Dans le giron d'Avignon

Alors que le programme du Festival d'Avignon vient d'être dévoilée et que le dissident russe Kirill Serebrennikov sera dans la cour d'honneur cet été, visite du Palais des Papes avant la foule de juillet. Cap sur la ville au plus vaste secteur sauvegardé de France !


Le Palais des papes

La cour ne parait pas si grande et pourtant, depuis 1947 et la Semaine d'art en Avignon pilotée par Jean Vilar (qui restera à la tête du festival jusqu'à son décès en 1971), elle accueille le spectacle le plus attendu dans la France du théâtre public. Entièrement refait l'an dernier, le gradinage, accueillant 2 000 spectateurs, n'est pas encore monté en ce début de printemps. Il s'insère dans un bâtiment édifié en seulement vingt ans dans la première moitié du XIVe siècle.

Cette construction gothique, la plus grande du Moyen-Âge, a été largement pillée et abîmée lors de la Révolution française ; c'est sa transformation en prison et caserne qui la sauva : le revêtement posé sur les murs des cellules protège alors les chefs-d'œuvre peints au-dessous comme les scènes de chasse, pêche, cueillette dans la chambre du Cerf, cabinet de travail d'un des deux papes bâtisseurs, Clément IV. Au total 25 salles se visitent dont le "Grand Tinel", salle des festins de 48 m de long. Sept papes ont été élus et ont vécu ici, puis des légats italiens jusqu'à la Révolution. Le Palais des Papes est ouvert au public dès 1907 et accueille chaque été un artiste dans ses jardins. Du 27 juin au 30 novembre, le photographe brésilien Sebastião Salgado y montrera son travail accompagné d'une création sonore de Jean-Michel Jarre. Ce lieu est aussi classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO avec le Pont d'Avignon, depuis 1995.

Le pont, dont la vraie appellation est Saint-Bénezet, du nom d'un berger qui avait entendu une voix l'enjoignant de construire un tel édifice au XIIe, ne permet pas de rejoindre l'autre rive, amputé par des crues violentes au milieu du XVIIe, mais il est un des symboles de cette ville et permet de voir sous un autre angle le Palais et le jardin des Doms. Niché dans l'un des piliers : une chapelle.

Les temps forts du festival

Révélée jeudi 24 mars, la programmation du Festival d'Avignon (du 7 au 26 juillet) fait la part belle à la danse avec des artistes souvent programmés à la Biennale ou à la Maison de la Danse version Dominique Hervieu : le groupe Via Katlehong, la chorégraphe Oona Doherty ou encore le jeune Jan Martens qui sera dans la Cour d'honneur. Ce lieu mythique s'ouvrira avec le Russe dissident Kirill Serebrennikov et son adaptation très attendue du Moine noir d'après Tchekhov. Moins blockbuster que les années précédentes, cette dernière édition pilotée par Olivier Py, n'en demeure pas moins intrigante.,

Le festival Off aura lieu du 7 au 30 juillet. La programmation se trouve au coup par coup sur les sites des lieux comme l'excellent Train Bleu.

Balade à la Chartreuse

Passer de l'autre côté du Rhône, changer de département (du Vaucluse au Gard, et de région, de PACA à l'Occitanie), attraper un bus (ligne 5 direction Cigalières ) ou marcher 35 minutes depuis la porte de l'Oulle.

Comme celle de Sainte-Croix-en-Jarez dans la Loire (voir Petit Bulletin n° 1012), la Chartreuse d'Avignon doit son nom au fait qu'elle fût occupée par les moines Chartreux quand en 1352, après son élection, le pape Innocent VI fit don à cet ordre austère de ses terres et de son hôtel particulier à Villeneuve-lez-Avignon, du temps où il était cardinal et s'appelait Étienne Aubert. Elle sera, au XVIIe siècle, la plus riche de France abritant près de cent personnes.

Comme dans la Loire, en 1792, sous la Révolution française, les terrains et bâtiments deviennent biens nationaux et sont vendus en lots. Désertée, mal famée, elle renaît au XXe siècle quand l'État rachète peu à peu les parcelles à 300 propriétaires privés et la rénove pour en faire une Villa Médicis à la française. C'est ici que s'installe le Centre national des écritures du spectacle avec des résidences à l'année et où se déroule une partie du festival In et Off d'Avignon. Le site est splendide et se visite au titre de Monument Historique.

