédents (Nicolas Bedos ne réalise pas tout à fait qu'il a pris la succession de Michel Hazanavicius), porté toutefois par son scénario et ses comédiens. Parfait pour clore un cycle et le festival de Cannes… devant un président de jury doté d'un solide sens de l'humour.


1981. De retour d'Afghanistan, Hubert Bonisseur de La Bath alias OSS 117 est affecté à de nouvelles fonctions administratives. Mais la disparition du jeune agent OSS 1001 en Afrique convainc sa hiérarchie de renvoyer en mission sur le terrain son “meilleur élément“…

Doué en théorie de raison, l'Humain se distingue par son incomparable capacité à user au quotidien de déraison. Placez-le face à une boîte de biscuits au chocolat (et à l'orange) : même s'il sait que la vider d'un coup : a/ lui coupera l'appétit b/ l'écœurera c/ le privera d'en manger plusieurs jours durant, que croyez-vous qu'il fera ? La réponse d/ : il la bâfrera jusqu'au couvercle ! Au cinéma, c'est un peu pareil : lorsqu'une franchise de qualité fonctionne, se pose invariablement la question de la laisser à son apogée en cultivant la frustration du public… ou de courir le risque de lui offrir une suite, quitte à déchoir et décevoir. Mais comme le public a la mémoire courte et les poches profondes — vous souvenez-vous d'Indiana Jones et le Royaume du crâne du cristal (2008), le plus rentable au box office et cependant le pire des quatre à ce jour  ? —, on ne perd jamais rien à essayer…

Ce troisième épisode de OSS 117 avec Jean Dujardin conserve le cap engagé par Michel Hazanavicius, bien que ce dernier ait débarqué du bateau : son fidèle co-auteur Jean-François Halin est resté à bord pour signer le scénario. Halin se trouve ainsi garant de la continuité et surtout de la continuation de la série. Car davantage qu'une parodie de films d'espionnage, la désormais trilogie forme une chronique critique et ironique de la société hexagonale des Trente glorieuses, où OSS 117 représente la quintessence du “Français moyen“ sans fard ni filtre — comme Georges Le Roi dans Le Roi des cons (1981) de Confortès et Wolinski. À travers ses actes et ses paroles, ce qu'il dit de la mentalité d'une époque vaut mille études sociologiques sur l'état des choses et les choses de l'État. Pris à trois “moments“ de bascule historique (avant l'avènement de la Ve République, à l'aube de Mai-1968, juste avant l'arrivée de la Gauche au pouvoir), Hubert Bonisseur de La Bath se distingue par son absence de vista, sa mentalité en tous points rétrograde et son absolue plasticité aux doctrines édictées par le gouvernement (de droite) en place. Notons que cette plasticité lui permet également de se transformer aisément en expert-informaticien par osmose : il lui suffit pour cela de faire des blagues de nerd, d'arborer une pochette de stylos et des lunettes…

Alarme à gauche pour OSS 117

Contemporaine de la Françafrique triomphante, des sketches de Michel Leeb en prime time ou de la chanson de Michel Sardou, Le Temps des colonies, l'intrigue d'Alerte rouge en Afrique noire invalide le concept même de cancel culture par l'absurdité des situations et son manifeste second degré : nul besoin d'être woke pour comprendre la charge. Au reste, le regard vitriolé sur les combines politiques à géométrie variable de la France en Afrique n'a rien d'une nouveauté : Lautner les représentait dans Le Professionnel en… 1981, toujours.

Obnubilé par la représentation de la société giscardienne (Monsieur et Madame Adelman, La Belle Époque), Nicolas Bedos n'a pas dû hésiter longtemps lorsqu'on lui a proposé de réaliser ce film. Seulement, il se contente de mettre en images le scénario pour livrer une comédie d'action dans une forme globalement très actuelle, là où Hazanavicius aurait proposé tout un jeu de détournement des codes cinématographiques des années 1970. L'enjeu de cette “contrefaçon“ artistique visible ? Accentuer le décalage, la distance entre le monde factice et suranné d'OSS 117 et le nôtre, mais aussi augmenter le plaisir nostalgique d'assister à la résurrection d'un univers visuel évanoui (celui introduit par la Marguerite Gaumont vintage). Plus intéressé par la composition de la BO, Bedos se borne à pasticher un générique de James Bond ou la physionomie d'un ses villains comme dans un spoof de base, de type Austin Powers. Ce défaut d'inventivité dans la réalisation, qui prive le film de l'éclat dont la série jusqu'alors se prévalait, explique certainement pourquoi les teasers décevaient au lieu d'exciter la curiosité. Mais voyons le côté positif de la chose : pour le reste, le film surprend en bien…

★★★☆☆ OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire 
Un film de Nicolas Bedos avec Jean Dujardin, Pierre Niney, Fatou N'Diaye…


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