Une jeune femme arpente les rues de Budapest à la recherche de son frère révolutionnaire, alors que le vent de 1914 se lève. Après "Le Fils de Saul", László Nemes imagine ce qui pourrait en constituer le prologue à l'aube du XXe siècle...
Budapest, 1913. Irisz se présente dans le luxueux magasin de chapeaux jadis tenu par ses parents pour trouver un travail. Après un refus, et malgré l'hostilité ambiante, le nouveau propriétaire l'embauche. Irisz découvre alors que son frère qu'elle croyait mort l'a précédée et a causé un scandale...
Format large (1.85:1 contre 1.37:1), mouvements fluides et lents, ambiance de roman d'apprentissage... Sunset se déploie en apparence aux antipodes stylistiques et narratifs du Fils de Saul (2015), premier long-métrage du réalisateur hongrois László Nemes. Mais on le sait, les apparences sont faites pour qu'on s'en défie et la première demi-heure écoulée, les divergences pèseront moins lourd que les similitudes frappantes entre les deux films dont le dernier plan, au cœur des tranchées de 14-18, achève de convaincre que le cinéaste a – consciemment ou non – signé un diptyque abstrait.
Abstrait, car la continuité se révèle historique plus que narrative entre les deux volets, le second faisant office de prolégomènes au premier : c'est la déliquescence de l'Ancien Monde et l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand qui ont précipité l'Europe dans la Première Guerre mondiale, dont les cicatrices suppurantes accouchèrent de la Seconde et de l'horreur des camps.
Retiens (au loin) la nuit
Ainsi Sunset va-t-il du crépuscule au sépulcre, porté par une héroïne animée (comme Saul) d'une quête familiale, oubliant sa sidération passive de témoin pour prendre part aux événements agitant les rues qu'elle arpente, dans la violence et les flambeaux des nuits insurrectionnelles.
Si Nemes dirige quelques séquences hallucinantes rendant compte de l'état d'inconséquence de la vieille monarchie austro-hongroise, puant la décadence et la fin de règne (on n'est plus chez Sissi), il semble parfois oublier que tout le monde n'est pas spécialiste des courants anarchistes et/ou protestataires du Budapest de 1913. En découle une vague confusion qui, malgré tout, sert le propos : Irisz (qu'interprète Juli Jakab, cette stoïque fausse-jumelle hongroise d'Emma Watson) est aussi perdue que les spectateurs. Mais surtout la conviction que la nuit ne tombe jamais sans se faire annoncer. À bon entendeur...
Sunset
de László Nemes (Hon, 2h21) avec Juli Jakab, Vlad Ivanov, Evelin Dobos...