"Les Possédés d'Illfurth" : exorcisme théâtral aux Célestins

"Les Possédés d'Illfurth", c'est un seul-en-scène à la fois drôle et bouleversant, au plus près de la « blessure intime » de son interprète – le comédien et metteur en scène Lionel Lingelser. Un véritable uppercut théâtral à voir aux Célestins.


Un titre énigmatique pour un spectacle ancré dans le réel, ses joies, ses passions, ses violences... Un solo intense du comédien et metteur en scène Lionel Lingelser, à la présence magnétique, incandescente, physique – il finit chaque représentation en nage, retrouvant ce qu'il vivait plus jeune avec le basket. Et un choc théâtral qui, date après date (la tournée est conséquente depuis la première en 2021), laisse nombre de spectatrices et spectateurs sonnés. C'est ça – et plus encore – Les Possédés d'Illfurth.

Tout a débuté il y a quelques années par une longue discussion entre Lionel Lingelser et l'auteur Yann Verburgh, plume passionnante du théâtre d'aujourd'hui. Enfin, tout a véritablement débuté il y a 160 ans à Illfurth, petit village alsacien. Deux des enfants d'une famille sont atteints d'un mal mystérieux. Seraient-ils possédés comme l'assurent les autorités religieuses ? Et Lionel Lingelser, qui vient du même coin (son grand-père a grandi dans la ferme des petits garçons), serait-il lui aussi, d'une certaine manière, possédé ?

Emprise de conscience

Sorte d'autobiographie romanesque bourrée d'humour, Les Possédés d'Illfurth évoque l'emprise : celle des gamins du fait divers, celle du metteur en scène écrasant, celle de l'agresseur... Sur le plateau, dans une scénographie on ne peut plus sobre propice aux images mentales, Hélios, double fictionnel de Lionel Lingelser, se débat avec son histoire quand Lionel Lingelser s'ébat, lui, avec les nombreuses figures qui peuplent le récit de Yann Verburgh. Le comédien donne ainsi vie et corps à toute une galaxie de figures (beaucoup viennent du monde du théâtre) avec un talent d'interprétation saisissant et un plaisir du jeu généreux.

Une puissante mise à nu opérée par l'un des deux fondateurs de la compagnie le Munstrum Théâtre. Depuis une dizaine d'années, Lionel Lingelser et Louis Arene proposent des spectacles masqués autour du « théâtre de la cruauté et de l'étrange ». À Lyon, ils ont joué leur 40° sous zéro d'après Copi en février, et on verra leur Mariage forcé de Molière en avril ; les deux aux Célestins où ils sont compagnie associée. Même s'ils sont moins baroques que leurs autres créations, ces Possédés d'Illfurth s'inscrivent en plein dans l'axe du duo : celui de la « projection des angoisses contemporaines abordée dans un parti pris poétique, joyeux et décalé ».

Les Possédés d'Illfurth
Aux Célestins du mercredi 20 au samedi 30 mars


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