Ce n'est pas vraiment une exposition qui va de Picasso à Warhol, ni même qui présente dix ans d'acquisitions. Pourtant, "De Picasso à Warhol, une décennie d'acquisitions" illustre toute l'ambition du Musée de Grenoble qui dévoile ainsi les œuvres rentrées dans ses collections depuis 12 ans, de l'art ancien au contemporain, pour un parcours qui raconte un bout de l'histoire artistique. Charline Corubolo
Il y a un côté racoleur dans le titre de la nouvelle exposition du Musée de Grenoble, mais c'est à bon escient. De Picasso à Warhol retrace une dizaine d'années d'acquisitions de l'établissement couvrant une période vaste allant de l'art ancien au XXIe siècle avec pas moins de 150 œuvres. Mais l'intitulé illustre surtout, à travers la figure du cubisme incarnée par Picasso et celle du pop art par Warhol, l'ambition du musée : constituer des collections riches et variées de qualité, au service de l'histoire de l'art.
L'exposition, suivant un parcours chronologique dans l'espace temporaire, débute en réalité dans les salles permanentes avec des toiles d'art ancien, dont la pertinence se renforce au contact des autres artistes de l'époque. De Francesco Guarino à Gioacchino Assereto (peintres italiens du XVIIe siècle) en passant par le Français Ary Scheffer pour une ouverture sur le XIXe siècle, une dizaine de pièces environ s'expose pour écrire l'ADN de la peinture.
À la fois ludique et pertinente, la déambulation raconte les divers sujets de prédilection alors en vogue à l'époque : vision biblique, scène de genre, témoin du siècle des Lumières. De toile en toile s'esquissent également les grands mouvements picturaux qui ont marqué l'histoire avec notamment l'influence considérable du peintre italien Le Caravage. Une plongée au cœur de la peinture qui se prolonge dans l"espace d'exposition temporaire avec une entrée en matière somptueuse.
Merveilles de 1900
La première salle, présentant des œuvres du début du XXe siècle, manifeste déjà d'une exploration plastique qui s'élargit tant au niveau du support, avec toujours de la peinture mais aussi du collage, que sur les questions de représentation des sujets et modèles choisis.
Le premier espace temporaire met la lumière sur les modernes avec une étude préparatoire et une peinture de nature morte de Pierre Bonnard, un nu féminin troublant et novateur de Charles Camoin, une encre de Chine de Francis Picabia plus connu pour sa Parade amoureuse et ses affiches publicitaires, et enfin un collage cubiste épinglé de Pablo Picasso intitulé Verre (1914) acquis en 2012. Au-delà de la démonstration d'une politique d'acquisition intelligente, devenant le miroir historique des mouvances artistiques, la présentation révèle des pièces majeures dont le sens esthétique remet en cause l'essence même de l'art et de ses acquis. Bien que simpliste dans sa réalisation, le collage de Picasso amorce ainsi de nouvelles perspectives en faisant rentrer des matériaux dans l'œuvre.
Des fondamentaux qui n'ont alors pas cessé de se réinventer, comme le démontre la suite du parcours avec des artistes d'après-guerre comme Antonin Artaud qui dévoile un trait habité dans le portrait de Marcel Bisiaux (1947) ou encore Gaston Chaissac qui ouvre, au début des années 1960, une voie pour l'art brut. De nouvelles orientations de création qui annoncent un renouveau encore plus important pour l'histoire de l'art, une rupture qui survient en réalité peu avant 1970 avec l'explosion des médiums et fait basculer l'art moderne dans son versant contemporain.
Contemporain, mon amour
Un versant largement représenté dans cette exposition car très présent dans les collections du musée. L'ouverture se fait très logiquement avec le pop art, considéré comme le ciment de l'art dit contemporain, et cela ne pouvait se faire sans la figure emblématique du mouvement que fut Andy Warhol. Sa toile Jackie (1964) représente un moment clé entre icône populaire et histoire dramatique : un portrait de Jackie Kennedy quelques heures avant l'assassinat du président.
Les pièces suivantes defilent au rythme des différentes mouvances plastiques, de l'art minimal à l'expressionnisme allemand en passant par la photographie ou encore le retour de la peinture en tant que questionnement sur l'image. Certaines pièces sont entièrement dédiées à un artiste en particulier comme Thomas Schütte ou encore Giuseppe Penone, dont les monographies ont marqué le musée.
Dans sa quête d'exhaustivité des diverses formes contemporaines, l'exposition présente également un film de Bruce Nauman, figure marquante de l'art vidéo. Mais la visite dépasse le cadre formel du panorama historique de l'art pour mener l'esprit vers des émotions nouvelles ou l'amener à les revivre. Le Musée de Grenoble propose ainsi une véritable déambulation au cœur de la création pour les passionnés comme les néophytes, chaque pièce étant accompagnée d'un cartel explicatif sur l'intention de l'artiste mais aussi le but de cette acquisition.
De Picasso à Warhol - Une décennie d'acquisitions, jusqu'au lundi 31 août, au Musée de Grenoble