Entretien / Regard bleu mélancolie et silhouette émaciée, Liam Neeson marque une pause pour évoquer sa nouvelle course contre la montre à grande vitesse dans The Passenger. En voiture s'il vous plaît...
C'est la quatrième fois que vous travaillez avec Jaume Collet-Serra ; dans quelle mesure parvenez-vous à vous surprendre mutuellement ?
Liam Neeson : Nous ne nous surprenons pas vraiment. En tout cas, à chaque fois c'est de plus en plus facile pour nous de travailler ensemble et nous sommes de plus en plus proches. On ne cherche pas à suranalyser chaque chose ni des motivations aux personnages ; on est tout de suite dans le concret. J'arrive sur le tournage, on regarde les mouvements de caméra, et puis on met en boîte — c'est aussi simple que cela. Sauf s'il y a une scène un peu plus complexe, auquel cas on fait une répétition. Nous aimons notre énergie mutuelle. L'équipe le perçoit ; elle sait qu'on ne va pas attendre jusqu'à la cinquième prise.
Et puis, il est très inventif ; sa caméra est au service de l'histoire et j'adore ça. Après Non Stop, il m'a fait passer d'un avion à un train — j'étais curieux de savoir comment il allait filmer. Et l'on va recommencer pour notre cinquième film ensemble, dans un espace encore plus petit : un placard (sourires) Non, en fait je ne peux pas encore en parler.
Quelle est la part d'effets spéciaux, et celle de votre implication physique ?
On a tourné dans l'un des studios de Pinewood où un Star Wars venait de s'achever. Le décor, c'était un compartiment et demi sur des vérins hydraulique, placé devant un fond vert — je ne comprends pas vraiment comment ça marche, mais le train est supposé avoir 6 ou 7 voitures différentes. Pendant la semaine nous tournions dans un compartiment donné, et puis le week-end le chef-décorateur et ses équipes changeaient des éléments pour que ce compartiment en devienne un autre — et ainsi de suite. Tout était extrêmement organisé. Donc, quand j'arpente le train en entier, cela correspond en réalité à une semaine et demi de boulot.
Sur le plan physique, j'aime être en forme. Tous les matins, je mettais le réveil à 5 heures pour aller faire de la gym, puis direction le studio pour tourner non-stop jusqu'à 18h30. Après quoi je m'octroyais une sieste de 15 minutes avant de retourner à la gym où je retrouvais les cascadeurs pour répéter les combats. Enfin, je rentrais à l'hôtel pour m'écrouler. Voilà à quoi ressemblait ma vie pendant le tournage : monastique.
À la lecture du scénario vous êtes-vous demandé de ce que vous feriez si l'on vous proposait de faire “quelque chose” pour rendre service ou pour une somme d'argent ?
Les personnages que j'aime jouer ne sont pas des super-héros, mais des gens de la rue. Chacun peut donc s'identifier à ce qu'éprouve ce personnage : c'est un dilemme moral. Que ferais-je, moi, si j'étais viré à 60 ans, perclus de dettes avec des enfants à mettre à l'université ? Dans ces conditions, je serais tenté.
Vous apparaissez aux yeux des spectateurs comme un protecteur. Aimeriez-vous revenir vers un rôle plus ambigu ?
Avoir cette image est sympathique. Si c'est celle que j'ai en ce moment à l'écran, je ne vais pas cracher dessus ! En tant qu'acteur, le mélange est intéressant. Je viens de tourner le rôle d'un mec pas très cool avec les frères Coen — d'où ma barbe : il nous reste deux jours à faire dans la neige au Colorado, sauf qu'il y fait en moment 15°C...
Dans vos films, les durées se raccourcissent de plus en plus. Avez-vous un rapport au temps particulier ?
L'idée de temps est toujours présente. J'ai 65 ans, et à chaque fois que je reçois un scénario, j'ai un choc quand au départ le personnage principal est supposé avoir 35 ans, que son âge a été corrigé en “dans la petite cinquantaine”. C'est génial, ça veut dire qu'on me veut. Alors je prends mon téléphone et je demande : « Combien ? » Si ça me va, alors j'arrive !