Chapelle de la Trinité : l'historique appel à manifestation d'intérêt

Mercato / La gestion de la « perle baroque de l'architecture lyonnaise » pourrait changer de mains après 24 ans de programmation des Grands Concerts. La Métropole de Lyon a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour la Chapelle de la Trinité, et étudie en ce moment six candidatures.

Située dans le 2è arrondissement de Lyon, la chapelle du 17è siècle qui se distingue par son décor raffiné en marbre de Carrare fait briller les yeux de plus d'un amateur de musique baroque. Jouissant d'une acoustique très particulière, l'édifice est parfait pour accueillir des concerts d'instruments anciens.

Pourtant, elle n'a été rénovée que tardivement, suite à la première élection de Michel Noir à la mairie de Lyon en 1989. Désacralisée à la Révolution, l'édifice a servi de gymnase, d'entrepôt, de marché aux skis, puis de foire aux tapis, s'y est même tenue une exposition sur les reptiles.

Les travaux auront duré dix ans, Eric Desnoues, directeur des Grands Concerts était déjà consultant acoustique durant le chantier. La rénovation s'est achevée sous le mandat de Raymond Barre. À l'époque, il n'était pas évident de dédier le lieu à la musique baroque, car le genre réémergeait à peine. On ne donnait pas de cours de clavecin au Conservatoire, et les pièces les plus anciennes étaient jouées avec des instruments modernes.

La naissance d'une institution musicale lyonnaise

Il n'existait pas beaucoup d'événements baroques à Lyon, si ce n'est, fondé en 1983, le Festival de musique baroque du Vieux-Lyon – déjà dirigé par Eric Desnoues –, devenu quelques années plus tard, les Grands Concerts. « On proposait quelque chose de très subversif pour l'époque » se remémore ce dernier. C'est d'ailleurs grâce à quelques mécènes, – dont les laboratoires Biomérieux – que le festival a pu prospérer. 

Eric Desnoues se souvient du « gré à gré » passé à ce moment : « Le successeur de Michel Noir, Raymond Barre, a proposé de sédentariser mon activité festivalière, à condition de garder des mécènes et du public. » Un « pari » que le directeur considère gagnant, car en 24 ans la Chapelle de la Trinité n'aura jamais manqué de public, Eric Desnoues revendique d'ailleurs la paternité d'une « institution musicale locale » qu'il inscrit dans un triptyque Opéra – Auditorium – Chapelle de la Trinité. 

Plus récemment, les Grands Concerts ont ouvert la salle à des propositions dites « hybrides », comme les soirées Candlelight qui n'apparaissent d'ailleurs pas dans la programmation de la Chapelle de la Trinité. Des représentations d'une heure, à la bougie, reprenant des classiques de la culture populaire avec un quatuor à cordes. Les concerts vantés à grands renforts de sponsoring sur les réseaux sociaux sont produits par la success-story internationale de divertissement Fever.

Pour Eric Desnoues, « Candlelight, ce sont des gens qui ont eu la bonne idée au bon moment. Ils me permettent de faire venir un public que je n'ai pas, plutôt jeune, pas très mélomane qui vient écouter des instruments classiques. »

La Ville a baissé de 40% sa subvention à la Chapelle de la Trinité

Initialement, le lieu appartenait à la Ville de Lyon. Avec le processus de métropolisation, la Métropole en est devenue propriétaire à la fin des années 2000. Elle en a cependant confié la gestion à la Ville de Lyon. Un micmac administratif bien français, où la Métropole conventionnait la Ville, qui conventionnait à son tour les Grands Concerts.

Une situation intenable sur le long-terme d'après le vice-président à la culture de la Métropole, Cédric Van Styvendael : « Cela faisait 18 mois que nous évoquions publiquement la nécessité de changement ». La Métropole a donc fait le choix de reprendre en gestion directe les lieux, en s'associant tout-de-même à la Ville dans la rédaction de l'appel à manifestation d'intérêt.

« La Ville de Lyon a décidé de se joindre à nous en gardant la possibilité de se retirer si notre choix ne correspondait pas à leurs orientations culturelles. Il faut rappeler que c'est la Ville qui amène des subventions importantes à la Chapelle », détaille Cédric Van Styvendael.

Une subvention qui s'élevait initialement à 100 000 euros et qui a été baissée en 2023 puis en 2024, jusqu'à 60 000 euros. Une décision justifiée par l'adjointe à la culture Nathalie Perrin-Gilbert : « J'ai reçu des observations de la part d'acteurs locaux et régionaux de la musique baroque qui regrettaient de n'avoir pas suffisamment eu accès la Chapelle de la Trinité. Parallèlement, nous avons vu se multiplier les concerts commerciaux comme Candlelight. Nous avons donc considéré que la subvention publique ne se justifiait plus dans les mêmes proportions. »

Une année creuse pour les amateurs de baroque
La prochaine saison de la Chapelle de la Trinité sera bouleversée, car la nomination arrive trop tardivement pour que l'équipe – reconduite ou future – puisse programmer sereinement. « Il va y avoir un effet de jachère », s'inquiète Nicolas Bucher qui évoque un « mauvais signal » lancé au public.

