Le délégué général de Vues d'en Face, Jean Dorel, revient avec nous sur les particularités de cette édition. Propos recueillis par FC
Pour commencer un peu vigoureusement, j'ai l'impression qu'il y a désormais des films “inévitables“ dans les programmations de festival gay et lesbien : les docus identitaires, les comédies légères et érotisantes, les drames sur fond d'intolérance...
Jean Dorel : Il y a un fond de vérité mais je ne suis pas sûr que ce soit un mécanisme de “routine“... Par rapport à l'an dernier déjà, où l'on avait l'impression que tout allait mal pour les personnages gay et lesbien, la tonalité globale des films choisis est plus “heureuse“, il y a toujours des œuvres comme Électrochocs, mais les comédies sont plus nombreuses. Pour répondre à la question, j'ai plus le sentiment que ça relève d'une normalisation de cette fiction. Et on ne peut pas vraiment parler de routine parce que ces films restent relativement invisibles. Ils sortent directement en DVD ou vaguement en salles, et pour la grande majorité, s'ils n'étaient pas programmés dans les grands festivals français, ils ne seraient quasiment pas vus du tout.
Mais justement, est-ce que cette visibilité donnée par les festivals ne crée pas une sorte de cercle vicieux, où ces films ne seraient destinés à n'être vu que dans le cadre de manifestations ponctuelles, et du coup se retrouveraient paradoxalement “ghettoïsés“ ?
Je vois ce que tu veux dire, mais pour moi cet argument n'est pas valable parce que je continue à penser que parmi ces films, il y en a qui méritent d'être vu par le plus grand nombre, et “malheureusement“ le festival reste la seule solution. Je pense que le cinéma gay et lesbien subit le même problème que le cinéma asiatique : quand il y aura de vraies distributions pour ces films-là, la question de la pertinence des festivals se posera mais pour l'instant ce n'est pas vraiment le cas. Et pour finir, je suis contre le principe de centrer l'événement sur le seul “public homosexuel“, je le répète, le festival est vraiment ouvert à tout le monde.
Dans le cinéma plus “grand public”, les personnages homosexuels sont toujours stéréotypés...
Oui, maintenant le personnage homo “type“, c'est une déclinaison de Stanford dans Sex and The City. C'est la solution de facilité, il faut surtout que le personnage soit asexué... On essaie de ne pas tenir compte des clichés perpétués par le cinéma hollywoodien. Nos films peuvent verser dans le dolorisme, mais ça reste un festival, ça ne doit pas devenir un colloque sur l'homosexualité. On tente de montrer des personnages autant en affect amoureux, avec des relations sexuelles, que dans n'importe quel autre film du genre. Je trouve que cette année on a réussi.