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De nouveaux enjeux pour les cinémas lyonnais et grand lyonnais
Par Laure Solé
Publié Mardi 16 avril 2024 - 2493 lectures
Photo : Benoît Prieur, CC0, via Wikimedia Commons
Cinémas / La fréquentation en hausse des cinémas en 2023 avait rassuré après les douloureuses années Covid. 2024 a commencé sous de moins bons auspices à Lyon comme dans tout le pays. Inflation, concurrence avec les plateformes, nouvelles exigences du public : les règles du jeu semblent avoir durablement changé.
2023 fut l’année du retour du grand public dans les cinémas français. +19% dans la métropole de Lyon ainsi que dans tout l’hexagone d’après les chiffres du CNC. Une fréquentation qui restait 13% en deçà des moyennes de 2017 à 2019, mais qui a fait pousser un soupir de soulagement à l’industrie. « De nombreux films ont été bloqués pendant le Covid, et sont tous sortis à toute vitesse en 2023, sans oublier l’effet Barbenheimer » analyse Flavien Poncet, directeur d’exploitation des cinémas Lumière à Lyon, qui poursuit « c’était une des meilleures années, on pourra difficilement revenir à une offre pareille, en art et essai comme en cinéma grand public ».
Les multiplexes dans la tourmente
Le début de l’année 2024 accuse donc une baisse de fréquentation de 13% par rapport à l’année précédente d’après les chiffres du CNC. Un déclin qui n’est pourtant pas également réparti entre tous les cinémas de la métropole. Ce sont les multiplexes de Lyon qui accusent le coup en premier. Selon les chiffres du magazine Le film français, les cinémas Pathé Carré de soie, Pathé Vaise et Pathé Bellecour souffrent d'une significative baisse de fréquentation sur la deuxième moitié du mois de mars. Respectivement -30%, -20% et -25%. Même chose pour le CGR de Brignais avec -25%. Les cinémas UGC s'en sortent un peu mieux avec seulement -10% de fréquentation à Confluence, et même une hausse de 5 à 7% à Part-Dieu. La Rolls-Royce des multiplexes (18 salles) inaugurée en 2021 et située dans le plus gros centre de shopping urbain d’Europe n'arrête donc pas sa progression. Questionnés par Le Petit Bulletin, les cinémas Pathé et UGC n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Les cinémas indépendants et art et essai de la métropole ne souffrent pas autant de cette baisse de fréquentation générale. Le Comœdia par exemple, jouit même d'une hausse de 2% de fréquentation sur le mois de mars par rapport à l'année 2023.
« Le cinéma d’auteur a été moins impacté par cette crise », détaille Cyril Désiré, directeur du cinéma art et essai Le Zola, à Villeurbanne. Il reprend : « Il y a eu un moment où les majors américaines sortaient presque en même temps leurs films en salles et sur les plateformes. En 2023, Warner Bros a fait machine arrière, mais cela a eu un impact sur les habitudes des publics. »
Le prix de l’expérience "next-gen"
Les habitants de la métropole de Lyon ont-ils perdu l’habitude d’aller voir des films grand public en salles ? En mai 2022, le CNC a publié les résultats d’une enquête interrogeant la baisse de fréquentation des cinémas. À l’époque, 38% des sondés évoquaient la perte d’habitude, 36% d’entre eux, la perception du prix du billet.
Ces dernières années, les multiplexes ont basé leur stratégie sur une amélioration des conditions de visionnage, pour offrir du grand spectacle à leurs publics. Des fauteuils tout confort, des écrans géants, une sonorisation parfaite, ainsi qu’un attirail de technologies high-tech (Dolby atmos, IMax, 3D, 4DX).
Un spectacle qu'aucune plateforme de streaming ne peut offrir dans un salon. Cependant, cette stratégie est coûteuse, s’ajoutant à la hausse des prix de l’énergie, le prix d'une place de cinéma dans un multiplexe a augmenté de quelques euros chaque année, et varie aujourd’hui entre 15 et 17 euros à Lyon (hors tarif étudiant, 3D, 4DX).
