Jeudi 9 septembre 2021 De Tania Dutel à Pablo Mira en passant par Paul Mirabel ou Bérangère Krief, tour d'horizon de l'actualité humoristique de la rentrée.
Portrait / Que ce soit sur scène ou au cinéma, Suzanne de Baecque irradie de sa présence singulière et marquante avec un naturel désarmant. Portrait d’une jeune grande actrice avant sa venue à Lyon, au théâtre des Célestins, avec "Tenir debout", savoureux spectacle qu’elle a écrit sur l’univers des miss.
Une secrétaire médicale surmenée (dans le film Iris et les hommes de Caroline Vignal, aux côtés de Laure Calamy), une future mariée complétement perdue (dans le spectacle Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche par Alain Françon, aux côtés de Vincent Dedienne), la fille de Louis XV et tante de Louis XVI (dans le film Jeanne du Barry de et avec Maïwenn)… Depuis quelques années, Suzanne de Baecque, 28 ans, en impose naturellement autant au théâtre qu’au cinéma, et ce même derrière des stars. « Elle est arrivée à insuffler dans finalement pas grand-chose – car son personnage n’a pas de punchline ou d’action spectaculaire – une présence marquante » détaille Caroline Vignal. La réalisatrice d’Iris et les hommes (en salle depuis début janvier) a ainsi réécrit le rôle de l’assistante de Laure Calamy pour la jeune comédienne après l’avoir découverte sur scène. « J’ai flashé sur elle. Je l’ai trouvée à la fois étrange et poétique ; elle sortait complétement du lot. »
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Car quand Suzanne de Baecque débarque sur un plateau, elle l’habite, qu’importe la taille de sa partition. « Son rôle, c’était un piège sur pattes. Elle devait avoir quatre répliques dont trois fois simplement "papa". Et elle en a fait quelque chose d'inoubliable et de fondamental. C’est vraiment le talent d'une grande actrice » s’enthousiasme Vincent Dedienne. Pendant trois mois cet automne à Paris, le comédien a partagé la scène avec elle dans Un chapeau de paille d’Italie d’Alain Françon.
Dans la peau d’une jeune femme censée épouser un homme plus occupé par l’idée de retrouver un couvre-chef que par celle de se marier, Suzanne de Baecque injectait du comique rien qu’avec son corps expressif, son visage défait, son attitude paumée… Un talent décalé qu’a également constaté Caroline Vignal sur le tournage d’Iris et les hommes. « Physiquement, elle a quelque chose de singulier, elle est marrante à filmer. Avec ses très grands bras et ses très grandes jambes, elle semble assez maladroite, juvénile, dégingandée, ce qui peut faire un peu oublier qu’en fait, c’est une bombe ! »
Meilleure espoir
Quand on l’interroge au téléphone (elle est en pleine tournée), Suzanne de Baecque remonte le temps pour expliquer cette approche qui la distingue du tout-venant, que ce soit dans le drame ou, surtout, l’humour. « Adolescente, j’étais super complexée. Mais quand je faisais du théâtre, je me libérais et j’exacerbais en quelque sorte cette différence, cette singularité. La différence sur un plateau, c’est une force. » Quitte à désarçonner celles et ceux qui l’entourent, à l’image d’une camarade de cours de théâtre qui, un jour, lui lance qu’elle parle « comme une gogole ». « Je l’ai bien pris parce que, pour elle, c’était un truc positif : tu parles de manière marrante » se souvient-elle.
Née à Paris en 1995, Suzanne de Baecque est la fille d’un père critique de cinéma (notamment aux Cahiers du cinéma) et universitaire et d’une mère prof de lettres. De quoi développer très tôt une appétence pour l’art. Plus jeune, comme beaucoup d’enfants, elle se produit devant ses proches dans des saynètes de son cru. L’idée germe progressivement en elle de devenir actrice. Au lycée, elle fait option théâtre, puis s’inscrit en fac de théâtre et cinéma. Ceci manque cependant de concret à ses (grands) yeux. Elle rentre alors au Cours Florent et tente les concours de prestigieuses écoles de théâtre françaises. Après plusieurs échecs et pas mal de doutes, elle est admise en 2018 à l’École du Nord de Lille où elle va faire une rencontre déterminante pour la suite de sa jeune carrière.
