PB d'or 2018 : musique

Avec des musiciens du coin, un festival ou encore des associations locales.


Le PB d'or de la meilleure reprise de l'année : "Elle a les yeux revolver" par M-O-R-S-E

C'est de loin l'un des morceaux qu'on a le plus écouté en boucle ces derniers mois – alors qu'on n'est pourtant pas spécialement fans de l'original. Porté par une maîtrise parfaite de l'autotune et une mélancolie prégnante, la reprise par le Grenoblois M-O-R-S-E du tube 80's de Marc Lavoine nous a plongés dans un état de béatitude totale, au même titre d'ailleurs que les autres chansons de son excellent premier album Apathique, sorti à l'automne sur le label Cindys Tape.


Le PB d'or du festival qui a enfin trouvé sa formule idéale : Jour & Nuit

Une programmation musicale vaste, pointue et foisonnante à même de satisfaire tous les publics ; la création pendant trois jours non stop d'une véritable oasis urbaine en plein air, gratuite et accessible au plus grand nombre ; et surtout une ambiance de mixité sociale détendue et bienveillante où se croisaient jeunes et moins jeunes, fêtards et familles, branchés et simples curieux.

En recentrant sa septième édition autour de l'esplanade de la Belle électrique par le biais de trois scènes distinctes reliées par différents stands, le festival de l'association MixLab (en charge de la salle) a enfin délivré la pleine mesure de son potentiel, sans brider pour autant son goût pour la nouveauté et l'innovation. Seul objectif encore à atteindre : faire au moins aussi bien en septembre 2019 !


Le PB d'or du talent qui éclabousse : Leïla Huissoud

« Si j'suis jolie c'est que je suis de loin / Si j'suis loin, c'est que j'suis surélevée / Physiquement ça compense rien / Mais c'est plus pratique pour cracher. » Avec ces paroles tirées du morceau La Farce présent sur son deuxième album Auguste paru cette année, Leïla Huissoud se fiche à moitié du monde. Sa musique est d'autant plus jolie qu'on l'écoute de près et la chanteuse ne crache guère que des mots aussi doux que dingues. On reconnaît néanmoins à la jeune Nord-Iséroise, présélectionnée en 2018 pour les Inouïs du Printemps de Bourges, d'avoir pris du recul pour livrer ce deuxième disque surprenant – le premier l'était tout autant puisque c'était un live.

Elle qui s'était fait une réputation dans la chanson-folk francophone intimiste délivrée guitare-voix s'est cette fois entourée de nombreux musiciens (on croise même Mathias Malzieu loin de dénoter dans cet univers) pour des cordes finement ourlées, des cuivres joueurs et des rythmiques cabaretières à la limite du manouche qui donnent à ses chansons, toujours aussi bien écrites, une ampleur certaine, une maturité oserait-on qui équilibre une voix juvénile toutefois pas dénuée d'autorité, aussi à l'aise dans le drame que l'autodérision, à la fois auguste rougi et clown blanc. Du recul et de la hauteur donc, pour cracher un peu plus à la face du monde ce talent depuis longtemps couvé.


Le PB d'or du producteur productif : Nikitch

Pour Nikitch aussi 2018 aura été une année plutôt faste – un peu comme les précédentes puisque le dénommé Nicolas Morant n'est pas un perdreau de l'année. Le producteur électro-jazz grenoblois adoubé depuis un moment par Gilles Peterson et Laurent Garnier a connu lui aussi les honneurs des présélections régionales des Inouïs aux côtés d'une belle brochette de candidats.

Surtout, en attendant un album à venir, Nikitch a publié Cake, un EP co-produit avec le Lyonnais Kuna Maze avec lequel il partage un certain amour du jazz (tout en ayant été tous deux formés comme instrumentistes classiques) et de l'abstract hip-hop. Un Kuna Maze déjà aperçu sur le précédent EP de Nikitch, All the best. L'un des morceaux est très justement titré Jazz & shit, soit « jazz et toutes ces sortes de choses », et l'ensemble se révèle aussi précis qu'enclin au chilling le plus indécent, aussi piquant que caramélisé. Aussi aguicheur en surface qu'accrocheur en profondeur.


Le PB d'or de la programmation électronique ambitieuse : The Dare Night

On l'a beaucoup défendue dans nos pages, et c'est amplement mérité : quelle autre association locale peut se vanter d'avoir programmé en l'espace d'un an (et principalement à l'Ampérage) des artistes aussi pointus et variés allant du vétéran house japonais Soichi Terada aux nouvelles figures de proue de la scène techno industrielle européenne (Ansome, I Hate Models, Codex Empire, Broken English Club) en passant par toute une flopée d'électrons libres défricheurs venus de Lyon (The Pilotwings, J-Zbel), Paris (DJ AZF, Simo Cell, Too Smooth Christ) ou Düsseldorf (Bufiman, DJ Normal 4) ? En 2018, The Dare Night a donc réussi à synthétiser un condensé du meilleur de la scène électronique actuelle, toutes tendances confondues.


Le PB d'or des plus farouches défenseurs de l'underground rock : les associations Plege, Reafforests et Après le Chaos

Si elles ne sont bien sûr pas les seules à s'activer localement dans l'ombre, les associations Plege, Reafforests et Après le Chaos peuvent néanmoins s'enorgueillir d'avoir accueilli à Grenoble, dans pas mal de petites salles, un vaste panorama d'artistes qu'on n'aurait jamais eu la moindre chance de voir sans leurs efforts conjugués : Abschaum, Balladur, Treasure Island, Moor Mother, Moodie Black, Jessica Moss, Odessey & Oracle, Bégayer, Motorama, Martin Bisi, Sister Iodine, Cuntroaches, Ingrina, Me Donner, Talweg, Mesa of the Lost Women… Des formations parfois légendaires, parfois inconnues, venues de très loin (Russie, États-Unis) ou de très près, mais toutes porteuses d'un feu sacré et incandescent comme il n'en brûle que trop rarement sur scène.


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