La Route du Rock 2011, première partie

Dans sa quête effrénée de concerts estivaux, le Petit Bulletin s’est aventuré jusqu’à Saint-Malo et son festival emblématique. François Cau

Après une après-midi consacrée à l’écoute distraite des DJs sur la plage Bonobo, et à la confection de châteaux de sable avec des gobelets de bière, direction le Fort Saint-Père pour le déclenchement officiel des hostilités. Grosse sensation du dernier festival Les Femmes s’en mêlent, où elle fit vibrer l’auditoire du Ciel avec une émotion palpable, Anika arrive sur scène une minuscule dizaine de minutes après l’ouverture des portes, et s’acquitte de la lourde tâche de rassembler les festivaliers les plus ponctuels avec son répertoire de reprises vocalement déglinguées. Malgré l’attention de spectateurs en nombre respectable passé le premier tiers du set, on sent que la transposition de son univers sur une grande scène, en apéritif d’une soirée chargée, ne sied pas vraiment à sa fragilité brandie en étendard – malgré une performance honorable, l’énervement qui s’empare de la chanteuse, en quête de ses paroles en fin de concert, enfonce encore un peu le clou. Dans la foulée, le concert très attendu de Sebadoh n’a aucun mal à électriser la foule de plus en plus dense. Reformé à l’occasion de la réédition de l’album Bakesale, le légendaire groupe américain, d’une grande générosité dans ses épanchements scéniques, offre un set énervé, agréablement débraillé, dans l’équilibre permanent entre les personnalités complémentaires de ses deux frontmen. Les frissons nostalgiques traversent le public, séduisent jusqu’aux novices, conscients malgré eux de s’offrir un précieux morceau d’histoire du rock indé US.On poursuit dans la série des reformations quasi inespérées avec Electrelane, et là aussi, il s’agit d’une glorieuse putain de bonne nouvelle. Les quatre Anglaises démarrent en laissant leurs compositions envelopper l’assistance de volutes post-rock de haute volée, s’engoncent dans un jeu de scène volontairement en retrait. Avant de lâcher la bride au quatrième morceau, comme si elles attendaient l’adoubement d’un public de toute façon entièrement acquis à leur cause. Construit en discret crescendo, leur set, dont l’efficacité phénoménale contraste avec la prime attitude appliquée des musiciennes, dévaste le public, et convainc même dans ses écarts a priori les plus casse-gueule, qui d’un solo presque impromptu au saxophone, qui d’une reprise foutraque et géniale du Smalltown boy de Bronski Beat (!). Cerise sur le gâteau, la gratitude manifeste de la chanteuse envers le public ajoute encore un peu de saveur à un concert déjà mémorable. Avec une joie non dissimulée, elle annonce elle-même le concert suivant, l’une des influences majeures d’Electrelane : Mogwai. Encore Mogwai, pourraient même dire les festivaliers les plus ardents, qui en trois mois ont pu voir le groupe au Primavera, à Musilac, ou en première partie de Portishead aux arènes de Nîmes. Une suractivité qui n’empêche pas d’apprécier leur live breton, transposition plus libre et aérée de leur dernier album, Hardcore will never die but you will, que celle notamment vue au festival barcelonais en mai dernier. Plus investis scéniquement, moins prisonniers des constructions de leurs morceaux, les Ecossais écrasent toute velléité de somnolence, annihilent le concept du “coup de barre de mi-parcours“. Et n’oublient pas de remercier le public à chaque fin de morceau, ce qui est plutôt chic. Vient le tour des Canadiens de Suuns, qui, histoire de ne pas laisser retomber l’ambiance, sidèrent avec un premier morceau monstrueux, épique tant dans sa composition que dans son incarnation scénique. Las, passé ce saisissant tour de force, la pression se relâche totalement, pour livrer une performance en demi-teinte, tout de même clairsemée de précieuses déflagrations remuantes. Après la troisième diffusion tonitruante d’un spot de la prévention routière sur les méfaits de la consommation d’alcool, à quelques minutes de la fermeture du bar, dans un environnement assez hostile, donc, Etienne Jaumet assure un DJ set endiablé, longue montée à mi-chemin entre dancefloor et expérimental, avec quelques gouttes de saxophone (encore), assurée avec panache par ce musicien aussi talentueux que peu glamour dans son pull-over arlequin. Tête d’affiche de la soirée, Richard D. James alias Aphex Twin apparaîtra sur scène en retrait, dans l’obscurité, replié sous trois écrans géants diffusant des morphings colorés des increvables agités de la fosse, dont les têtes seront bien évidemment remplacées par le rictus démoniaque de l’artiste immortalisé dans les clips de Come to Daddy ou Windowlicker. Ce dispositif scénique, plus voué à servir de ludique valeur ajoutée au concert qu’à véritablement l’accompagner, est à l’image du set, massif bulldozer techno dont les basses agressives ont dû faire saigner quelques tympans. Les respirations ambient, l’une des signatures musicales marquantes de l’artiste, ne sont ici que des leurres fugaces pour mieux terrasser l’assistance sous un déluge de beats aux relents acides. De quoi laisser les festivaliers épuisés, pantelants avant le deuxième round.

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