C’est le metteur en scène (et immense nom du théâtre français) Alain Françon qui la remarque — il était le parrain de sa promotion. Il lui propose, une fois son diplôme en poche, d’être sa Lisette dans La Seconde Surprise de l'amour de Marivaux qu’il s’apprête à monter. « La rencontre avec Alain a été déterminante pour moi. » C’est son acte de naissance artistique, la pièce qui lui permet d’être remarquée par ses pairs (elle est nommée en 2022 au Molière de révélation féminine), par la presse (elle obtient la même année le prix de la révélation théâtrale du Syndicat de la Critique) et par le public tant, là encore, sa présence par moments burlesque est marquante dans le rôle de la suivante d’une marquise au cœur brisé.
Miss Poitou-Charentes
C’est également pendant ses études à Lille qu’elle lance une aventure personnelle qui l’amène aujourd’hui à tourner partout en France : la création Tenir debout. Lors d'un cours, une intervenante demande aux élèves de partir de l’école pendant un mois à la découverte d’un autre univers, advienne que pourra. Suzanne de Baecque se souvient à ce moment d’une vieille réflexion de son beau-père qui, alors qu’elle était dans la Vienne chez sa mère, lui dit sur le ton de la blague qu’elle n’aura qu’à tenter le concours de Miss Poitou si elle rate ceux des écoles de théâtre. Pourquoi pas finalement.
« Au départ, c’était plus une immersion qu’un spectacle. J’avais envie de me plonger dans le concours de Miss Poitou-Charentes sans savoir ce que j’allais y trouver. En avançant dans la compétition, je me suis rendu compte que ce qui m’intéressait, c’était les autres candidates. Au fur et à mesure de nos discussions, ce sont leurs paroles qui ont donné la matière du résultat. »
Retravaillé après sa sortie de l’école, Tenir debout est un spectacle sincère, drôle et plein de tendresse envers les jeunes candidates. « Je ne voulais pas d’une parole surplombante. C’est pour ça que j’ai passé le concours – j’ai été recalée à la troisième étape – : pour que tous les regards soient horizontaux, qu’on ait fait la même expérience, qu’on ait été dans le même bateau. » Et un spectacle, interprété avec la comédienne Raphaëlle Rousseau, « politiquement et intimement important » pour elle, avec ses accents féministes revendiqués.
Actrice
Aujourd’hui, tout sourit à Suzanne de Baecque dont, à l’avenir, on risque de souvent voir la « drôle de bouille » (dixit Vincent Dedienne) au théâtre et au cinéma – « et j’espère dans des premiers rôles » (toujours Vincent Dedienne). Prochainement (la date de sortie n’a pas encore été communiquée), elle sera à l’affiche du film Le Roman de Jim des frères Larrieu, dans un second rôle. Et plusieurs projets théâtraux s’annoncent, sur lesquels elle a préféré ne pas s’avancer — la superstition sans doute, elle qui révèle être très émotive.
Des projets dans lesquels elle sera encore aux commandes ? Hésitation… « Je pense qu’au fond de moi je serai toujours actrice. C’est un spectacle d’acteur Tenir debout, je n’ai pas d’autres grandes prétentions de mise en scène. » Mais d’immenses envies, ça oui. Tout en conservant ce naturel qui lui va si bien, et cette posture presque en retrait loin de l’exploit qu’on lui prête dans le titre de cet article.
« C’est important aujourd’hui, je trouve, que ce soit en tant qu’actrice ou que femme dans la vie de tous les jours, de ne pas forcément être exceptionnelle, forte, la femme aux superpouvoirs ou la jeune fille parfaite, mais d’être simplement comme on est. J’espère le rester encore longtemps ! »
13 juillet 1995 : naissance à Paris
2018-2021 : étudie à l’École du Nord (Lille)
2021 : La Seconde Surprise de l'amour, par Alain Françon
2022 : Tenir debout
2023 : Jeanne du Barry de Maïwenn et Iris et les hommes de Caroline Vignal
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