Cuvée grenobloise, cru 2014

L'incontournable compilation dédiée à la scène musicale locale vient de sortir. À quoi sert-elle ? On en discute avec l'asso organisatrice et des artistes. Léa Ducré et Guillaume Renouard


La cuvée grenobloise (volume 13) ? « L'idée c'est de dire : regardez ce qui se passe à Grenoble ! » explique Benoît Perrier, directeur de Dynamusic / Retour de scène. Un instantané représentatif d'une région mais aussi d'une époque. « Les années 2000 étaient très reggae, puis on a assisté à la montée du pop-rock, alors qu'aujourd'hui on observe que tous les courants ou presque se parent d'une teinte électro. »

Chaque année, l'asso grenobloise reçoit entre 70 et 120 candidatures et ne peut retenir que 16 ou 18 groupes. Pour faire partie des happy few, il faut séduire l'oreille d'un jury aussi éclectique que le sera la sélection finale. Directeurs de festival, programmateurs et techniciens font le tri aux côtés de journalistes locaux et d'un ou deux non-professionnels.

Pour éviter les partis pris, les écoutes sont faites  « à l'aveugle », c'est-à-dire sans que le nom du groupe ne soit indiqué. L'équipe passe ensuite des jours entiers à écouter, juger, affiner son choix. Les critères ? « Qualité sonore, originalité artistique, actu du groupe, évolution au fil des années. » Aussi : « chanter mal en anglais est rédhibitoire ». À bon entendeur...

« Coups de cœur »

Le jury est surtout sensible à ses « coups de cœur » et fait preuve d'une certaine tolérance quant au niveau de professionnalisation des groupes : certains n'ont encore sorti aucun album. Arash Sarkechik, le chanteur du jeune groupe Pan (Cuvée 2013), apprécie la flexibilité du jury : « J'ai commencé à composer de manière sérieuse en septembre 2012. Je connaissais le concept de la Cuvée, j'ai tenté ma chance. J'étais un peu à l'arrache, je n'avais même pas encore de nom de groupe… Mais ça a marché. Dans leur charte, il y a l'idée de diffuser des groupes émergents pour leur permettre de se faire connaître, même s'ils n'ont pas encore sorti d'album. Tout le monde a sa chance. »

La Cuvée n'invite pas que des groupes méconnus, et s'offre aussi des cadors grenoblois : Peau, Leonid et Lull cette année. Résultat : la Cuvée grenobloise aligne des groupes « éclectiques ». Agréable télescopage des genres (pop-rock, chanson française, musique de rue, électro, accordéon...) qui a le mérite de donner à voir une scène musicale foisonnante.

Car l'objectif premier de l'asso n'est pas de faire connaître la compil mais bien les artistes grenoblois qui la composent. Dynamusic insiste : « la cuvée, c'est pas une fin en soi, c'est plus un support promotionnel ». Le CD est édité en 1000 exemplaires et une belle moitié de cette production est envoyée aux professionnels au niveau local, régional et national. Pour Bleu (photo), trio folk grenoblois, la cuvée est « surtout un moyen de nous faire connaître, de diffuser notre musique, d'autant plus qu'on est de la région. Au moment où on les a sollicités, on commençait à mettre en place notre projet Bleu/Baudouin : une fresque musicale construite en live. Notre participation à la Cuvée est aussi une occasion d'attirer l'attention sur ce projet. »

« Une promo qui percute »

Malgré ses douze années d'existence et « une promo qui percute », la Cuvée souffre encore d'un déficit  d'image au niveau national. « Difficile d'évaluer la réception à Paris » admet le directeur. Au niveau local et régional, la compil peut aiguiller les programmateurs. « Sur la région, l'impact a été non négligeable. C'est un très bon moyen de se faire des connexions dans le coin » estime Arash Sarkechik. Un avis que partage Florian Pessin, le créateur de Lull, tout en folk indie et en ballades reposantes : « Ça n'assure pas forcément de signer avec une maison de disques, mais ça aide à décrocher certains concerts, à se faire connaître des programmateurs. » Il apprécie aussi le suivi : « On n'est pas lâchés dans la nature après la sortie du CD. »

Ainsi, si l'asso ne peut pas faire la promotion tout au long de l'année, « faute de temps », elle n'abandonne pas pour autant ses jeunes promus, en leur proposant une aide logistique, juridique, voire artistique. Certains artistes sont même invités à se produire lors du concert de sortie de la Cuvée (samedi 1er mars à l'Ampérage). Sympa !


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Un festival (pas si) jeune public