Franck-Emmanuel Comte : « On imagine une programmation plus festive pour la Chapelle de la Trinité »

Fondateur et chef du Concert de l'Hostel Dieu, formation baroque lyonnaise qui joue depuis déjà 32 ans en France, et 10 ans à l'international, Franck-Emmanuel Comte et son ensemble ont été désignés pour reprendre la Chapelle de la Trinité, après 24 ans sous l'égide des Grands concerts.


Quelles sont les inspirations artistiques et musicales qui ont influencé votre parcours ?

Je suis un pur produit du conservatoire, je viens du classique. J'ai rencontré le baroque un peu avant l'âge de 20 ans. Le son des instruments anciens m'a instantanément fasciné, comme si toute ma vie j'avais regardé la télé en noir et blanc et que là, j'avais rencontré la couleur. Toutes ces harmoniques aiguës, ces imperfections m'ont attrapé. Aussi, l'engagement des interprètes de musique baroque, passionnés, m'a captivé.

Je reste cependant un « touche-à-tout », on me l'a d'ailleurs souvent reproché. Au CNSM de Lyon, j'étais en composition. J'ai écrit des musiques de film, de scènes pour le théâtre, dans un esprit très contemporain. Je m'inspire aussi beaucoup de l'opéra. Tout cela a rejailli sur le répertoire du concert de l'Hostel Dieu, qui exprime cette interdisciplinarité. D'ailleurs, dès qu'on a pu collaborer avec l'Opéra de Lyon, le théâtre des Célestins, la Fête des lumières, on l'a fait.

Comment envisagez-vous de programmer à la Chapelle de la Trinité ?

On a collaboré avec les Grands concerts pendant de nombreuses années, et on en a ressorti plein de positif. Cependant, on imagine un baroque qui "déborde" un peu plus, en travaillant des passerelles artistiques vers plus de diversité, de métissage artistique.

Nous souhaitons ouvrir les potentialités scéniques du lieu pour toucher un public plus divers. Ce qui pose la question de la forme concertante elle-même : on imagine un travail avec de la danse, ou des arts visuels, du théâtre. Pourquoi pas des musiciens qui se détachent de la partition, qui peuvent se mouvoir dans l'espace. Est-ce qu'on n'envisagerait pas de pouvoir mettre la scène au milieu, et de mettre des gradins autour ? Le baroque est aussi un art visuel, ce serait super d'avoir une plus grande proximité avec les musiciens, comme au théâtre italien. 

On envisage aussi d'explorer de nouveaux formats et horaires, avec, comme dans la pop, des premières et des secondes parties. On imagine aussi des week-ends un peu festifs, des brunchs baroques, des concerts ''expresso'' le vendredi midi, en mode ''concerts sandwich'',   mais aussi des formats courts, avec une rue qui sera bientôt piétonnière. Pourquoi ne pas programmer de l'électro, de la pop, de la danse hip-hop ? L'an dernier le Concert de l'Hostel Dieu a joué au Transbordeur, on peut aussi aller dans l'autre sens. 

On veut recréer des temps d'échanges, avant et après les événements. Pourquoi ne pas ouvrir une buvette dans cette chapelle ? Il faut évidemment qu'on concerte tous nos partenaires, et notamment l'école qui jouxte le bâtiment ; mais cela fait partie de nos pistes de réflexion. On réfléchit à toutes formes de positionnement, qui pourraient nous permettre d'ouvrir un peu plus grand les portes de la Chapelle de la Trinité. 

Dans quelle temporalité imaginez-vous instaurer ces changements ?

On a trois mois pour lister le champs des possibles. Ensuite, à partir de septembre, la première saison « starter » va essuyer les plâtres d'une programmation qu'on a dû réaliser un peu précipitamment et on va entamer notre cheminement. On veut quand-même montrer rapidement des choses qui sont dans notre ADN, pour tester la réception du public. On imagine une saison avec des micro événements, des festivals, sans oublier de programmer des concerts pour les amateurs de musique baroque habitués du lieu, qui sont au cœur de nos préoccupations.

En gérant un lieu comme celui-ci, les tournées internationales qui ont fait la renommée du Concert de l'Hostel Dieu vont-elles se raréfier ?

Je ne serai pas directeur de la Chapelle de la Trinité, je garde mon rôle de chef et d'artiste, même si je ferai moins de tournées. Notre ensemble ne fera pas plus de 15% de la programmation de la Chapelle de la Trinité. Le reste, ce sera d'autres ensembles, d'autres artistes. On s'appuiera donc sur tout l'écosystème de la musique baroque lyonnais.

Côté gestion et programmation, on pense en ce moment-même l'organigramme des directions exécutives du lieu. Pourquoi pas doubler nos équipes, accueillir d'autres talents. On pense aussi la partie coproductions et privatisations, on réfléchit à comment la traiter. 

Avez-vous déjà une idée claire du modèle économique qui sera celui de la Chapelle de la Trinité ? Envisagez-vous de garder des privatisations comme Candlelight ? 

Candlelight est un point au sujet duquel nous dialoguons beaucoup avec la Ville de Lyon et la Métropole. On n'y est pas opposés mais je m'interroge sur la viabilité dans le temps de ce type de concept, on ne sait pas si cela marchera dans trois ans. Ce qui est sûr, c'est qu'on ne va pas jeter tout ce qui existait avant notre arrivée, nous allons marquer des transitions, avec le souci de trouver un modèle économique assez vite, en phase de démarrage. 

On n'oublie pas l'autre brique incontournable d'un modèle économique pérenne : les mécènes. Le Concert de l'Hostel Dieu était déjà accompagné par un certain nombre d'entreprises qui aimeront sans doute nous suivre, mais on ne sait pas jusqu'où, dans quelles proportions, donc on en démarche d'autres.

La Métropole s'est engagée à nous aider, la Ville aussi. Il y a un énorme effort à faire sur l'équipement technique, les Grands concerts ont annoncé partir avec leur matériel, mais on ne sait pas ce que cela représente. Il faut donc qu'on fasse l'état des lieux, qu'on réceptionne des préconisations et qu'on fasse les achats qui s'imposent.

Le modèle économique des Grands concerts était parfait. Nous, on va apporter autre chose, qui s'appuie sur notre agilité à exister ici et ailleurs. Depuis des années, on a dû trouver des moyens de se produire partout, des solutions complexes, lourdes administrativement, mais dans lesquelles nous sommes passés experts. Je suis sûr que cela nous sera très utile pour cette nouvelle aventure qui s'annonce.

Le Petit Bulletin a suivi avec attention l'appel à manifestation d'intérêt de la Chapelle de la Trinité. Découvrez notre suivi et nos décryptages :
- Chapelle de la Trinité : l'historique appel à manifestation d'intérêt
- Le concert de l'Hostel Dieu reprend la Chapelle de la Trinité


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