Dernier maquis

Pour sa troisième réalisation, Rabah Ameur-Zaimeche nous montre un univers en vase clos, où les inévitables luttes de pouvoir se font jour dans une singulière ambiance de gravité chaleureuse. François Cau

Ce qui frappe immédiatement dans le nouveau film de Rabah Ameur-Zaimeche (après Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ? et Bled Number One), c’est son décor. Une entreprise de stockage et de réparations de palettes, dont la dominante rouge frappe la rétine et donne lieu à une saisissante scène d’introduction - un employé pulvérise des flots impressionnants de peinture sur les installations, quitte à se fondre complètement dans le plan. Cette aliénation de l’humain au profit de son environnement industriel refera surface, dans des acceptions diverses, mais le réalisateur privilégiera toujours les échanges verbaux de son microcosme. Dans cette dynamique, Rabah Ameur-Zaimeche ne se donne pas le beau rôle en interprétant Mao, le patron, avenant mais profondément gauche dans son pragmatisme entrepreneurial, devant faire face aux légitimes exigences salariales de ces employés. Pour garantir un minimum de paix sociale, il va leur offrir une mosquée dans l’enceinte du bâtiment, pour mieux s’empêtrer par la suite en choisissant lui-même l’Imam, contre l’avis général.Palettes blues
Diverses saynètes se succèdent sur un ton presque badin ; l’impeccable froideur de la mise en scène, épousant l’austérité du décor, est contrebalancée par la gouaille rieuse des différents protagonistes. Le malaise couve cependant derrière ces dialogues étincelants de naturel, et éclatera d’ailleurs dans le dernier tiers. Rabah Ameur-Zaimeche nous fait partager le quotidien de ces ouvriers sans misérabilisme, avec une générosité sans faille, pour mieux stigmatiser le désespoir tacite de leur condition, leur assujettissement total à une logique économique faisant fi de leurs efforts. Mao aura beau tenter de faire comprendre ses impératifs financiers, de rassembler tout ce véritable petit monde dans un giron religieux n’offrant qu’une trêve illusoire, la pression latente aura raison du dialogue qu’il aura cherché à instaurer tout du long. Récit intemporel des méfaits d’une industrialisation aveugle, et de son impact désastreux sur les plus démunis, Dernier maquis frappe par sa justesse de ton, jusque dans ses écarts narratifs les plus foutraques (l’absurde séquence avec le ragondin, en particulier). Rabah Ameur-Zaimeche n’aura jamais aussi bien exprimé sa foi cinématographique, sa croyance absolue dans la puissance d’évocation de ce médium qu’en mettant en question les sacro-saintes bases économique et religieuse…. Dernier maquis
De et avec Rabah Ameur-Zaimeche (Fr, 1h33)
avec Abel Jafri, Christian Milia-Darmezin…

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