Littérature Live : un festival bien vivant

En dépit d'un certain nombre de circonstances contraires, la Villa Gillet a mis les bouchées doubles pour concocter une édition fort savoureuse, très internationale et majoritairement féminine de son désormais nommé Littérature Live Festival. Que l'évocation de ses grandes lignes suffit à rendre alléchant.


"Se réinventer", le terme est à la mode, au point d'en devenir un peu tarte. Dans la novlangue managériale, cela consiste généralement à se retrousser les manches pour traverser les tempêtes générées par... les managers, faire plus (ou au moins autant) avec (beaucoup) moins et faire comme si c'était une chance. La réinvention est la vertu moderne des temps de crise.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces trois dernières années, la capacité de réinvention de la Villa Gillet a été sévèrement mise à l'épreuve. D'abord, il y a eu le Covid alors que la nouvelle directrice Lucie Campos venait à peine de s'assoir dans le fauteuil laissé par Guy Walter et trois éditions de bricolage entre distanciel et présentiel (deux autres mots entrés dans le langage courant).

Et il y a la coupe à la halebarde tranchée par Laurent Wauquiez dans tous les budgets culturels ne correspondant pas à son idée de ce qu'est la Culture et à l'évocation desquels il sortirait visiblement volontiers son révolver, comme dans la pièce Schlageter de Hans Johst — pour la Villa Gillet, le manque à gagner régional s'élève à pas moins de 350 000 euros, un tiers de son budget. Alors la Villa s'est adaptée, elle s'est même réinventée avec l'aide de la Ville de Lyon et du CNL et sous l'impulsion de sa directrice, a transformé — pas seulement par le jeu des circonstances — les Assises Internationales du Roman en Littérature Live Festival, anglicisme à hérisser les poils des Académiciens mais vraie volonté de marquer la trace internationale à laisser.

Babel littéraire

Et c'est donc avec une programmation resserrée que celui-ci s'avance en 2023. Resserrée mais dense avec des auteurs et autrices (quarante au total) venus du monde entier et bâtissant le temps de quelques jours « une Babel littéraire » selon l'expression de Lucie Campos : quinze langues sont ainsi représentées.

Au menu : conférences, ateliers (d'écriture, de traduction), entretiens, conversations entre auteurs, lectures (avec la Scène poétique notamment qui met en lumière cette grande oubliée qu'est trop souvent la poésie contemporaine). Le tout avec le concours de collégiens, lycéens et étudiants, notamment pour l'animation de la Web-radio du festival et une ouverture en forme de lectures, de performances et de conversations avec cette même jeunesse. Un certain nombre des auteurs et autrices invités sont également des espoirs (souvent déjà confirmés) de la littérature mondiale, comme par exemple Natasha Brown et Claire-Louise Bennett, deux étoiles montantes à lire absolument de toute urgence de la littérature britannique — que Jonathan Coe, bien plus madré, viendra représenter également, ainso qu'Anna Hope.

Globalement, la programmation très internationale sera aussi très féminine avec la prêtresse irlandaise du réalisme magique Jan Carson, la nouvelle star de la non-fiction Leila Guerriero, la Mauricienne Nathacha Appanah, la géniale Américaine Lauren Groff, l'Elena Ferrante des Abruzzes Donatella di Pietrantonio, la Suissesse qui monte Céline Zufferey, ou les belles voix syriennes et algériennes de Samar Yazbek et Kaouther Adimi. Mais aussi les Françaises Lola Lafon, Jakuta Alikavazovic, Lucie Rico, Maryline Desbiolles, Valentine Goby, Vinciane Despret et — il ne pouvait en être autrement — Brigitte Giraud toute auréolée de son Goncourt.

Il y aura néanmoins quelques hommes comme Tristan Garcia (qui publie le deuxième tome de sa fantastique — et forcément touffue — Histoire de la souffrance : Vie contre vie, Peter Stamm et Marc-Alexandre Oho Bambe. Le tout sera sis six jours durant entre la Villa Gillet, les Subs, les Célestins et une ribambelle de lieux partenaires (libraires, bibliothèques). Bonne nouvelle — et ça fait partie de cette réinvention accomplie — il ne sera point question de rencontres façon réunion Zoom, tout sera Live. Et la Villa Gillet plus vivante que jamais.

Littérature Live Festival
À la Villa Gillet, aux Subs et différents lieux de Lyon du mardi 9 au dimanche 14 mai


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