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Sept fois à terre, huit fois debout - Le whisky japonais en bande dessinée

Fabien, Didier, au vu de votre parcours, il semblerait bien que vous ayez eu plusieurs vies avant la BD. Comment en êtes-vous arrivés là ?

DA : Mon intention première, c’était le cinéma, mais ce qui m’intéressait vraiment, c’était l’écriture de scenarii. En parallèle, j’ai entamé des études en sciences économiques et j’ai laissé de côté le reste… qui m’a rattrapé vers 30 ans ! Je me suis formé à l’écriture, et j’ai envoyé des dossiers à des éditeurs, notamment chez Spirou Magazine. Je travaillais alors à ma première série, Pandora Box, qui leur a plu. Les premiers albums ont vu le jour en 2005, alors que j’étais encore économiste à plein temps ! Je suis devenu scénariste à part entière de 2008 à 2018. J’ai finalement repris un temps partiel en tant qu’enseignant ; c’est là que mon plus gros succès à ce jour, La Bombe, a eu lieu ! L’adaptation des Piliers de la terre a suivi, ce qui m’a permis de vivre de mon métier de cœur.

FR : À 16 ans, je me suis orienté vers l’informatique pour des raisons toutes personnelles (priorité dans la file de la cantine, et popularité auprès des filles du lycée !). J’avais tout de même un rêve un peu plus sérieux : devenir pilote de chasse. Après cinq ans dans l’armée de terre, je suis revenu à l’informatique, avant de devenir coach en entreprise. C’est ce qui m’a amené à publier mon premier roman. Ça a été une révélation : mon truc, c’était l’écriture. Je l’ai mise au service de mes moteurs : l’humain, et l’écologie. Je suis arrivé dans la BD en 2014 avec une saga éco-engagée : Les seigneurs de la terre. Cette fibre militante ne m’a plus jamais quittée. Whisky San est mon premier projet “tranquille”, qui m’a accroché par la seule force de son histoire. Celle de Masataka Taketsuru est incroyable !

Dans l’avant-propos, vous évoquez ce projet comme étant « une histoire de rencontres ». Comment s’est passée la vôtre ?

DA : Sans nous connaître, nous avons développé le même projet au même moment, et l’avons proposé au même éditeur ! Notre éditeur nous a donc mis en relation. Un beau jour, Fabien m’a appelé. C’était le début de notre collaboration, qui a donné Les damnés de l’or brun. Bien plus tard, Fabien m’a recontacté pour un nouveau projet sur le whisky. On était en plein COVID, et j’étais persuadé que nous allions tous mourir, alors à quoi bon ! Fabien a insisté, et je me suis pris au jeu. Je n’y connaissais rien au whisky, mais l’histoire de la rencontre entre Masataka et Rita m’a emporté. Par ailleurs, Masataka était originaire d’Hiroshima, une ville à laquelle je suis très attaché depuis La bombe, mon ouvrage qui y est consacré.

AG : Je suis une enthousiaste des mangas depuis l’adolescence, mais jusqu’à l’université, ça restait un hobby. Je me suis inscrite à l’école de dessin JOSO de Barcelone, où j’ai eu comme professeur Jordi Lafebre qui m’a fait découvrir le monde de la BD française. Puis, j’ai remporté le concours de BD de Cornellà (Barcelone). C’est à la suite de ça que j’ai décidé de présenter mon portfolio à des maisons d’édition françaises. J’ai collaboré avec Laurent Galandon sur le projet Retour de flammes. C‘était grâce à lui que j’ai rencontré Fabien et Didier : il leur a montré mon travail, très influencé par le manga, qui les a convaincus. C’est Fabien qui m’a présenté le projet Whisky San. J’ai adoré dès la première seconde.

Quel était votre rapport au whisky avant Whisky San ?

FR : Le même que Didier, et probablement beaucoup d’autres gens : quelques mauvais souvenirs de whisky-coca ! J’ai commencé à comprendre grâce à un ami qui m’a initié au bon whisky. Je me suis mis à en consommer, mais j’ignorais l’existence du whisky japonais, jusqu’à cette fameuse dégustation mentionnée dans la préface. En écoutant la personne qui nous en a parlé ce soir-là, je voyais des images, je voyais une BD. C’était en 2014 ; j’ai immédiatement fait une note d’intention à mon éditeur, mais ce n’est que cinq ans plus tard que l’idée de collaborer de nouveau avec Didier est venue. Notre lien professionnel, son rapport au Japon, tout cela a contribué à ce que Whisky San voie le jour.

AG : Moi, je n’y connaissais rien ! Mon père, en revanche, était un enthousiaste du whisky écossais. Il en achetait régulièrement de différentes sortes, pour se faire le palais. Il a même été en Écosse pour visiter des distilleries.

Whisky San est un ouvrage particulièrement bien documenté, à la fois en termes de chronologie mais aussi sur l’aspect whisky. Quelles ont été vos sources ?

