Événement / Dans le cadre de l'événement pluridisciplinaire Paysage > Paysages piloté par le Département de l'Isère, l'artiste Abraham Poincheval campera au sommet d'un mât de 20 mètres posé dans le parc du Domaine de Vizille ; et ce 24 heures sur 24 pendant une semaine. Une performance baptisée "La Vigie" dont nous avons causé en amont avec ce personnage haut perché.
Voilà qu'Abraham Poincheval recommence. Par ses expériences, "l'homme à la pierre", surnommé ainsi après s'être enfermé dans un rocher lors de son exposition au Palais de Tokyo (Paris), interroge notre rapport au monde et à la nature. En témoignent son épopée dans une bouteille géante pour remonter le Rhône, sa semaine en immersion dans la peau d'un ours ou ses quelques jours mi-debout, mi-assis, dans une statue au sud de la Haute-Garonne. Et si souvent cela se formalise par l'enfermement, le performeur a privilégié, avec La Vigie, une forme artistique plus aérienne...
Vous avez fait un projet dans un rocher, un autre dans une statue... La Vigie, performance que vous réaliserez à Vizille (après l'avoir menée dans plusieurs villes), est différente dans la forme...
Abraham Poincheval : La Vigie est aussi une forme d'enfermement, mais dans le vide. J'avais envie de faire du paysage ma maison et c'est le cas ici. Car du haut de ce tube de 20 mètres, je découvre de quoi est fait le monde ; c'est ce que je recherche dans toutes mes expériences. Là-haut, je suis sur une petite plateforme d'1 mètre 60 sur 80 centimètres sur laquelle on ne peut faire que peu de choses, ce qui me permet d'être attentif aux évolutions des espèces, comme les oiseaux.
J'aime d'ailleurs l'idée que cette construction humaine soit présentée dans un endroit naturel, comme ce sera le cas à Vizille. L'historique du lieu, le fait que ma création fasse un aller-retour avec le musée et les différentes expositions, ajoutent encore plus d'intérêt à la chose.
Avez-vous suivi un entraînement physique avant d'entamer cette performance ?
Au vu des pièces que j'ai faites avant celle-ci, je suis déjà bien entraîné ! De toute façon, je ne recherche pas tant le défi physique. À la différence de la puissance d'un smash au tennis, c'est une performance réduite à sa plus simple expression. Elle demande d'être dans un flux plus ralenti, plus constant. Entre le lièvre et la tortue, moi je suis la tortue !
Et un entraînement psychologique ?
Oui, il faut se préparer car les codes ne sont pas les mêmes là-haut. Se préparer à être entre la méditation et la présence au monde. Je serai à hauteur des plus grands arbres du parc, donc des oiseaux, alors parfois on ne voit plus les passants parce que l'on est occupé par le paysage. Or, il faut avoir une attention toute particulière sur ce que l'on fait. Au moment de dormir par exemple, on n'est pas vraiment endormi mais en semi-veille...
Comment allez-vous satisfaire vos besoins vitaux ?
Avant de partir, on met en place une organisation pour que ce soit viable. Tout est embarqué là-haut : l'eau, la nourriture... Tout est ensuite compartimenté, l'espace pour l'urine aussi. Il faut avoir en tête que c'est comme un séjour en bateau et qu'il n'y a rien autour.
Vous expliquez vous être inspiré d'un ermite pour cette expérience...
Dans la plupart de mes pièces, il y a toujours une attache à l'histoire des ermites, ces personnes qui se retiraient du monde, ou plutôt qui s'y mettaient différemment. Cette fois, j'ai pris exemple sur Siméon le Vieux [392-459], un moine de Syrie qui s'était retiré sur sa colonne. Les gens venaient le voir pour discuter des aléas du monde.
Comptez-vous être, comme lui, en interaction avec les spectateurs ?
À 20 mètres de hauteur, je serai en contact avec les gens plutôt par les gestes que par la parole ! Je n'ai pas particulièrement pour but de susciter une question précise, mais plutôt l'envie de leur offrir un espace vacant, un espace où ils peuvent projeter ce qu'ils souhaitent.
La Vigie
Dans le Parc du Domaine de Vizille du jeudi 6 juin mercredi 12 juin