Les Barbarins Fourchus fêtent ce week-end l'inauguration de la Salle Noire, clôturant ainsi le feuilleton à rebondissements des négociations de leur départ du Théâtre 145. Sur place, on a rencontré Delfino, voix et âme barbarine. Propos recueillis par François Cau
Petit Bulletin : Vos longues discussions avec la municipalité ont finalement abouti...
Delfino : En fait, je ne sais toujours pas si c'est signé. Le deal, c'est qu'on va être gestionnaire pour trois ans de cette salle qui devient notre outil de travail, qu'on va essayer de rendre vivant en accueillant d'autres compagnies. Mais après, on a très peu de moyens, on ne peut plus mettre de techniciens à disposition. On va revenir à nos créations, et à des propositions qu'on faisait plus à nos débuts, des apéros-concerts, des petits cabarets, on poursuit aussi nos partenariats avec le festival de la Marionnette, ça se met en place doucement.
Et qu'en est-il des ateliers que vous aviez développés dans le quartier ?
Ça continue, c'est justement pour ça qu'on voulait rester dans ce coin. Pendant dix piges, on s'est efforcés d'ouvrir ce Théâtre 145 sur l'extérieur, de le rendre vivant et pas seulement quand il y avait un spectacle. Il faut qu'on fasse vivre ce nouveau lieu. On n'est pas loin, on a fait 200 mètres. On se retrouve dans un quartier... on pourrait être à Lille, ce sont les mêmes bâtiments, les mêmes bétonneurs, les mêmes architectes. Mais depuis qu'on est là, on laisse la porte ouverte, les gens rentrent, demande ce que c'est...
Vous vous retrouvez au cœur d'une ambiance qui n'est pas forcément la vôtre...
C'est clair que je me sens plus à l'aise de l'autre côté de la rue Ampère. Là, ce sont des paysages uniformisés qu'on nous impose partout, on se fait déposséder. Et donc quelque part, c'est bien qu'on soit là, une espèce de rafiot pirate au beau milieu du paquebot. On occupe le terrain mais sans prétention, avec notre savoir-faire. On est toujours heureux de passer du temps avec les gens, avec les spectacles. Depuis nos débuts, c'est notre façon de fonctionner, on a toujours plus ou moins occupé des lieux qu'on partageait avec le public. Mais cette négociation qui s'est étalée sur plus de deux ans a été lourde, pesante.
Comment s'est déroulé le dernier round ?
Personnellement, je n'y étais pas, heureusement il y avait des gens comme notre administrateur ou notre président pour rester « en position de dialogue ». Il y a eu beaucoup de discussions, de réunions, de mails, de machins, je ne suis pas dans ce monde-là, je suis du siècle passé où quand on dit un truc, on le fait. Je n'ai toujours pas compris le fait qu'on reconnaisse la valeur du travail qu'on a mené, mais qu'on ait tout de même dû partir. On l'a un peu mauvaise quand on passe devant le 145 de voir le lieu presque tout le temps fermé, qu'il n'y ait même pas de vitrine ; mais c'est trop tôt pour juger quoi que ce soit, puis c'est pas à nous de le faire. Notre credo reste d'occuper et faire vivre des lieux, de préserver une certaine humanité. On se bat pour notre réalité d'actes.