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Lyon Whisky Festival 2025

John Barrett - From Bristol, with Love

Les amateurs de rhum savent tout ce qu’ils doivent à Bristol Classic Rum. Si la marque est connue au Royaume-Uni et dans certains pays du Nord, elle se fait encore discrète en France. Pouvez-vous nous présenter cette maison, et revenir sur les étapes qui ont marqué son histoire ?

John Barrett : J’ai fondé ma première entreprise de vins et spiritueux en 1973, devenue la Bristol Brandy Company. Nous étions spécialisés dans le Cognac Early Landed, du cognac expédié en fûts au Royaume-Uni pour y être vieilli dans des chais frais et humides. Nous avons travaillé avec la plupart des grandes marques, en particulier Thomas Hine à Jarnac, qui a fini par racheter notre entreprise, à la suite de quoi nous avons intégré LVMH. En 1993, j’ai quitté Hine et créé la Bristol Spirits Company. Avec quelques amis, nous nous sommes lancés dans le négoce d’Armagnac, de Cognac, de Calvados, de whisky… et de rhum. Nous travaillions beaucoup avec les professionnels, et ce n’est qu’à la fin des années 1990 que nous avons développé la gamme Bristol Classic Rum, bien avant l’essor de l’intérêt pour ce spiritueux. Avec le recul, c’est très gratifiant de voir combien l’engouement pour le rhum a grandi depuis.

Souvent, les embouteilleurs indépendants ont une “patte”, une marque de fabrique. Quelle est la philosophie, la signature de Bristol Classic Rum ?

De manière générale, je ne suis pas un grand amateur des embouteillages en brut de fût, auxquels j’ai tendance à préférer les small batch (petites cuvées composées de quelques fûts) embouteillés entre 46 et 49 %vol. Selon moi, c’est là que les rhums s’expriment pleinement tout en restant dans le cadre d’une dégustation agréable. S’il y a une marque que nous imprimons sur les embouteillages Bristol, c’est bien celle-ci.

Au sein des spiritueux, le rhum est une catégorie extrêmement dynamique. En France, il est même devenu l’alcool le plus consommé par les Français, devant le whisky. En tant qu’embouteilleur, ressentez-vous ce dynamisme, et comment voyez-vous son évolution ?

Le rhum est en effet un spiritueux incroyablement dynamique et polyvalent. Il peut être produit dans de nombreux styles, à différents âges, et à divers niveaux de prix, adaptés à différentes occasions de consommation et différents consommateurs. Servi en apéritif avec votre mixer préféré, il offre un long drink rafraîchissant, idéal à tout moment de la journée ou de la soirée. Quant aux rhums plus âgés et plus pointus, ils constituent de splendides digestifs ; ils peuvent aussi s’accompagner de cigares raffinés. C’est sans doute cette polyvalence qui explique son succès grandissant. Le rhum a je pense de très beaux jours devant lui, d’autant que s’il est de qualité, c‘est toujours un plaisir à déguster !

L’embouteillage indépendant est quelque chose de désormais très répandu dans le whisky, sans doute moins dans le rhum, même si les choses évoluent. La démarche est-elle la même, ou y a-t-il des différences entre les deux ?

L’essor de l’embouteillage indépendant de rhum n’est pas une nouveauté, mais le marché s’est considérablement développé au cours des dix dernières années. De manière générale la démarche est très similaire à celle du whisky et des autres spiritueux : une bonne fermentation, une distillation soignée, un vieillissement et un stockage maîtrisés, une préparation et un embouteillage rigoureux… C’est en prêtant la plus grande attention à chaque étape que l’on s’assure des produits de haute qualité. C’est le cœur même de notre métier. Dit comme ça, ça paraît simple…

On sait que les amateurs chevronnés de rhum sont de plus en plus nombreux, et de plus en plus intransigeants. Une question qui enflamme régulièrement les discussions est celle du vieillissement : tropical ou continental ? Est-ce un nième débat de geeks ou un point essentiel, et quelle est la position de Bristol ?

