«Nous avons redonné l'inspiration»

Fondé par le violoniste britannique Irvine Arditti en 1974, le Quatuor Arditti qui porte son nom s’est construit depuis 30 ans une carrière hors du commun. En interprétant la musique du 20e siècle et les centaines de partitions des plus grands compositeurs contemporains écrites pour lui, il est le meilleur quatuor à cordes dédié à la musique de notre temps. Entretien avec son fondateur. Propos recueillis par Séverine Delrieu

Depuis trente ans, plusieurs très bons musiciens ont joué au sein du quatuor. Ces changements sont-ils les conséquences de difficultés relationnelles souvent de mise dans les quatuors, et comment avez-vous maintenu malgré tout cette qualité musicale ?Irvine Arditti : En général, les membres du quatuor Arditti s’entendent bien. Nous éprouvons un élan collectif pour jouer la musique contemporaine et pour travailler avec les compositeurs actuels. De cela, nous en avons une satisfaction collective. Souvent, parce que nous sommes les premiers à jouer une œuvre, cela nous donne une très grande responsabilité. Alors le travail s’appréhende plus comme celui d’une équipe. Évidemment, il y a des désaccords entres les membres du quatuor, mais je crois qu’on a gardé un bon équilibre en comparaison avec d’autres quatuors. Depuis les années passées avec le quatuor, je crois qu’on s’en ai bien sorti.Cage, Aperghis, Donatoni, Ligeti etc, de nombreux compositeurs ont écrit des quatuors spécialement pour vous. Qu’est-ce qui vous intéresse dans la collaboration avec le compositeur ?C’est tellement intéressant et beau quand un compositeur écrit pour le groupe, car il écrit en fonction de notre manière de jouer collectivement et individuellement. C’est toujours plus passionnant que de jouer la musique de Haydn ou de Mozart. Le compositeur est présent. On peut échanger sur sa musique. Quelles sont les collaborations marquantes ?Nous avons évidemment un souvenir extraordinaire avec Stockhausen qui nous a écrit le quatuor Hélicoptère, une pièce très spéciale. Travailler avec lui était une expérience humaine que je n’ai jamais oubliée. Le quatuor était, et est très proche de compositeurs comme Xénakis, Nono, Bério, Ligeti, Carter. J’en oublie et certains compositeurs vont être en colère! En France, il y a Dutilleux, Dusapin. Ces collaborations ce sont faites à l’échelle d’une vie. Dutilleux, je le connais depuis plus de vingt ans. Beaucoup de compositeurs, spécialement Xénakis et Ligeti, ont fait appel à notre quatuor très régulièrement. Les compositeurs ont confiance en nous, en notre compréhension de la musique, en notre interprétation. C’est une place très importante impliquant une grande responsabilité de notre part.Selon vous pourquoi les compositeurs contemporains écrivent-ils toujours pour le quatuor à cordes ? Est-ce par tradition ? Ou parce que cette formation permet une grande expressivité, une grande innovation ?Le quatuor est le moyen d’expression le plus parfait pour les compositeurs. Mozart, Beethoven, Schubert dans le passé, ont produit quelques unes des plus fines musiques pour cette formation. Le quatuor est un équilibre parfait ; parfait quand on cherche la polyphonie, parfait pour de multiples raisons. Je pense qu’il est vrai de dire qu’il y a eu comme une sorte de ralentissement dans l’écriture pour le quatuor à cordes dans les années 50 et 60. Des gens m’ont dit que nous avions stoppé cette situation en inspirant de nouveau les compositeurs à écrire pour le quatuor à cordes. Car si vous avez un groupe qui donne son emprunte, sa couleur délicate, alors cela fait une grande différence pour les compositeurs. Ils se sentent stimulés. Nous avons gagné un prix important en 99, le Ernst von Siemens. Au début, je ne comprenais pas pourquoi on nous donnait ce prix car habituellement il est descerné aux compositeurs ou aux grands interprètes classiques. Nous jouons du contemporain et non du classique. Nous ne sommes pas compositeurs non plus. On m’a dit qu’on nous remettait ce prix pour célébrer l’étendue de notre parcours. Mais j’ai dit que ce n’était pas fini! Sérieusement, j’ai alors réalisé ce que nous avions fait : nous avions créé un répertoire pour quatuor à cordes. Et surtout de compositeurs que nous aimions. D’ailleurs, du plus loin que je me souvienne, je n’ai été intéressé que par l’avant-garde, Boulez, Xénakis etc.À la MC2, le programme sera totalement hongrois avec Bélà Bartok, Gyorgy Ligeti et Gyorgy Kurtak...Nous avons des relations très proches avec Ligeti et Kurtag. Et souvent nous rajoutons Bartok parce les trois ensemble forment une belle ligne historique. Bartok est un compositeur plus traditionnel, et cela me plaît de mélanger. Surtout dans des endroits qui ne sont pas des ghettos de musique contemporaine comme à la MC2.Le Quatuor Arditti le 6 avril à 19h30, à l’Auditorium de la MC2

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