FR : Dès ce projet en tête, j’ai commencé à me former. Je suis allé visiter le Domaine des Hautes Glaces, qui était près de chez moi ; j’y ai rencontré Frédéric Revol, qui m’a à son tour orienté vers Serge Valentin, qui m’a lui-même mis en relation avec Didier Ghorbanzadeh. Et puis il y avait Adrienne, alias “Madame Saké”, une franco-japonaise que j’ai rencontrée lors d’un vernissage. Je lui ai parlé du whisky japonais, du projet. Elle m’a immédiatement proposé de ramener de la documentation lors de son prochain voyage. Son apport a été capital.

Quelle est la part de factuel et la part de romancé dans cet ouvrage ? Je pense notamment à l’épisode du bol cassé et du fameux kintsugi, cette technique / philosophie japonaise qui semble centrale dans votre BD…

DA : Toutes les grandes lignes de l’histoire sont authentiques. C’est plutôt sur des évènements ou des personnages secondaires que nous avons brodé. Cela permet d’amener un peu de profondeur et d’humour à l’histoire. Il y a également quelques clins d’œil personnels glissés ici ou là, notamment une référence à One Piece, dont mes enfants sont des fans absolus.

FR : Parfois, on comble les trous de l’histoire, sur lesquels nous n’avons pas de détails, ce qui permet de romancer un peu plus. Comme la rencontre de Masataka et Rita au cimetière par exemple. Ce n’est pas vrai, mais c’est une belle entorse à la réalité !

DA : Quant au Kintsugi, cela fait effectivement écho à la résilience de Masataka face à l’adversité. Nous l’avons introduit via la scène des cadeaux le soir du nouvel an 1918. Cette soirée a existé, mais nous avons inventé ce bol, qui nous paraissait un beau symbole, en résonnance totale avec ce personnage et son histoire.

FR : J’ai découvert ce concept lors de l’écriture d’un ouvrage collectif conçu pendant le COVID. J’ai trouvé cette métaphore absolument incroyable ; elle me semblait appropriée au parcours de Masataka et Rita, qui font des obstacles des atouts.

Whisky San à présent terminé, avec le recul, comment considérez-vous cet ouvrage et que représente-t-il pour vous ?

FR : Ça a été un énorme kif ! J’aimerais vraiment que Whisky San trouve son public ; le message qu’il véhicule le mérite. Sur un plan personnel, cette BD représente un tournant : j’ai envie de revivre cette expérience d’écriture simplement liée au plaisir de raconter une histoire. La plupart de mes ouvrages sont très engagés. J’ai envie d’équilibrer un peu mes projets grâce à des ouvrages plus rafraîchissants comme celui-là.

DA : Whisky San est une histoire “feelgood” par excellence ! La collaboration avec Fabien et Alicia mais aussi Tanja la coloriste, a été particulièrement plaisante. C’était vraiment un projet-plaisir ; j’espère qu’il sera bien accueilli et que les lecteurs percevront ce plaisir. On peut vraiment l’apprécier même sans rien connaître au whisky, c’est la force des bonnes histoires.

AG : C’est avant tout une histoire incroyable de force de caractère, de volonté, de persévérance et bien sûr, une histoire d’amour. Cette BD raconte le chemin difficile mais magnifique qu’il faut emprunter lorsqu’on décide de poursuivre son rêve, avec la part de difficultés et de désillusions que cela comporte.

Est-ce que ce projet a changé votre rapport au whisky ?

DA : Notre éditeur a organisé une soirée en Belgique pour présenter Whisky San aux libraires. Le directeur éditorial avait amené une bouteille de Nikka, que j’ai trouvée très bon. Mais je ne suis pas encore devenu un vrai “buveur de whisky au coin du feu” ! En revanche, ce projet m’a donné envie d’en savoir plus. S’il y a une distillerie proche lors de mes prochaines vacances, j’irai la visiter !

FR : Moi je suis un vrai “buveur de whisky au coin du feu” ! Et même en été, sur ma terrasse (rires) ! Mais j’étais plutôt branché Écosse, ça m’a donné envie de découvrir plus avant les whiskies japonais. Je connais un peu la gamme Nikka, mais je connais moins celle de Suntory par exemple. À titre personnel, j’aime beaucoup le Jura. J’aime aussi certains whiskies français : ceux de Frédéric bien sûr, mais aussi Sequoia, de la Distillerie du Vercors, ou la gamme Rozelieures.

AG : Grâce à cet album j’ai appris à connaître un peu mieux l’univers du whisky. Je ne suis pas devenue experte bien sûr ! Mais c’était passionnant d’apprendre comment était fabriqué ce bel alcool. Depuis, j’ai eu envie de tester le whisky japonais. Un de mes amis, curieux de mon projet, m’a offert une bouteille de Hibiki. Découvrir le whisky tout en l’illustrant, j’ai beaucoup aimé !

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