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Lyon Whisky Festival 2019

Entretien avec Pierre Tissandier

Comment votre père a-t-il eu l’idée de créer une boutique spécialisée dans le whisky à Lyon au début des années 1990, alors que personne ou presque ne s’y intéressait à l’époque ?

Pierre Tissandier : Mon père a démarré dans le whisky quasiment en même temps que La Maison du Whisky. C’était vraiment les deux seules boutiques existantes pendant des années. Aujourd’hui, on trouve des boutiques de whisky et de rhum partout mais à l’époque c’était un pari d’illuminé. La boutique a été créée en 1993 mais mon père a commencé dans le négoce de whisky dans les années 1970 à Clermont-Ferrand. C’est parce qu’il maîtrisait très bien l’univers du vin et des spiritueux français qu’il a compris l’intérêt du whisky et de sa diversité. Il faut des créateurs. Si vous n’avez pas un furieux qui ne comprend rien aux chiffres mais qui prend le risque de se lancer, il ne se passera rien.

Aujourd’hui, l’attention des Français à l’égard du whisky a beaucoup évolué. Comment avez-vous vécu ce changement ?

En fait, ça a fonctionné par paliers. Le premier était le plus difficile. Un jour, alors qu’il avait ouvert une dizaine d’années auparavant, mon père voit un type entrer dans la boutique. C’était un vrai Lyonnais. Il regarde mon père et lui dit : « Ça fait bien dix ans que vous êtes là ? Si vous êtes à Lyon depuis dix ans c’est que vous devez être bon. » Ces gens-là sont ensuite d’une fidélité incroyable. Mon père est un conteur d’histoires. On a la chance d’être dans un univers incroyable, délirant.

Cette nouvelle popularité du whisky en France a dû avoir des répercussions sur la boutique, non ?

Pas qu’en France. De nouveaux marchés se sont ouverts. L’Asie est devenue un marché gigantesque pour le whisky. Nous notre problème c’est qu’on vend des whiskies au consommateur français à des prix tout à fait raisonnables par rapport à ce qui se fait en Asie. Les distillateurs n’alignent pas les prix de la France sur l’Asie, ils font l’inverse. Nous on se prend des augmentations constantes. À cela s’ajoute le fait qu’il n’y a plus de vieux stocks. Très vite, les whiskies plus rares atteignent des prix délirants. J’ai des exemples de bouteilles qu’on vend aujourd’hui 2000€ que mon père vendait 50€. Des fois on a des bonnes surprises. On a des vieux clients qui arrivent avec une bouteille sous le bras et qui nous disent : « j’ai une surprise pour vous, vous m’avez vendu cette bouteille en 1998, il m’en reste, je me suis dit qu’on allait partager. » Très concrètement sur la boutique on s’est débrouillé pour maintenir un niveau de qualité et de prix. On veut continuer à faire partager une passion.

Une passion qui va aujourd’hui plus loin que la simple sélection, puisque vous êtes depuis 2011 embouteilleurs indépendants sous la marque « Orcines »...

On importait tout un tas de maisons qui étaient déjà des embouteilleurs. Alors attention, quand on dit embouteilleurs, ce n’est pas juste mettre du whisky dans une bouteille. C’est ce qu’on qualifierait plus d’éleveur d’alcool, comme dirait mon père. C’est de l’affinage.

Et comment devient-on un bon éleveur d’alcool ?

Il faut déjà savoir choisir l’eau-de-vie, sa qualité, sa robustesse, sa finesse. C’est le whisky à zéro année qui définit d’abord la qualité du produit final. On utilise ensuite nos fûts de bourbon, de xérès, qui vont donner une orientation, un affinage spécifique. Nous, on est des fans du distillery character, le goût de l’eau-de-vie quand elle sort de l’alambic. Avec Orcines on met notre tête sur le billot. On ne peut pas dire qu’on est passé au travers, qu’on n’a pas fait attention, qu’on est allé un peu vite. Là on a travaillé dessus, on l’a goûté plein de fois, on a vu son évolution.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération, dégustations interdites aux mineurs.
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