Partis de campagne

Connaissez-vous Second Life, l’un des jeux en réseau les plus utilisé et sous-exploité en ce moment ? Si oui, sautez le premier paragraphe. Vous savez que quatre partis politiques français y ont déjà élu résidence ? Partagez donc cette immersion dans un monde où la virtualité politicienne n’est pas qu’un concept mais une réalité. FC

Rapide récap’ historique. Après une version test baptisée LindenWorld (du nom du labo géniteur), le jeu Second Life fait son apparition sur la toile en 2003. Le principe : vous vous enregistrez gratuitement sous pseudo (ou pas), dessinez les contours de votre avatar (autant dire que les obèses sont monnaies peu courantes), puis déambulez à votre guise dans un monde en 3-D qui rame salement si vous n’avez pas une bécane de compétition. Votre personnage peut voler, exécuter quelques actions de base (chatter, danser, courir nu en hurlant…), construire des lieux et objets pour peu que vous maîtrisiez l’exécution de scripts. Ou même gagner de l’argent par vos propres moyens – mais sachant que 280 Lindens valent un dollar, les résidents renoncent vite à leurs gains de 2 lindens toutes les 10 minutes en restant assis sur une chaise… Aujourd’hui, Second Life, c’est près de 4, 5 millions d’inscrits après l’engouement médiatique des derniers mois, et un monde virtuel à part entière, se posant en reflet pas toujours reluisant de la réalité du net dans sa globalité : omniprésence du sexe, rapports humains expéditifs, des discussions tous azimuts ne faisant que très rarement office de débats ou autres échanges constructifs… Et une permissivité parfois très limite. Au niveau artistique, il faut faire des recherches accrues pour trouver des galeries intéressantes ou des concerts / DJ sets motivants. Mais que voulez-vous, tout le monde s’y est mis, de l’agence Reuters aux partis politiques français. Et pour avoir une vision particulièrement à part, et pour tout dire assez désespérante de la campagne présidentielle, c’est le lieu parfait. Cartes de visiteLes premiers arrivés sur les lieux sont des membres du Front National. Comme tous les autres partis (et accessoirement 90% du jeu), son emplacement se trouve dans une zone Mature. Sur place, des affiches géantes de Jean-Marie Le Pen et du logo frontiste, une salle où l’on peut voir des vidéos d’Alain Soral, des discours de Bruno Gollnisch et du président du parti, ou encore toper un t-shirt FN ; plus loin, des fauteuils rassemblés autour d’un feu, et enfin une discothèque, le Club 242. Le comité d’accueil la joue pédago avec les pauvres internautes indécis, mais s’énerve très rapidement quand s’élève une voix contraire à leurs principes – d’autant que leur QG, allez comprendre, est la cible d’attaques plus ou moins virulentes : de simples manifestations, ou carrément de véritables “émeutes“ (une permanence d’Anti-FNSL – Front National Second Life – a même été créé). Ils ont tendance à vous bannir des lieux rapidement, tout en entretenant paisiblement leur logique de victimisation. Les seconds arrivés furent les jeunes de Désirs d’Avenir, militants PS adoubés par leur candidate. Une permanence sur deux étages, avec un forum basique où se rejoignent les invités et modérateurs – on peut là aussi repartir avec son t-shirt. Le lieu est fréquemment la cible d’attaques, et pas des plus finement observées : comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, le QG était spammé le week-end dernier par ces élégantes images, légendées «le programme de Ségolène / avoir un utérus !!!». Malgré les assauts répétés du FN et d’autres “plaisantins“, l’ambiance est plutôt relâchée et les débats y sont quand même généralement délétères.Les derniers arrivésLe cas de l’UMP est un peu plus chatouilleux. Le monsieur Internet de Nicolas Sarkozy, le blogueur vedette Loïc Le Meur, s’était en son temps bien gaussé de l’initiative du PS sur Second Life, arguant avec un zeste de mauvaise foi que le jeu ne touchait que 300 000 personnes dans le monde (alors qu’un petit regard sur la page d’accueil lui aurait appris qu’à l’époque, il y en avait quelques 3 millions de plus au compteur). Et puis fin février, craquage : Loïc Le Meur achète une île dans le jeu (pour une valeur de 1800 euros), qu’il met à disposition des militants UMP. L’emplacement a le mérite d’être isolé (les autres sièges de parti sont entourés de sex-shops et autres lupanars), et s’y construisent bientôt une arène, une salle vidéo, un bar sur la plage, un dancing. On peut avoir des t-shirts “UMP“ ou “I love Sarkozy“. Depuis peu, on peut y faire du breakdance et embrasser son partenaire (attention aux dérives, les enfants…). Enfin, le dernier candidat représenté dans Second Life est François Bayrou. À l’initiative de sympathisants UDF (non reconnus officiellement par le parti, qui se contente de tolérer leur action), le local est un rien vide, très orange, rempli de portraits très souriants du candidat. Mais ici, on peut dégotter le désormais mythique t-shirt “Sexy Centriste“.La guerre des idées a perduUne fois le choc conceptuel passé, la frustration ne tarde pas à venir. Au niveau du débat entre opposants, les discussions tournent court à une vitesse hallucinante : au mieux, elles se perdent dans les méandres des discussions chevauchées de Second Life, au pire, elles finissent sur le débordement souvent odieux d’un participant puis son bannissement après un flot d’insultes. Peu rassurant sur la nature de nos interlocuteurs : certains profitent des potentialités de ce vaste monde virtuel pour donner dans la création, d’autres pour proférer des injures raciales ou misogynes avant de se téléporter ailleurs. Le parti le plus pragmatique dans le jeu, l’UMP, réserve ses interventions aux seuls résidents de L’Île Sarkozy, et ses modérateurs sont loin d’être les plus équitables. N’espérez pas retirer de ces visites une étude de ce que les sondages ne nous disent pas – vous en ressortiriez passablement effrayés. Les actions les plus concrètes sont encore les manifestations anti Front National – apparemment, si l’on en croit l’organisateur de la dernière (qui s’est transformé en bataille rangée – virtuelle, certes, mais quand même), un journaliste de France 3 était même présent. Pour vous remettre de vos émotions, on vous conseille, en cas de ras-le-bol, d’aller honorer le site www.getafirstlife.com d’une visite. Une parodie hilarante et carrément bien vu d’un jeu dont les potentialités énormes ne sont a priori pas prêtes d’être découvertes.

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