En effet, la question du vieillissement est devenue un sujet brûlant parmi les passionnés de rhum. On peut débattre sans fin de ce qui est “meilleur” ou “différent”, mais pour moi cette problématique est secondaire. Tant de choses dépendent en premier lieu de la qualité du bois utilisé pour les fûts et des conditions de stockage de ces derniers. Un lieu n’est pas nécessairement supérieur à un autre par essence, quand bien même il s’agirait du pays de production du rhum en question. Chez Bristol, nous préférons faire vieillir nos rhums dans des chais humides et frais au Royaume-Uni, où nous pouvons surveiller leur maturation de près et les embouteiller lorsqu’ils atteignent leur expression optimale. Cependant, nous sélectionnons et achetons également des rhums partiellement vieillis dans leur pays d’origine si leur qualité nous séduit. Au final, seule la qualité compte.

Une question brûle vraisemblablement les lèvres de ceux qui nous lisent : et Caroni alors ? Voilà encore un sujet qui fait débat, tant d’un point de vue historique — les fameux stocks “retrouvés” — que du point de vue économique – les prix. Et la qualité dans tout ça ? Y a-t-il une vie après Caroni ?

Caroni est un excellent exemple de stock que nous avons vieilli en deux endroits : d’abord à la distillerie à Trinité-et-Tobago, puis au Royaume-Uni. J’ai visité la distillerie pour la première fois en 2001, et nous avons expédié la plupart de nos fûts — datant de 1974 à 2000 environ — entre 2008 et 2010. Il nous reste encore des fûts en stock, certains ont donc gagné 15 ans de maturation supplémentaire en Angleterre. Ce double élevage a permis de développer un spiritueux que je trouve particulièrement équilibré. Mais au fil des embouteillages, la demande pour ce rhum a littéralement explosé, en raison de sa qualité bien sûr mais aussi du fait que la distillerie est désormais fermée. On a ainsi observé le même phénomène qu’en Écosse avec certaines distilleries disparues. Un engouement qui a fait grimper les prix de ces rhums à un niveau inédit. C’est difficile à imaginer dans ce contexte, mais Caroni était un excellent rhum d’assemblage, parfait pour “corser” un embouteillage !

Dans la lignée de la question précédente, on constate que le rhum est en voie rapide de premiumisation, comme l’a été le whisky. Des distilleries comme Foursquare, par exemple, rappellent ce qui s’est passé avec Springbank. Quel est votre point de vue de producteur sur la question ? Peut-on encore trouver des rhums de qualité à des prix raisonnables ?

De mon point de vue, il existe aujourd’hui des rhums pour tous les goûts et dans toutes les gammes de prix, permettant d’en profiter en toute circonstance et pour chaque occasion. Le rhum ne doit pas nécessairement être une expérience “premium”. Bien sûr, les rhums rares et âgés de grande qualité impliquent des prix plus élevés, qui reflètent le temps et l’expertise investis dans leur élaboration, mais j’apprécie tout autant un rhum jeune, avec du tonic ou du ginger ale en long drink, par exemple. Dans les boutiques spécialisées et les duty free, on retrouve souvent des contenants exclusifs à des prix très élevés. Mais n’oublions jamais que le contenu reste avant tout un plaisir à savourer !

Beaucoup d’amateurs sont venus au rhum par le style hispanique parfois très édulcoré, et sont moins familiers du style britannique que représente Bristol. Comment vous adressez-vous à ces consommateurs ?

Les styles hispaniques ont toute leur place dans l’univers du rhum. Chez Bristol, au-delà des références classiques attendues chez un embouteilleur de style britannique (Barbade, Jamaïque, Guyana…), nous proposons aussi une gamme d’eaux-de-vie en provenance du Venezuela, de Cuba, du Panama… Ces destinations de production font pleinement partie de la riche palette de styles que le consommateur de rhum peut explorer. Il ne faut pas non plus oublier les rhums agricoles, ainsi que les rhums de l’océan Indien et d’autres régions en dehors des Caraïbes. Tous méritent d’être découverts : quel univers fascinant que le rhum !

Stand & masterclass
Retrouvez John Barrett sur le stand Bristol Classic Rum au Rhum Corner du Lyon Whisky Festival, et en masterclass le dimanche 16 mars à 16h30.

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