La success story Quais du polar

Quais du polar fête ses 20 ans cette année, ça mérite bien un coup d'œil dans le rétro.


Début des années 2000, la légende raconte que les premiers pourparlers du festival Quais du polar ont lieu rue Calas, dans le quartier Croix-Rousse. On chuchote l'idée à l'oreille du nouveau maire, Gérard Collomb, alors qu'il inaugure une plaque commémorant l'auteur des Aventures du commissaire San-Antonio, Frédéric Dard. « Gérard Collomb arrivait à la mairie d'une ville endormie sur le plan associatif et culturel, qui avait un peu perdu de son identité », se remémore François Pirola, président du festival jusqu'en 2022. 

C'est d'ailleurs pour remédier à cet état de fait que naissent à l'époque des événements iconiques de la ville tels que Nuits sonores. Côté livres, Lyon fait partie des seules villes françaises de cette envergure qui n'ont pas leur événement. « Le territoire était tout trouvé pour faire rayonner la littérature noire », se remémore Hélène Fischbach, directrice du festival depuis ses débuts : « Du grand banditisme lyonnais, à la fondation du premier laboratoire de police scientifique en 1910 par Edmond Locard, en passant par l'installation d'Interpol puis du Service national de police scientifique à Écully, il y avait matière à ancrer le festival dans le réel », détaille-t-elle. De plus, il y a dans l'entourage de l'édile décédé en novembre dernier des proches de Claude Mesplède dit ''le pape du polar'', critique littéraire spécialiste du roman policier, qui achèvent de convaincre la municipalité.

Sortir le polar du bois

Dans un premier temps, c'est une toute petite équipe accompagnée de bénévoles qui prépare le festival. Un événement que la Ville n'imagine pas faire rayonner hors de la région. « De notre côté, on a tout de suite pensé international, on s'est fixé des objectifs ambitieux », se remémore Hélène Fischbach, qui — à l'instar de ses collègues — a alors à cœur de valoriser le genre, qui souffre d'un certain mépris : « On rencontrait des personnes qui prétendaient que les lectrices et lecteurs de polar étaient des ''mauvais'' lecteurs, on parlait de ''romans de gare'', de littérature de ''seconde zone''. »

Malgré une enveloppe réduite, l'équipe démarche tous les éditeurs indépendants de la région, ainsi que les lieux de culture et les institutions lyonnaises, afin que ces derniers fassent résonner le festival au travers d'événements partenaires (à l'Institut Lumière, l'opéra, le musée de l'imprimerie...) et proposent des événements qui « cassent le côté trop littéraire de ce genre de festival », selon Hélène Fischbach.

Un timing parfait pour Quais du polar

Sur les affiches de Quais du polar, pas de pipe, pas de chapeau, encore moins de loupe ; mais la promotion de conférences sur des sujets d'actualité : crime en col blanc, grand banditisme, ville de demain… rassemblant à la fois des autrices et auteurs, mais aussi des actrices et acteurs de la société civile.

Année après année, le développement économique du festival reste difficile. Majoritairement aidés par la Ville de Lyon, Quais du polar repose sur un mille-feuille de subventions et de partenariats privés fragiles. Le festival en lui-même n'est pas ''rentable'' : il est gratuit, et les éditeurs n'ont pas à louer leur stand. 

Malgré cette fragilité, l'événement passe de 14 000 visiteurs en 2005 à un peu plus de 90 000 l'année dernière. Le fruit d'un travail acharné, mais aussi d'un petit coup de pouce de l'univers : depuis vingt ans, le polar a le vent en poupe. Renouveau du roman policier français avec une nouvelle génération d'autrices et auteurs, percée des polars nordiques qui décloisonnent le genre et surtout, en 2006, sortie du premier Millénium.

Un public mêlant curieux et aficionados

Confirmant le phénomène, la série télévisée fait rayonner le genre depuis plus de dix ans, en adaptant de nombreux thrillers français et internationaux. « Entre 2012 et 2014, il s'est passé quelque chose d'incroyable. L'industrie du polar a décidé de conditionner leurs timings de publications au festival », se remémore François Pirola. Sorties internationales, grandes traductions : tout est prévu pour mars, afin de venir en parler à Quais du polar. « La BD a le festival d'Angoulême, le roman policier à Quais du polar », analyse François Pirola, qui voit alors ses soucis s'inverser « Avant on se battait pour convaincre, et là, on se battait pour accueillir tous les gens qui voulaient venir. »

Quais du polar
Du 5 au 7 avril
Dans toute la métropole

Pour l'édition 2024, la rédaction vous conseille :
La conférence avec Interpol sur le trafic d'œuvres d'art, la rencontre avec Katrin Jakobdottir, Première ministre islandaise, l'une ou l'autre des conférences sur les violences faites aux femmes, les luttes LGBTQ+, les luttes antiracistes, la montée des extrémismes; et, évidemment, la traditionnelle Grande enquête dans la ville. Un jeu de piste (avec comédiens et comédiennes) qui mêlera cette année l'univers du polar à celui de la gastronomie.


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