Le début de la fin

Le temps, matière de l'image. Ne vous déplaise, nos vieux quand ils causent, c'est tout un univers qui re-surgit. Des archives uniques, précieuses, « du cœur et de la mémoire », qui sont l'objet d'une exposition des photos de Marie-Pierre Vincent qui illustrent les moments d'interview de ces personnes hospitalisés, et les textes établis par la suite. La question du déplacement a toute sa place dans l'idée de « venir au musée et faire venir le musée à soi », c'est là la participation des personnes rencontrées. Du rire et des larmes, pas de pittoresque mais de l'authenticité et plein de tendresse : « le recueil frémit de bulles remontées des profondeurs des vies. Il nous transmet curieusement des expériences peu précises sur les secteurs d’activités, sur les quartiers, mais profondes et presque universelles pour cette génération d’hommes et de femmes d’origine modeste ». Modestes les clichés, la légèreté recherchée fige la pudeur et le respect, climat dans lequel se sont produits les entretiens. Pas de vœux de « touche d'auteur », mais elle transparaît dans la recherche d'un rendu calme, simple, en rapport avec la qualité souvenir et illustrative des photos.

« ça a débuté comme ça. »

C'est au début de Voyage au bout de la nuit. Après le diagnostique c'est le moment de réinterroger la place du portrait individuel, et le statut de la « photo souvenir » ainsi que la capacité narrative de la photo, parce que « tout n'est pas formidable dans la photo unique » et, « parfois la photographie ne suffit pas », d'après Jean-Claude Courtinat. « Alors ? Posez-moi des questions ? » Madame Rolland. L'image seconde le texte, pas d'évidence, les personnes réagissent différemment face à la prise de vue. Photos souvenir, photos couleur, ainsi interprétées par notre photographe : « des photos presque banales, sans dureté, juste vous, un instant de vous, une image qui sera, un jour, un souvenir aimé. » Un hommage aux regards et à la vitalité et à la sensibilité. Temporalité suspendue. « Les images de Marie-Pierre Vincent, visages, regards, postures, mains, mettent en petite musique ces douleurs passées et cette ouverture de cœur dans l'échange. » Un héritage à partager.

Exposition photos de Marie-Pierre Vincent
Du 28 mai au 30 juin
Nouveau théâtre de Beaulieu