Dix incontournables pour 2014/2015

Outre les spectacles cités dans notre gros plan et les panoramas lisibles par ailleurs, voici une dizaine de spectacles qui attisent notre curiosité ou réveillent de bons souvenirs. Bien plus, en tout cas, que les deux mastodontes avignonnais un peu fades qui passeront par là, au TNP, "Orlando" d'Olivier Py et "Le Prince de Hombourg" de Giorgio Barberio Corsetti.


Phèdre

Avec Les Serments indiscrets l'an dernier, Christophe Rauck présentait une version très personnelle, entre suavité et force, de la pièce méconnue de Marivaux. Il s'attaque maintenant au classique de Racine que tous les grands comédiens ont un jour joué dans leur vie, à commencer par Dominique Blanc sous la houlette de Patrice Chéreau. Dans ce casting-ci, on retrouvera la mythique Nada Strancar (dans le rôle de Oenone, nourrice de Phèdre), au milieu d'un décor agrègeant une nouvelle fois les apparats de l'époque Louis XIV à un univers moins propret, aux murs à nu voire lézardés. Rauck se garde de ripoliner les œuvres majeures pour mieux les révéler. Faisons-lui à nouveau confiance. Nadja Pobel

Du 8 au 17 octobre aux Célestins

 


Les Aiguilles et l'opium

Vingt après sa création, Robert Lepage revisite son spectacle hypnotique sur les flirts opiacés et cocaïnés de Jean Cocteau et Miles Davis avec une nouvelle scénographie (un cube en rotation) évoquant de manière limpide les affres de la création et des paradis artificiels. Comme toujours avec le Québécois, le spectacle, littéralement magique, reposera en grande part sur un jeu avec la machinerie théâtrale. À trop faire dans la démesure technique, Lepage a parfois perdu son discours (Jeux de carte – Piques et son plateau à 360°). Il a toutefois bien plus souvent épaté, comme avec Le Projet Andersen ou La Face cachée de la lune. Les Aiguilles et l'opium appartient à la deuxième catégorie. NP

Du 15 au 20 novembre aux Célestins

 


Please, Continue (Hamlet)

Hamlet, ici un jeune homme qui a tué le père de sa petite amie dans une banlieue, est appelé à s'expliquer au tribunal, trois ans après les faits, devant des juges et des psychiatres qui ne sont jamais les mêmes chaque soir. Et pour cause : ce sont de vrais professionnels qui, au gré des villes où le spectacle est présenté, composent avec des "témoins du drame" choisis parmi les spectateurs. Le Catalan Roger Bernat opte une fois de plus pour un travail complètement interactif. Nulle démagogie chez lui en effet, mais un réel questionnement sur la démocratie, déjà formulé l'an passé avec la simulation télécommandée Pediente de Voto et une variation sur le Sacre du Printemps où le public se muait en ballet.

Du 19 au 30 novembre au TNP

 

 

Bigre

Trois cabanons auréolés figurent autant de chambres de bonne, où trois personnages isolés évoluent dans le dénuement ou le fouillis. Leurs situations disent toutes la même chose : ils ne sont ni bien argentés ni vernis par la vie. Chacun s'occupe comme il peut. Jusqu'à ce que le burlesque prenne le dessus. Le concepteur Pierre Guillois attire les doux-dingues. Son texte Le Gros, la vache et le mainate avait ainsi été porté au plateau par l'inénarrable Bernard Menez. Y officiait déjà l'excellent comédien et chanteur lyrique Olivier Martin-Salvan, éblouissant l'an passé en Pantagruel au TNP et en homme-opéra à la Croix-Rousse avec Ô Carmen, et ici à l'affiche d'un spectacle muet qui s'annonce aussi drôle que rêveur. NP

Du 25 au 29 novembre au Théâtre de la Croix-Rousse

 

 

Hôtel Paradiso

C'est peu dire que le terme "poétique" est galvaudé, utilisé à tort et travers jusqu'à être vidé de son sens lorsqu'il est question d'arts vivants. Avec la Familie Flöz, collectif ouest-allemand formé à Essen, il retrouve son éclat, ses comédiens, coiffés d'un masque grotesquement humain, interprétant avec autant de finesse que de loufoquerie la banalité du quotidien comme leurs propres extravagances. L'an dernier, ils nous emmenaient avec Teatro Delusio dans les coulisses d'un théâtre. Cette fois, ils nous convient dans le hall d'un hôtel désuet où, pour ce que l'on a pu en voir, se fomentent rencontres, disputes, ambitions et renoncements. Avec infiniment d'humanité.

