The Grand Budapest Hotel : ou quand Wes Anderson frappe pour de bon

Wes a encore frappe. Son nouveau film, Grand Budapest Hotel, a encore produit ce suspens mystique que seul Wes Anderson sait fabriquer avant même sa sortie en salle. Deux ans après "Moonrise Kingdom", il se plait a nous montrer encore une fois qu’il maîtrise parfaitement son sujet. Je ne suis pas une fan absolue de Wes Anderson, mais je reconnais son talent sur ce coup d’ou ces accumulations de “encore”. Elles pourraient d’ailleurs lasser ceux qui (car il y en a), trouvent les trames du Texan ennuyeuses à mourir et le réalisateur lourd dans sa manière plus ou moins fixe d’installer le spectateur dans son monde. Eh bien non, pas cette fois. A vrai dire, le Texan nous en met audacieusement plein la vue en alliant avec brio le fantasme et la realite.

L’idée :

L’idée originale de The Grand Budapest est directement inspirée d’un ami d’Anderson; celui-ci pensait simplement écrire une histoire marrante de quinze pages, se déroulant dans le présent, entre la France et l’Angleterre, et sans la mise en abîme (opérée dans le film avec Jude Law). Puis plus rien pendant huit ans, le réalisateur n’ayant aucune idée de suite. L’histoire est reparue lorsqu’Anderson lu la premiere page de Beware of the Pity, de l’écrivain Stefan Sweig. Apres avoir parcouru d’autres oeuvres sur les moments noirs de l’Europe d’entre-deux guerres, le réalisateur a mixé l’histoire du début avec celles inspirées par Zweig et a combiné tout cela, en affirmant ne vouloir “jamais [se] censurer [soi]-meme”. C’est pourquoi le réalisateur n’hésite pas a inventer un pays, a mixer les guerres, les nationalités, les cultures… “Ce garcon (Zero) n’a pas de nationalité, ce qui est un fait très important surtout a l’époque; je ne sais même pas s’il est Arabe, Juif, ou un mélange des deux. […] J’ai donc pensé à inventer notre propre histoire, basée sur l’experience de ce que j’avais pu voir d’intéressant en lisant.”Anderson ne planifie rien. Il a laisse plusieurs inspirations mûrir parallèlement voire même le surprendre (la nouvelle de Stefan Zweig) jusqu’au moment qu’il pense propice, où ne faire qu’une de ces multiples inspirations deviendra un film. Il pioche ça et la, comme ça, au fil du temps, prend et reprend ses histoires en mariant celles qui selon lui feront le meilleur couple de l’année.

Les thèmes :

Les films d’Anderson se rassemblent autour de thèmes devenus récurrents: l’Homme hors de son temps, hors de son univers normal, et l’apologie d’un temps qui représente la Belle époque pour le réalisateur. D’après lui, il n’a jamais aucun thème fixe a l’esprit; “[…] j’ai l’impression que, si je réduis [le film] à un thème, une fois que j’écris la toute première phrase, ce ne sera pas bon. Je pense qu’il y a plus de potentiel a produire quelque chose d’intéressant si je n’ai pas forcé cette chose a être ce que j’ai decidé moi-même.” Ce travail autour de ces thèmes est constant, mais Anderson ne se force pas à le faire, et se refuse même à les identifier en les mélangeant. C’est simplement sa propre personne qui parle d’intérêts mis non pas vulgairement en commun pour créer un flm; on parle plus d’une idee d’harmonie entre les histoires, peu importe qu’elles aient un caractère réel ou imaginaire. Il faut voir representé sur la toile les intérêts multiples qui construisent le film. Et ils ne se focalisent pas seulement sur un sublime hôtel des années 30 ou son propriétaire, mais sur une avalanche de détails accumulés faconnant ainsi l’histoire ; le personnage qu’on pourrait croire secondaire de Zero : son role croît dès la reconnaissance de sa personne par M. Gustave. Autre détail: la mise en abîme sous-tendue, racontée par des flashbacks constants à l’auteur qui écrira plus tard l’histoire de The Grand Budapest Hotel et au Zero devenu vieux, l’amour entre Agatha et Zero, les blagues scabreuses de M. Gustave et le côté sombre des meurtres commis par Jopling, qui font penser aux heures sombres de la guerre. C’est d’ailleurs la premiere fois qu’Anderson insère tant de scènes sanglantes dans un de ses films.