Chartreuse d'Avignon
58 rue de la République, Villeneuve-lez-Avignon
T. 04 90 15 24 24
Ouvert de 10h à 13h et de 14h à 17h (jusqu'au 31 mars puis de 9h30 à 18h30 d'avril à septembre)
Tarif : 8€


Fort Saint-André

Jouxtant la chartreuse, le fort Saint-André a la plus haute distinction de l'État : Monument national, comme Notre-Dame-de-Paris ou la Conciergerie. Cet ouvrage immense, érigé dans les années 1360, avait un rôle stratégique important entre la résidence des Papes et le Saint-Empire romain germanique. Il offre une vue splendide sur le mont Ventoux voisin et les Alpilles.

Ouvert de 10h à 13h et de 14h à 17h (18h de juin à septembre) 
Tarif : 6€ (billet groupé avec la Chartreuse : 17€)


Collection Lambert

La ville compte cinq musées municipaux gratuits et ce lieu incontournable dédié à l'art contemporain né du don fait à l'État d'œuvres de la seconde moitié du XXe siècle par le marchand d'art Yvon Lambert. Dans d'anciens hôtels particuliers appartenant à la Ville d'Avignon, Joseph Beuys, Christian Boltanski, Nan Goldin, Anselm Kiefer, Jean-Michel Basquiat, Cy Twombly sont chez eux. Chaque été, l'artiste auteur de l'affiche du festival de théâtre est aussi exposé.

Cette année, ce sera l'Afghane Kubra Khademi,  exilée en France depuis quelques années et qui, l'été dernier, a été très active pour qu'une centaine de ses compatriotes, pris sous le joug taliban, soient exfiltrés. Actuellement, le Français sexagénaire Georges Tony Stoll invite à voir Le Destin du Minotaure avec vidéo, photos, dessins, sculptures, peintures (jusqu'au 6 juin).

En 2014, la Collection Lambert investissait la prison Sainte-Anne, tout juste vidée de ses occupants,  pour un splendide et extrêmement dense parcours consacré à La Disparition des lucioles dont il reste une trace sur le web.

Collection Lambert
5 rue Violette
T. 04 90 16 56 20
Du mardi au dimanche de 11h à 18h (tous les jours de 11h à 19h l'été)
Tarif : 10€


Où manger ?

L'Épicerie de Ginette. Décalque de L'Épicerie à l'angle des rues de la Monnaie et Mercière de Lyon (et du cours Albert Thomas dans le 8e), cette affaire familiale sert, dans un décor vieille France, des planches, des soupes mais surtout des tartines véritablement généreuses froides ou chaudes (la Fourme d'Ambert-pruneaux, 7, 60€) et ce dessert qu'on pourrait manger à l'infini, un Temps des Cerises (sorte de forêt noire en goût) servi dans une conserve de verre (4, 50€). Sans prétention ni hipsterisation.
25-27 place des Corps Saints, Avignon
Tous les jours de 11h à 23h
T. 04 90 85 58 70


Où dormir ?

Hôtel des Corps Saints. Parce que la place est la plus douce. Parce que les prix le sont aussi. Pas de luxe mais tout ce qu'il faut dans cet hôtel près de la gare, dans les remparts. 59€ la double en moyenne saison.
17 rue Agricol Perdiguier, Avignon
T. 04 90 86 14 46


Où acheter des produits locaux ?

Les Halles. Comme à Lyon, ce n'est pas le meilleur marché de la ville mais la qualité est là. Poissons, charcuterie, pain, fougasses, fruits, légumes, vins, fromages, olives… Tout est possible y compris de manger sur le pouce dans deux buvettes.
Place Pie, Avignon
Du mardi au dimanche de 6h à 14h


Comment y aller depuis Lyon ?

En voiture : 2h20 et 230 km en quasi-totalité sur l'A7 (coût péage : 20, 60€)

En train : miser sur le TER (2h20 et 36, 20€) plutôt que le TGV car la ligne à grande vitesse laisse en gare d'Avignon TGV. S'il faut cinq minutes pour les relier, il faut parfois attendre trois quart d'heure pour faire la correspondance ! Sinon, ligne de bus n° 10 (18 minutes de trajet)


Où se renseigner ?

Office du tourisme
41 cours Jean-Jaurès
T. 04 32 74 32 74
Ouvert du lundi au samedi de 9h à 17h jusqu'à fin mars (horaires plus larges ensuite)


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