Théâtre à Lyon : une rentrée intensive

Les six mois qui viennent seront aussi denses que ceux de l'automne en théâtre. Tentatives de débroussaillage, forcément très partiel. Mais enthousiaste !


Le public est là. Et il rajeunit un chouia. Il faut dire que les propositions collent à la fois aux problématiques actuelles et que les jeunes artistes sont légion. Commençons par eux. Ne pas rater Sultan Ulutaș Alopé aux Clochards Célestes (avril) avec La Langue de mon père dans laquelle cette Turque, raconte (et joue) dans un français récent mais parfait comment une langue protège (le français) ou permet de se rapprocher de son père (le kurde). Autres jeunes femmes sur cette scène, celles du Théâtre Marguerite avec Le Cabaret des indociles (janvier) qui plonge dans la réalité aride d'un centre de rééducation de jeunes filles dans les années 50. Cette création sera aussi le 3 mars à Saint-Fons puisque le théâtre Jean Marais est co-producteur. À Lyon le spectacle s'inscrit dans le festival Azimuts dédié à la création régionale.

Dans ce cadre, à l'Elysée c'est la parole iranienne que l'on entendra (Ellipsis par Katayoon Latif, janvier), une biographie fictionnée sur les crimes d'Etat. Juste avant, ces deux scènes découvertes accueillent à la Maison Ravier la reprise du très délicat travail de Pierre Bidard Il faut tenter de vivre d'après La Montagne magique de Thomas Mann.

Autre reprise d'un spectacle peu vu à cause du Covid : Sarrazine sur la radicale écrivaine Albertine Sarrazin (Polaris en janvier et Célestins fin mai). L'autrice Julie Rossello-Rochet présentera un travail plus récent encore à la Croix-Rousse (février) Entre ses mains sur la relation entre soignants, malades et proches dans l'hôpital public. Dans les deux cas c'est l'excellente Nelly Pulicani que l'on retrouve sur le plateau. Autre génération à l'origine d'un des spectacles qui nous attire le plus dans les mois qui viennent : Pascale Henry pour Privés de feuilles les arbres ne bruissent pas (janvier) de l'autrice quinqua hollandaise Magne van der Berg. Une écriture très simple de deux femmes d'une cinquantaine d'années qui se préparent, se parent car quelqu'un vient. Sous les phrases très courtes, se nichent l'amitié, la condition sociale modeste. On a hâte.

Dans ce théâtre, place aussi à l'immense texte de Tiago Rodrigues, son Iphigénie dépourvue de Dieu et totalement libre dans la mise en scène, certes très statique et académique, d'Anne Théron mais qui justement n'oblitère aucun mot et leur confère même une certaine majesté. Le Portugais sera présent en avril à la Croix-Rousse avec une création de 2016, Antoine et Cléopâtre. Autre artiste international majeur à revenir ici avec sa pièce tranchante, bouleversante : Hate radio (Croix-Rousse, janvier) de Milo Rau créé en 2012. L'an dernier, à la même époque au Point du Jour, le Suisse nous sidérait avec Familie, ici il recontruit un studio de la radio propagandiste des Mille collines qui incite au génocide des Tutsis. Inoubliable.

Johnny, Sòcrates et Jeff Koons

La Brésilienne Christiane Jatahy a elle raté son Après le silence, immergé dans son pays. Au TNP, où il est présenté (en mai), mieux vaut aller voir du côté du jeune (et tout) public avec l'épatant Buffles du catalan Pau Mirò mis en scène et en marionnettes par Emilie Flacher (mars). Les enfants et ados seront gâtés dans les mois qui viennent avec la reprise, toujours au TNP, du premier conte adapté par Joël Pommerat (2004 !) Le Petit chaperon rouge (avril), avec une Odyssée revue par Marion Aubert et Marion Guerrero (Renaissance, février) ou Renaud Herbin auquel le TNG consacre le mois de mars. En avril, au TNG, place à Frédéric Sonntag dont le Sòcrates consacré au footballeur légendaire auquel fait écho le philosophe, intrigue au plus haut point. Du côté des Subs, autre star : Jeff Koons (mars) titre d'un spectacle de Hubert Colas, habitué aux écritures contemporaines. Ici, celle de Rainald Goetz sur le plasticien-sculpteur-businessman qui nous immerge dans un club. Et, au Point du jour, Oh Johnny (janvier), ou plutôt ode aux fans du chanteur qu'a rencontré la jeune Liora Jaccotet. Le Lyonnais Jérémy Lopez, devenu Sociétaire de la Comédie-Française, s'échappe un instant en solo de la Maison de Molière pour incarner Max, le célèbre Max Linder (Comédie Odéon, février).

Enfin, la saison se terminera par du cirque avec le retour du festival UtoPistes, du 23 mai au 17 juin. Au programme : la reprise du bel Ali de Mathurin Bolze (TNP), la création de Presque Fresque du Galactik Ensemble (Célestins), le très attendu et si longtemps reporté , par les Baro d'Evel (Célestins associés aux Nuits de Fourvière), la starissime (et c'est mérité) Vimala Pons pour Le Périmètre de Denvers (Maison de la danse) ou encore le maitre acrobate-menuisier-chercheur (« praticien de l'espace des points de vue ») qu'est Johann Le Guillerm (chapiteau à Parilly) pour Terces.


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