CinéCollection, le cycle patrimonial du GRAC, poursuit son cheminement à travers les grands espaces cinématographiques nord-américains et marque une étape sur les terres du fantastique, avec une double programmation qui ne l'est pas moins : deux perles aussi noires que le jais, aussi précieuses que le diamant.
D'abord une œuvre se situant à la lisière du conte, du polar, du drame social et de la parabole philosophique : Freaks (1932), de Tod Browning — initialement distribué en France sous le titre La Monstrueuse Parade. Cet ancêtre du Elephant Man (1980) de Lynch s'intéresse à la condition des monstres de foire, exploités jusqu'au début du XXe siècle pour leurs singularités morphologiques : les nains, géants, microcéphales, femmes à barbe, colosses, hermaphrodites, siamois... bref tous ceux que la médecine antique désignait comme tératoïdes.
Browning, alors au sommet après le succès de son Dracula (1931), dépasse les attentes du studio Universal et de sa série de Monsters imaginaires : cette fois, il ne filme pas des créatures chimériques ni des spectres de carton-pâte, mais tend un miroir cruel de réalisme au public. Et révèle que le véritable monstre de sa troupe est une femme des plus avenantes, une infâme manigancière cachant une âme hideuse sous son visage lisse. Elle sera bien sûr dûment châtiée... avant d'être généreusement “cooptée”. Un classique, et une merveille bouleversante.
Et puis, pour ajouter du trouble en jouant avec la morale et la mauvaise conscience, l'adaptation du Portrait de Dorian Gray (1945) d'Oscar Wilde, réalisée par Albert Lewin qui jongle subtilement entre le noir et blanc et la couleur. Un je-ne-sais-quoi d'élégance diabolique traverse ce film à l'envoûtant charme inentamé par les années — cela cache quelque chose, non ?
Freaks + Portrait de Dorian Gray
Dans les salles du GRAC jusqu'au 6 février