de Arab & Tarzan Abu Nasser (Pal./Fr./Qat., 1h23) avec Hiam Abbass, Maisa Abd Elhadi, Manal Awad...
À quoi reconnaît-on un “bon” film de guerre ? Certainement pas au volume de ses reconstitutions méthodiques de combats, ni au réalisme hurlant de ses scènes d'étripages ; plutôt à la manière dont il donne à partager l'atmosphère pesante d'un conflit – cette oppression qui s'exerce par contamination directe sur les civils, et pollue leur existence comme une maladie collective en s'insinuant dans tous les interstices de leur quotidien.
Dégradé est un “bon” film de guerre parce qu'il se joue dans le huis clos d'un salon de coiffure, autrement dit un lieu anodin cultivant une image de frivolité, de superficialité, où les clientes incarnent une forme de résistance face à l'absurdité du contexte gazaoui. Parce qu'il nous montre comment chacune tente de surmonter la menace chronique, de s'accommoder des privations, de répondre de manière pragmatique à la logique de mort ambiante.
Dégradé ne rend pas extraordinaires des situations qui le sont pourtant toutes (y compris la présence d'un lion domestique dans la rue !), parvient à représenter la proximité menaçante du front de manière ultra-réaliste... tout en s'abstenant de le filmer. Il y a autant d'intelligence dans la réalisation que d'éthique dans l'approche des frères Nasser, plus intéressés par le ressenti des victimes collatérales que par les incompréhensibles revendications des factions rivales s'entretuant avec obstinations. Pour eux, les conséquences d'une bombe ayant plus d'impact que la bombe elle-même, il est plus judicieux de s'attacher à celles et ceux qui craignent de la recevoir plutôt qu'à la soldatesque qui la lance.
Formidable creuset, Dégradé réunit un ensemble de comédiennes brillantes portant des voix dissonantes mais représentatives d'une société qui, pourtant, les écoute rarement.