C'est un chef-d'œuvre, un vrai, un film magnifique auquel la superbe copie restaurée présentée cette semaine au Comœdia rend toute sa plénitude. Colonel Blimp, réalisé par Michael Powell et Emeric Pressburger en 1945, raconte la guerre sans jamais la montrer, à travers le parcours du général Winne-Candy. On le découvre en 1943, chauve, moustachu et bedonnant dans un bain turc de la sécurité intérieure britannique, humilié par un jeune officier qui a décidé de faire du zèle au cours d'un exercice simulant l'attaque de Londres par les nazis. Quarante ans auparavant, c'était lui l'officier fougueux en mission à Berlin, rencontrant une femme dont il tombe amoureux mais qu'il "laissera" à son rival allemand qu'il avait affronté en duel et avec qui il se lie d'amitié.
Une amitié qui va traverser l'Histoire, comme la mise en scène de Powell et Pressburger enjambe toutes les représentations des conflits mondiaux, n'en filmant que les conséquences intimes pour les personnages. Même le romanesque est parfois laissé hors champ, comme la mort des deux épouses, suggérée au cours d'ellipses fulgurantes. Que reste-t-il alors ? Un manifeste humaniste où les sentiments résistent aux drames de l'Histoire, où les valeurs morales sont plus fortes que les tensions entre les nations. Il est donc urgent de revoir Colonel Blimp (et, globalement, l'œuvre de Powell et Pressburger), et pas seulement si la rumeur se confirme qu'un de ses admirateurs, Martin Scorsese, pourrait nous rendre visite à Lyon courant octobre...
Christophe Chabert