Pour rester attractifs, les cinémas ont donc mis en place des abonnements, "forfait illimité", qui ont, eux aussi, récemment augmenté, s’approchant des 20 euros par mois.
On s’éloigne donc du loisir culturel à bas coût, et même si les multiplexes ouvrent toujours leurs salles 365 jours par an, les projections matinales (et moins chères) se raréfient.
Des cinémas de banlieue qui doivent jouer sur tous les tableaux
Le seul prix du billet n'explique pas cette baisse. D’autres cinémas à la programmation grand public et au prix des places moins élevé (moins de 10 euros) ont subi une baisse de fréquentation. Antoine Quadrini a créé la société URFOL-Cinéma qui tantôt possède, tantôt gère en délégation de service public les cinémas de Saint Chamond, Bron, Caluire et Cuire, Péage de Roussillon ainsi que ceux de Saint-Priest et Rillieux-la-Pape inaugurés en grande pompe en fin d’année 2023. Tous ces cinémas sont labellisés art et essai et diffusent aussi des films grand public :
« On s'inscrit dans la même dynamique que ce qui est constaté au niveau national. La fréquentation baisse d'environ 10% sur le premier trimestre », déclare-t-il. « En banlieue, il faut qu'on fasse tout : du blockbuster et de l'art et essai, que les salles soient high-tech et que le prix du billet ne soit pas trop dissuasif. C'est dur », détaille Antoine Quadrini.
De leur côté, les cinémas art et essai semblent avoir atteint une jolie vitesse de croisière. Les cinémas Lumière n’ont pas encore fait les comptes mais « la fréquentation est bonne », analyse Flavien Poncet, responsable d’exploitation des cinémas Lumière (Terreaux, Bellecour et Fourmi à Lyon).
Les soirées "éditorialisées" séduisent le public
Il évoque une politique tarifaire pour l’instant très concurrentielle « On propose des tarifs préférentiels, pour les minima sociaux [4 euros ndlr], avec des places qui ne coûtent rien aux bénéficiaires du pass culture par exemple », mais surtout, un effort important mis sur « l’éditorialisation » d’événements :
« On a par exemple la soirée Double programme : on propose un film "recherche et découverte" en sortie nationale comme Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, et on le fait précéder par un autre film un peu plus connu comme La femme de mon frère avec un buffet entre les deux ». Des rendez-vous réguliers grâce auxquels « le public est revenu en salles après le Covid ».
Même son de cloche du côté du Zola : tarifs les plus bas possibles pour répondre à « une mission d’éducation populaire », selon Cyril Désiré. Mais aussi soirées éditorialisées pour séduire le public. « On a lancé des soirées ‘’série’’ avec une "approche cinéma" par exemple. » Sans compter les partenariats des salles avec de nombreux festivals lyonnais. Le Comœdia par exemple s'associe avec Écrans mixtes, Hallucinations collectives, Quais du polar, Les Intergalactiques…
Des dynamiques poussées dans toute la métropole « Ce n’est plus coller une affiche qui va faire venir au cinéma », abonde Antoine Quadrini, « aujourd’hui, il faut être en interaction constante avec le territoire, le tissu associatif ». Il évoque le succès de la soirée ciné-débat sur le monde agricole après la diffusion du film La ferme des Bertrand au cinéma Le grand scénario à Saint-Priest, en présence de Nathalie Bedel, productrice de fromages de chèvre dans le Pilat, et Delphine Muglia de la Fromagerie du village à Saint-Priest.
Le cinéma Art et essai, rentable
Flavien Poncet insiste, les cinémas Lumière sont rarement dans le rouge : « S'il y a des forces vives, de l’engagement, une salle de cinéma peut être rentable, même en pratiquant des tarifs bas ».
Il rappelle cependant que cet équilibre est fragile et repose sur un cadre normatif favorable à la création :
« Aujourd’hui les disquaires ont quasiment disparu avec l’émergence des plateformes. En comparaison, le cinéma français ne disparaît pas car le CNC investit et favorise la diversité. On est le seul pays européen à avoir pu préserver un cinéma indépendant de cette qualité. C’est quelque chose à avoir en tête à l’approche des élections européennes. »
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