« Si nous ne sommes pas choisis, on disparaît »

Une décision qui dessine les prémisses d'une défiance de la Ville à l'égard des Grands Concerts. De son côté, la Métropole aurait pu reprendre la gestion du lieu sans vouloir en bouleverser le fonctionnement par un appel à manifestation d'intérêt. Cédric Van Styvendael s'en est expliqué : « La mise à disposition de ce lieu à une seule entité –et sur un temps aussi long– nous met face à des limites juridiques. Des limites d'autant plus importantes que celui-ci a des activités à caractère commercial ». 

L'élu rappelle que les Grands Concerts pourraient –à l'instar des cinq autres candidatures– remporter l'appel à projet. De son côté, Eric Desnoues ne peut s'empêcher de vivre cette mise en concurrence comme une remise en cause des 24 ans passés à la tête des Grands Concerts : « Si nous ne sommes pas choisis, on disparaît », s'inquiète celui qui est à trois ans de sa retraite, et qui envisageait une transmission.

Un enjeu sur la création

Une angoisse « compréhensible » pour Nicolas Bucher, directeur du syndicat Profedim, syndicat des acteurs de la vie musicale en France mais aussi directeur du centre de musique baroque de Versailles. 

À l'instar de nombreux professionnels interrogés, il salue tout-de-même cet appel à manifestation d'intérêt : « C'est une décision démocratique, qui repose sur le dynamisme des projets. Une belle opportunité de repenser l'environnement des acteurs de la musique baroque à Lyon, que ce soit les Grands Concerts ou un autre qui gagne à la fin. »

Il rappelle que la gestion aurait pu, plus simplement pour les collectivités, être confiée à l'Opéra ou l'Auditorium. « Les collectivités pensent la place des ensembles et associations indépendantes, la nécessité pour eux d'avoir des lieux à leur disposition afin qu'ils ne soient pas toujours à travailler dans des mauvaises conditions, en autoproduction » a commenté Nicolas Bucher.

Car outre les Grands Concerts, les cinq autres candidats (et cinq dossiers retenus) sont composés d'ensembles de musique baroque indépendants, qui ont tous été reçus par la Métropole et la Ville pour une audition. Parmi eux, les Concerts de l'Hostel Dieu, les Chartreux, les Nouveaux Caractères, Little Tribeca, et le festival Superspectives. Ceux contactés n'ont pas souhaité s'exprimer avant de connaître l'issue de l'appel à manifestation d'intérêt.

Un cahier des charges aux exigences contradictoires

Ils ont dû, dans leurs dossiers de candidatures, répondre à un cahier des charges précis. Car si la Métropole a choisi de garder l'esthétique baroque, elle a aussi, conjointement avec la Ville, édifié une feuille de route pour le moins contraignante. La Chapelle de la Trinité devra augmenter sa mise à disposition du lieu pour les collectivités, accueillir le plus régulièrement possible les élèves des établissements d'enseignement artistiques, respecter la parité dans sa programmation, s'engager sur des critères d'écoresponsabilité et surtout, répondre à des exigences de démocratisation du lieu et de diversité des publics.

« Ils exigent une vraie mission de service public qui peut être contradictoire avec un modèle économique rentable, qui exige la programmation de ''stars'' ou d'événements plus commerciaux », analyse Nicolas Bucher.

Par ailleurs, la Ville et la Métropole ne se sont pas prononcés quant aux montants qu'ils sont prêts à investir. De surcroît, il ne faut pas oublier que dans l'éventualité où les Grands Concerts ne seraient pas reconduits, ils partiraient avec leur coûteux matériel de son et lumières.

Six candidatures au coude-à-coude pour la Chapelle de la Trinité

« Chaque candidature a dû présenter un plan prévisionnel », rassure Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la culture de la Ville de Lyon, qui reprend « certains comptent beaucoup sur les subventions, d'autres évoquent des partenariats et des mécènes. On ne perdrait pas notre temps à étudier des dossiers qui ne tiennent pas la route. »

Nicolas Bucher rappelle de son côté que les ensembles indépendants s'autofinancent en grande partie, « ils ont l'habitude des montages économiques complexes, c'est à leur mesure. »

Les dés sont donc jetés, et le grand gagnant devrait être annoncé d'ici fin février. Aucun des élus ne s'est avancé sur l'issue de l'appel d'offre. « Le dossier retenu sera celui qui aura réussi à nous faire comprendre que c'est autour de lui qu'il y a le plus de dynamisme, celui qui est capable de travailler avec toute la ''concurrence'' » a concédé Cédric Van Styvendael.

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