A voir au ciné cette semaine

À voir

★★★☆☆ Love Life 

Accueillant pour une célébration familiale les parents de son mari Jiro (qui habitent en face ), Takeo voit sa fête prendre brutalement un tour tragique. Peu après, le père biologique de son fils refait surface dans sa vie ; dans le même temps, Jiro reprend contact avec son ex…

Face à cette chronique d’une famille en plusieurs mouvements (et plusieurs fragments), comment ne pas penser à l’univers à la fois intime et terriblement sensible de Kore-eda ? S’attachant au plus près des sentiments dans tout ce que l’éventail de l’humanité peut permettre mais sans choir dans les outrances du mélo, Kôji Fukada montre les infinies nuances du ressentiment, de la jalousie, du chagrin mais aussi l’amour invincible éprouvé par des personnages dont les trajectoires et les affects sont tout sauf monotones.

D’ailleurs, comme dans une partie d’Othello (le jeu favori du fils de Takeo), les perspectives peuvent ici en un instant changer radicalement. Quant aux mensonges ou aux dissimulations, ils n’ont pas forcément d’intention malveillantes — les silences de Love Life s’avèrent même puissamment éloquents : l’ex de Takeo étant muet (et coréen), il signe pour s’exprimer ou traduire ce que la mère de son fils ne peut comprendre. Le tact dont Fukada fait preuve pour aborder des sujets terribles se retrouve dans sa mise en scène d’une sobre fluidité, presque aérienne, jamais étouffante dans les espaces clos. On pourrait s’interroger sur le message optimiste renvoyé par le titre, eu égard au contenu parfois dramatique du film ; le plan final le légitime tout entier.

De Kôji Fukada (Jap., 2h04) avec Fumino Kimura, Kento Nagayama, Atom Sunada…


★★★☆☆La Nuit du verre d’eau 

Liban, les années 1950. Loin de Beyrouth, dans les montagnes, les filles du chef du village mènent une vie détachée des remous de la révolution qui secoue le pays. Si l’aînée s’est coulée dans le moule de la tradition en épousant un homme, les cadettes manifestent davantage de désir d’émancipation…

Évocation teintée d’autobiographie mi-joyeuse, mi mélancolique, le film de Carlos Chahine encapsule davantage que des souvenirs personnels. Bien sûr, il y a le regard candide et insouciant d’un enfant plutôt privilégié et choyé tranchant avec la condition des autres gosses vivant dans ce cadre rural au bord de l’austérité. Mais le Carlos Chahine adulte complète l’arrière-plan, reconstituant un contexte plus tourmenté : la mère du garçonnet s’affranchit progressivement d’une double (voire triple) tutelle masculine en flirtant avec un Français de passage, ses tantes tentent de faire vaciller le patriarcat ambiant en choisissant leurs amants et leur destin ; quant aux adultes de cette société virile, ils ne sont guère ouverts à la différence de manière générale. La Nuit du verre d’eau rappelle à certains égards — le décor résolument oriental et l’époque teintée par les fifties mis à part — ce que de Sica avait cristallisé dans Le Jardin des Finzi-Contini : l’imminence crépusculaire d’une fin de règne tragique.

De Carlos Chahine  (Fr.-Lib., 1h23) avec Marilyne Naaman, Antoine Merheb Harb, Nathalie Baye…


★★★☆☆Fifi 

Fifi, 15 ans, désespère à l’idée de passer un été-HLM dans sa famille déstructurée. Et voici que le hasard lui met entre les mains les clefs de la luxueuse villa de sa copine Jade, partie avec ses parents. Fifi décide de taper l’incruste dans la propriété. Quand le grand frère de Jade débarque, les deux vont cohabiter…

“L’inconnue dans la maison“, “Fais moi des vacances“… Ces titres (déjà pris) auraient tout aussi bien pu convenir à ce premier long du duo Alan/Saintillan explorant à hauteur d’adolescence et à lisière d’âge adulte le déterminisme social… sans pour autant sombrer dans les abîmes du misérabilisme crin-crin. Meilleur alliée pour ce conte initiatique, l’ambiance solaire de l’été, qui gomme dans sa lumière dorée pas mal de différences : le désœuvrement des uns peut se confondre avec le farniente ou le dilettantisme des autres. Jouant sur différents niveaux de troubles et de suspense avec adresse, Fifi donne à éprouver le malaise ressenti par sa protagoniste, probable future transfuge de classe, oscillant entre son milieu d’origine — un appartement surbondé — et ce havre de quiétude. Un mot sur le rôle repoussoir de la mère peu responsable de Fifi, campée par Chloé Mons : épouvantablement crédible avec sa mine de Béatrice Dalle blonde, elle s’avère surprenant dans sa gravité finale. Une sacrée trouvaille.

De Jeanne Aslan & Paul Saintillan (Fr., 1h48) avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire, Ilan Schermann…


On s’en contente

★★☆☆☆Le Processus de paix 

Pour préserver leur couple et leur famille d’une rupture fatale, Marie et Simon décident de rédiger (et respecter) une sorte de pacte de non-agression mutuelle, la “Charte universelle des droits du couple“ reposant sur l’écoute, la concession et la maîtrise de soi. Sur le papier, ça peut fonctionner. Mais en vrai ?

Ilan Klipper est un cinéaste aussi prolifique et fidèle à ses comédiens (Camille Chamoux, Laurent Poitrenaud) qu’éclectique dans ses projets. La preuve avec cette comédie sentimentale allenienne made in Paris, arrivant après un documentaire consacré à des personnes longeant la folie (Funambules) lui même succédant à une fiction poétique-barrée au ton très indé (Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête). Cette variété d’approches autour d’acteurs-pivots laisse entre qu’il se cherche ; il ne s’est pas encore trouvé avec Le Processus de paix. Suivant un schéma un peu daté (qui a cependant connu son heure de gloire dans les année 1990), cette comédie de mariage-démariage mâtinée de dramédie juive étonne guère — Jeanne Balibar en cougar : au secours ! ; Poitrenaud en patron de radio débitant du franglais d’école de commerce à tout-va : dejà-vu ; Ariane Ascaride en matriarche ultra libre et castratrice : énième avatar de Marthe Villalonga etc. Heureusement, il y a des instants de grâce en particulier dans les séquences avec Sofian Khammes et la trop rare Sabrina Seyvecou, le second couple du film. Aussi drôles et inattendus en parents de petits monstres indisciplinés ou amoureux paradoxaux, ils justifient à eux seuls de voir ce film.

De Ilan Klipper (Fr, 1h32) avec Camille Chamoux, Damien Bonnard, Jeanne Balibar…

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