Le Miroir

Le plus autobiographique des films de son réalisateur Andrei Tarkovski, plonge le spectateur dans les souvenirs d'un narrateur mourant : en suivant sa conscience, l'on suit un flux d'images d'une beauté lyrique révélant l'essentiel de sa vie : l'amour et la poésie. Séverine Delrieu

Aliocha, quadragénaire divorcé, poète et père d'un adolescent nommé Ignat, est le point central du film Le Miroir, symphonie d'images sublimes, qu'on peut sans hésiter ériger en chef-d'oeuvre : film tourné en 1974 par le réalisateur russe, il peut être visionné des centaines de fois sans cesser d'émouvoir par sa poésie rare. En 1974, c'est cette même année, qu'a lieu un des temps du récit, année où Aliocha doit faire face à son ex-épouse Natalia. Dans un autre temps, celui des parents d'Aliocha avant la deuxième guerre mondiale, Maroussia vit à la campagne et attend son mari parti à la guerre. Au sens strict : ces deux générations sont montrées en miroir. Natalia est jouée par la même actrice que Maroussia, femme à la fois repoussante et charmante incarnation d'un personnage au-delà du bien et du mal ; et le fils d'Aliocha, Ignat -personnage capable de sentir d'autres présences du passé- est joué par le même garçon qu'Aliocha enfant, et ces ressemblances sont évoquées par Aliocha dans le récit. Cette constellation familiale se superpose dans les souvenirs du narrateur comme si le passé nourrissait et appelait constamment le présent et inversement. Poèmes élégiaquesIl semble d'ailleurs, qu'Aliocha adulte- on entend sa voix sans voir son visage-, se sépare de la vie pour laisser un peu plus de place à sa mère, comme si la forte présence de la mère pendant l'enfance le contraignait encore dans sa vie d'adulte. Si de nombreuses scènes avec des miroirs sont des métaphores du temps, il ne reflète pas la réalité mais l'empreinte du passé laissé par d'autres, ce film à la réalisation plastique majestueuse et lyrique doit son charisme à la non linéarité et à la déconstruction du récit, enrichi d'images d'archives sur la deuxième guerre. Pour relier tous ces temps, époques, personnages aux similitudes frappantes, Tarkovsi use de moyens esthétiques, comme l'élément du feu faisant transition entre les deux temps où les appartements des deux temps filmés avec lenteur. Tarkovsi a réussit à révéler sur la pellicule le flux de la conscience du narrateur, ou s'impriment aussi ses rêves et fantasmes filmés -on ne peut que pleurer devant la femme surélevée au-dessus du lit, alors qu'il lui caresse le bras -. On circule et l'on se perd entre passé-présent. Mais, ce sont bien les poèmes (écrits en l'occurrence par Arseni Tarkovski, le père d'Andrei), qui sont les unificateurs ultimes de cette épopée onirique. Inspirés par l'amour fou pour la femme, ces poèmes dits par Andrei Tarkovski sur les images du Miroir confère toute sa densité et son éternité au film.

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