L'origine du verbe

Rompant sèchement avec sept ans de silence discographique (mais pas scénique), “Le Verbe et la Beauté” s'impose comme le premier vrai album des Barbarins Fourchus, éloigné de leur indécrottable image d'amuseurs patentés, mais proche de leurs réelles préoccupations sonores. Rencontre avec la moitié de la formation. Propos recueillis par François Cau

Évacuons tout de suite le plus crapuleux : cette pochette, c'est un hommage à L'Origine du Monde de Gustave Courbet ?Jean-Claude Brumaud : Oui, bravo, quelle perspicacité !Delfino : Il y avait plusieurs projets de pochettes qui ne nous faisaient pas trop vibrer, et là on est tombés d'accord sur cet extrait d'une exposition,ça gardait un côté pictural...Jean-Claude Brumaud : Et qu'est-ce qu'il y a de plus beau que le corps d'une femme ? À part une DS 19 de 1961 ?Sergio Zamparo : Dans les textes il y a des choses sociales, politiques, plein de petites histoires du quotidien, de l'amour... Ça reste cohérent, puis c'est de là qu'on vient tous... Mais on aurait peut-être dû mettre un homme...Et en même temps, le visuel est trompeur : on anticipe un retour aux origines, et Le Verbe et la Beauté s'avère plus amer que grivois...Touma Guittet : On en a discuté et on s'est dit que ça collait bien à l'époque dans laquelle on vit...Delfino : On pourrait même parler de tragédie... On nous a souvent collé l'étiquette de "spectacle festif" ; on fait ce qui nous tient à cœur, et pour ce qui est de l'album, c'est un regard que je ne trouve pas forcément noir si on le compare à ce qui nous entoure. Il y a quand même pour moi une distance par rapport à ça. Sergio Zamparo : Il y a la question de où on se place. Avec les Barbarins on développe un discours, oui, assez social, d'adopter la démarche de dire ce qu'il se passe, mais après on a inventé une chose extérieure qui est le bal, un temps où on se dit voilà, c'est un moment de respiration. Il y a ce besoin aujourd'hui chez les gens d'oublier, mais il faut aussi dire autre chose.Delfino : Un certain nombre d'artistes ont bossé sur le tragique, voire sur le tragi-comique ; la chanson n'est pas forcément un amusement mais peut être un acte poétique, engagé.Sergio Zamparo : L'important reste l'émotionnel.Jean-Claude Brumaud : Et puis cette vague positive de la chanson, les Cali, les Bénabar, c'est des gentils lascars mais je m'en fous un peu... Delfino : Puis Bénabar peut dire dans une interview que la chanson doit être légère, mais quand il parle de Bashung ou de Ferré qu'il commence à dire que c'est hermétique, c'est n'importe quoi. Tu choisis la légéreté, et tu fais un morceau sur Maritie et Gilbert Carpentier pourquoi pas, ça rappelle des choses aux gens, mais... Déjà la nostalgie chez les Barbarins n'est pas la même, on ne regardait pas les mêmes émissions, on écoutait les Clash...Vous craignez le procès d'intention du public qui ne vous connaît qu'à travers les bals ?Jean-Claude Brumaud : On aurait pu choisir la facilité, faire quelque chose qu'on faisait il y a dix ans, qui marchait bien d'ailleurs, un truc à la Rue Kétanou avec guitare acoustique, une flûte, un accordéon et on continuait, on faisait les faux gitans et on sortait dix disques...Delfino : Là on bosse sur nos sensibilités en essayant de parler de ce qui nous touche, nous emmerde. Le bal, c'est complètement autre chose, ça part du constat qu'aujourd'hui c'est dur de fabriquer des liens entre les gens de plusieurs générations. Alors effectivement, ça ne révolutionne pas l'art moderne, c'est moins personnel que ce disque, mais en même temps ça ne tranche pas non plus, il y a ce contact direct, la dérision, le dérisoire, l'auto-dérision. On propose un livre musical et chanté de nos réflexions et écrits actuels, de ce qu'on perçoit de ce monde. On laisse les gens libres de rentrer dans l'univers ou pas, on aurait pu choisir des morceaux plus légers mais il fallait garder notre cohérence de pensée. Comment placez-vous Le Verbe et la Beauté dans l'histoire de la formation ?Jean-Claude Brumaud : C'est une synthèse de ce qu'on fait, de ce qu'on pense, de ce qu'on vit et de comment on a évolué.Sergio Zamparo : Il y avait l'objectif dès le départ de rester éclectique et de faire quelque chose qui correspond à notre parcours, qu'il y ait cette touche assez personnelle. Delfino : Au-delà de ça, on peut dire que c'est presque le premier véritable album. On a fait une série de 3, 4, 6 ou 9 titres, des compilations en auto-production... Là on fixe des choses qui sont en évolution, on les arrête, on marque la période. L'enregistrement n'a pas été trop délicat ?Delfino : L'étape cruciale fut de passer la direction artistique à Nicolas Gallard (ancien batteur des Lo'Jo), mais comme il nous connaît, ce fut assez naturel et ça s'est bien passé.Sergio Zamparo : On s'est donnés une opportunité technique, on a mis en place une production nous-mêmes, en enregistrant dans le Théâtre 145, c'est intéressant parce qu'il n'y a pas de contraintes de studio. On a enregistré en conditions presque live, la musique est émotionnelle, important qu'il y ait cette relation là.Touma Guittet : On était tous déjà attachés aux morceaux, le travail du réalisateur était aussi d'entendre tout le monde et de décider. On a été assez rapidement d'accord sur les façons d'arranger un morceau, de le mettre sur l'album ou pas. L'expérience nous a servi à retrouver le goût de fabriquer des albums, de se lancer dans ce genre de projet. C'est un beau prétexte pour continuer.Les Barbarins FourchusAlbum : "Le Verbe et la Beauté" (Irfan)

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