Cinema / Pâques aux tisons, Noël au balcon... des cinés. Grâce à Valérie Donzelli, la cathédrale de Paris revit à l'écran, personnage secondaire d'une délicieuse fantaisie sentimentale, burlesque et fantastique. Où il est aussi question de la place des femmes au travail et en amour...
Architecte tyrannisée par son patron, maman séparée d'un ex un brin crampon, Maud Crayon mène plusieurs vies complexes en une. Et voici que par un étrange coup du sort, elle remporte sans avoir concouru le réaménagement de Notre-Dame et se retrouve enceinte. Alléluia ?
Les méchantes gens et autres mauvaises langues trouveront une corrélation entre la non-présence de Jérémie Elkaïm au générique et la réussite du 5e long métrage de Valérie Donzelli ; bornons-nous à pointer cet amusant détail, sans en tirer de perfides conclusions. Charmant bijou de joliesse, Notre dame est une irrésistible comédie sentimentale, sérieusement drôle et drôlement sérieuse, s'accommodant d'une once de magie : le fameux "réalisme magique" tant prisé par les romanciers de Garciá Márquez à Murakami, qui n'est rien d'autre qu'un habit poétique ou métaphorique du fatum à l'intérieur d'une fiction.
On croit rêver
Au reste, la singularité surnaturelle n'en est plus une dès lors que l'on considère Notre dame, dans son ensemble, comme une extrapolation de notre monde passé à travers la moulinette d'un rêve cauchemardant ; d'un de ces songes troublants qui déforment, recombinent, réagencent dans un désordre surréaliste les séquences de la journée écoulée. Ce que l'on redoute y est amplifié, ce que l'on espère s'y trouve dévoyé ; et l'inattendu y affiche rarement un visage avenant. Ainsi le Paris de Notre dame est-il submergé par une pluie sans fin, les passants s'y décochent gratuitement des claques, Maud (toujours vêtue à l'identique) tombe enceinte sans le vouloir d'un autre homme que celui dont elle s'éprend. La dimension onirique est bien involontairement renforcée par les images de la cathédrale parisienne, intacte avant les flammes, faisant ici office de toile de fond ainsi que de décor pour quelques séquences éthérées. Quel paradoxe ironique de constater que l'édifice séculaire, symbole parisien d'éternité donné pour certitude, ne possède plus qu'une intégrité virtuelle, en particulier grâce à ce film !
Derrière le conte de fées moderne et la comédie burlesque avec ses personnages foldingues évoquant l'univers de Dupontel (la maire de Paris allumée, l'avocate bigleuse et brouillonne, le patron voyou etc.) ou le Rohmer sous LSD (la sœur gynéco, l'ex pot-de-colle et le nouveau jules), Valérie Donzelli illustre à travers son héroïne le concept de charge mentale. Même si Maud n'est plus officiellement en couple, elle combine au quotidien les désagréments domestiques d'une mère célibataire broyée par un boulot prenant et une vie amoureuse catégorie "c'est compliqué". À la vérité, Notre dame est une matriochka ; idéal comme cadeau de Noël.
Notre dame
De Valérie Donzelli (Fr.-Bel., 1h30) avec Valérie Donzelli, Pierre Deladonchamps, Thomas Scimeca...