Son dernier album, "Libido", est passé scandaleusement inaperçu ; c'est pourtant un de ses meilleurs, et il l'est encore plus quand Brigitte Fontaine l'interprète, avec ses anciens morceaux, sur scène, loin des clichés sur son compte, juste libre et habitée. CC
On a tout dit de Brigitte Fontaine, depuis ses deux come-backs, le premier artiistique avec Genre Humain, le second commercial grâce à Kékéland. On a beaucoup parlé de sa personnalité, son côté freak médiatique, avec lequel elle a d'ailleurs beaucoup joué, comme on joue avec le feu. On a tout dit, mais on a fini par oublier de parler de sa musique. Ainsi, après le décevant car un peu trop prévisible Saint-Louis-en-L'île, Fontaine a sorti un de ses plus beaux disques, Libido. Celui où les textes s'envolent dans des volutes poétiques jusqu'ici rarement atteintes ; celui où la voix, cassée et fragile, de Brigitte Fontaine, s'épanouit avec une grâce inattendue. Ce besoin de chanter, on le retrouve sur scène dans ses concerts récents. Car on a pu aussi, hommes de peu de foi, douter des capacités de Fontaine à tenir un concert, emportée par son caractère fantasque et aussi par une certaine fragilité physique. Eh bien, il ne faut pas deux morceaux et à peine dix minutes pour nous prouver le contraire : s'il y a de l'émotion dans un concert de Brigitte Fontaine, c'est celle que l'on ressent face à une artiste majeure de la chanson française, qui paraît au sommet de son art, dans une sidérante maîtrise de son répertoire qu'elle peut ainsi revisiter, ou simplement habiter (ce qui est encore plus fascinant).
Alcool fort
Car les trente ans de carrière de Brigitte Fontaine forment une collection de tubes mutants, improbables et pourtant inoubliables, un véritable patrimoine musical dont elle et son compagnon Areski Belkacem font en concert une vivante et brillante relecture. Comme possédée par les démons qui hantent ses chansons, Fontaine les interprète sur un fil invisible, jouant avec beaucoup de talent sur la crainte du spectateur de la voir tomber, emportant le morceau quand elle exécute une danse presque tribale pour ponctuer un solo, ou encore quand elle se prend à envoyer un «Salut Bertrand» tonitruant à la fin du morceau que Cantat lui avait écrit pour Kékéland. Ou enfin cette magnifique reprise de C'est normal, la très engagée et prophétique chanson qu'elle interprète en duo avec Areski, où leur dialogue traduit une complicité indéfectible. Comme un alcool fort, un concert de Brigitte Fontaine ça brûle et ça réchauffe, ça grise et ça étourdit. Et au bout du compte, on en redemande !
Brigitte Fontaine
Mar 22 Juillet, aux Rencontres Brel, Saint-Pierre de Chartreuse (Isère)