Le 1er décembre à l'Espace Albert Camus de Bron et le 6 mars à l'Allegro de Miribel

 

 

Les Nègres

Robert Wilson, pape d'un art visuel transposé à la scène internationalement reconnu depuis qu'il révolutionna le théâtre avec Le Regard du sourd en 1971 (une pièce lente et muette de 7h), est à nouveau de passage chez nous après avoir ouvert les Nuits de Fourvière cet été (avec Zinnias). Avec Les Nègres de Genet, Wilson compte, comme à son habitude, entremêler des genres pour lui indissociables, chorégraphier les déplacements de ses comédiens (tous noirs), jouer avec l'espace, le mouvement et la lumière. Cette version, créée prochainement au Festival d'automne de Paris, s'annonce donc visuellement très forte. De quoi servir un propos qui ne l'est pas moins, évocation fantasque du racisme ordinaire et du pouvoir du simulacre. NP

Du 9 au 18 janvier au TNP

 

 

Et pourquoi pas la Lune ?

Programmé en catimini à Givors en juin dernier, le seul-en-scène-avec-une-doublure de Cédric Marchal sera à l'affiche à deux reprises cette saison. D'abord au TNG (où il rendossera au passage le costume de craie de l'inoubliable Yaël Tautavel de Stéphane Jaubertie et Nino d'Introna), dans le cadre du festival Ré-Génération. Puis un mois plus tard au Polaris de Corbas, où l'attachante et volubile moitié du duo Oskar & Viktor entame une résidence de trois ans. L'occasion de redire tout le bien que l'on pense de cet hommage plein d'affection et d'acidité à l'univers fantasmatique du cabaret, où prouesses visuelles et bons mots s'enchaînent à la vitesse d'un défilé existentiel. Benjamin Mialot

Le 16 janvier au TNG et le 27 février au Polaris

 

 

Répétition

Répétition est un spectacle a priori effrayant : du théâtre qui parle du théâtre, où les acteurs, portant le même prénom qu'à la ville, endossent quasiment leurs propres rôles. Voici donc venir Denis (Podalydès), écrivain, Audrey (Bonnet) et Emmanuelle (Béart), comédiennes, ainsi que Stan (Nordey), metteur en scène, dans un texte écrit pour eux par Pascal Rambert. Le trio Bonet-Nordey-Rambert ayant signé récemment Clôture de l'amour, déchirante rupture conjugale qui ne nous a pas laissé indemnes, l'envie est toutefois grande de les retrouver. D'autant que dans l'intervalle Béart s'est montrée épatante dans la cour d'honneur du palais des Papes d'Avignon 2013, y sauvant même Par les villages, adapté par un certain… Stanislas Nordey. NP

Du 22 janvier au 1er février aux Célestins

 


La Grande et fabuleuse histoire du commerce

C'est une saison "sans". Sans Thomas Ostermeier et sans Joël Pommerat, qui enchantent habituellement nos soirées. Quoique pas tout à fait. Car Pommerat sera à Vienne avec cette pièce créée en 2011 à Béthune et présentée un an plus tard au TNP. Une pièce de commande, mais qui se révèle au final bien plus que cela : à partir d'une enquête sociologique de terrain sur le quotidien des VRP qui parcourent les routes de France, Pommerat a développé, tant formellement (des fondus au noir, un décor minimal mais extrêmement fort) que dans le propos (que reste-t-il de l'humain dans ce processus du commerce à tout crin ?), une de ces fables cruelles dont il a le secret. NP

Les 29 et 30 avril au Théâtre de Vienne

 

 

L'Odeur des planches

C'est un petit projet qui ne paye pas de mine. Un décor modeste, un texte en grande partie lu et une comédienne, star aussi incontestable que précieuse du cinéma français depuis ses débuts sous l'œil du génial Pialat dans À nos amours. Pour ses premiers pas sur une scène de théâtre (avant qu'elle ne foule celle de la Maison de la danse en mars avec Le Miroir de Jade), Sandrine Bonnaire s'est laissée porter par le metteur en scène Richard Brunel (directeur de la Comédie de Valence). Il donne à travers elle la parole à Samira Sedira, camarade de formation qui dit avec simplicité la difficulté  d'un métier d'actrice qui fait grandir les individus autant qu'il les broie. Émouvant et juste. NP

Le 9 mai à l'Atrium de Tassin


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Gemma Bovery