Les éléments centraux du monde fantastique de W. Anderson :

Le romantisme également inséré est sous-jacent et se doit d’exister grâce à la collection de photos chromes, produite par the Library of Congress et détenue par Anderson depuis Rushmore, son premier film.
Les endroits ont été pris en photo entre 1895 et 1910. Anderson s’est déplacé sur le lieux des clichés pour s’inspirer de certains endroits et les reconstruire comme bon lui semble ensuite dans ses films. Il affirme que le monde n’est plus comme sur ce que ces clichés renvoient, ce pourquoi il préfère se plonger dans le passé et une certaine nostalgie de celui-ci. L’Histoire de cette période de temps, soit fin XIXe, début XXe, rend ses films légèrement plus réels, sans cela ils ne seraient que des fictions. C’est ici la subtilité que présente Wes Anderson, retrouvee dans The Grand Budapest Hotel.

On se réhabitue également avec plaisir à la manière bien particulière qu'a le Texan de ficeler ses films, que l’on peut tracer depuis Rushmore. Ses personnages, premièrement. Ils sont calculateurs, ambitieux, et ont une capacité a interragir entre eux qui relève très souvent d’une harmonie presque surhumaine, tellement ils parviennent au fil du film a se comprendre de manière parfaite. Cela transparaît très clairement dans The Grand Budapest Hotel ; la relation de M. Gustave (Ralph Fiennes) et du jeune Zero (Tony Revolori) est rythmée des le début par une session de mentoring – à travers leurs statuts patron /employé - muée très rapidement en une amitié paternelle. Ceci étant, leur comprehension l’un de l’autre se fait a travers les blagues a l’anglaise lancées toujours ironiquement par M.Gustave, et la franchise marrante avec laquelle y repond son Lobby Boy Zero. Ajoutons à cela les constants regards de va-et-vient entre eux, dans les moments clés du film ; la caméra se plaît sarcastiquement a suivre cela en spectateur d’un set de tennis comme pour signifier un temps d’arrêt a respecter afin de marquer un temps phare du scénario. Pour ce qui est du contexte historique et géographique, la manière de mettre en scène essentielle d’Anderson dévoile des pays imaginaires. On se rappelle du “faux” New York dans The Royal Tenenbaums, ainsi que le monde imaginaire dans lequel il prend place. Egalement The Life Aquatic with Steve Zissou, qui semble avoir ses propres créatures imaginaires. D’ailleurs, à la question de savoir ce qui amène Anderson à installer ces mondes dans ses films, il répond:“ […] Dans un sens, c’est surtout créer un monde pour travailler dedans. La vraie reponse réside dans le fait que j’aime ca. D’un côté, les personnages sont généralement inspirés des gens croisés dans la vraie vie, et qui ont fait quelque chose en relation avec mes propres expériences et intérêts. Cependant, j’ai l’impression que le dialogue et l’écriture du scénario finissent par ne jamais être très naturels, et ce n’est pas forcément par choix.

D’une certaine facon, j’ai l’impression qu’un monde propre a l’ecriture du film doit exister.”

Dans le plaisir de se reglisser confortablement dans l'univers rêveur d'Anderson, on compte enfin ses retrouvailles avec sa famille de cinéma. Roman Coppola au premier plan, en tant que co-scénariste pour la troisième fois (auparavant : Darjeeling Limited et Moonrise Kingdom), sans oublier les fameux guest, apparus tant comme personnages que co-scénaristes sur ses autres films : Jason Schartzman, Owen Wilson, Bill Murray, Adrian Brody, Tilda Swinton, et Edward Norton, rien que ca. Depuis qu’Anderson les a inclus dans ses films (tous plus ou moins depuis 1998 (Rushmore)), ces acteurs/ scénaristes ne sont pas loin d’etre devenus les personnages éternels du monde du réalisateur. On ne peut concevoir qu’aucun des personnes mentionnées ci-dessus n’apparaîssent pas dans The Grand Budapest Hotel : aucun film ne s’est fait sans eux, qu’ils soient dans les coulisses ou au premier plan. Anderson s’entoure donc encore une fois de sa famille de cinéma, en parvenant même à l’agrandir en signant le prometteur Tony Revolori.

Le Pitch :

Un certain M. Gustave, pimpant propriétaire d’un luxueux palace-hotel, et son futé “lobby boy”, le jeune indien immigré Zero, traversent tous deux une série d’epreuves durant la Seconde Guerre, entre l’Angleterre et l’Allemagne. Ils s’allient dans une course à la fortune opérée par l’excellent M.Gustave à travers son faux amour pour une vieille qui le fait hériter mais le mène… droit en prison.

Un tableau volé, un fils rageux, un meurtrier merveilleusement flippant joué par Willem Dafoe, et l’humour fulgurant du personnage de Ralph Fiennes à travers une periode folle de l’Histoire : tout concourt à un film épique.

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