Au faîte d'une carrière entamée à 64 ans par la grâce d'une belle rencontre avec un musicien lyonnais, le chanteur indien Slow Joe s'est éteint le 1er mai dans sa huitième décennie. Son groupe, The Ginger Accident, rend ce vendredi à Herbeys un concert hommage à ce grand petit homme et grand chanteur tout court, attachant autant qu'énigmatique, qui manquera beaucoup à ceux qui l'ont croisé, vu et surtout écouté chanter.
Joseph Manuel Rocha, c'est le paradoxe de mille vies indiennes (entre petits boulots et addictions, Bombay et Goa) terminées en France, d'une vie entière passée à chanter mais d'une carrière débutée à 64 ans. Soit quand le musicien Cédric de La Chapelle a repéré ce vieil homme à la voix de crooner sur une plage de Goa et décidé de l'emmener dans ses bagages, donnant par là-même naissance à Slow Joe (le surnom de Joseph) & the Ginger Accident. Concerts en pagaille, important buzz médiatique porté par cette belle histoire et, surtout, succès inattendu comme résultat de cet accident musical (un groupe de rock percute un crooner, un peu punk) qui accouchera aussi de deux albums, Sunny Side Up et Lost for love – le troisième était, selon Cédric de la Chapelle, en cours de finalisation.
Naturellement, comme on change de rue (quelques péripéties en plus), Joe est venu s'installer à Lyon pour de bon avec ses nouveaux camarades, pour faire carrière donc, et s'est fondu dans le décor. Au point que voir ou avoir vu Slow Joe sur scène, l'avoir écouté sur disque, délivrer le feu de rock et de soul qui sommeillait en lui depuis toujours, puis le croiser, petit monsieur tout le monde vivant sa petite vie dans le 1er arrondissement lyonnais, avait quelque chose de surnaturel.
Énigme
Où donc pouvait bien se nicher le crooner dans cet homme de plus de 70 ans marchant sur le trottoir ou attablé dans son café préféré ? L'énigme n'est pas anodine. Sa réponse se trouve simplement dans la voix et le rapport à la musique de l'intéressé. Sur scène ou sur disque, il se métamorphosait parce qu'il délivrait la vérité de qui chante depuis l'âge de 5 ans, parce que c'est vital peu importe que ce soit sur une plage de Goa, dans les bars de Bombay, ou aux Transmusicales...
Donnant tout, ne faisant jamais semblant, pourquoi aurait-il dû, dès lors, une fois hors de scène, prétendre y être encore ou prétendre être un autre. « La gloire disait-il, c'est davantage de personnes pour vous casser les c... ». On n'obligeait jamais Joe à faire une chose dont il n'avait pas envie – il nous l'avait confié un jour, et il ne plaisantait pas. On ne l'obligeait surtout pas à annuler un concert s'il donnait des signes de fatigue.
La mort donnera peut-être l'illusion de cette grande annulation. Mais ayant chanté tout l'été et même l'hiver de sa vie, ce n'est pas maintenant qu'il a toute l'éternité devant lui que Joseph Manuel Rocha aka Slow Joe va, où qu'il se trouve, vas'arrêter de le faire. Surtout pas dans nos souvenirs.
Hommage à Slow Joe avec le groupe Ginger Accident
À la Maison pour tous d'Herbeys vendredi 20 mai à 20h30