Marguerite Duras par Dominique Blanc à la MC2 : un cri de douleur

La Douleur

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Dominique Blanc reprend, avec le metteur en scène Thierry Thieû Niang, le texte déchirant de Duras dans lequel Patrice Chéreau, disparu il y a dix ans, la dirigeait en 2008. Un intense moment de théâtre porté par des artistes majeurs.

« Il devait peser entre 37 et 38 kilos » ; « s’il avait mangé dès le retour du camp, son estomac se serait déchiré sous le poids de la nourriture ». Marguerite Duras regarde son homme revenir du camp de Dachau où il fut déporté un an plus tôt, en 1944. La violence de ce qu’elle voit, elle l’a écrite puis oubliée. La Douleur est un texte rédigé pendant cette attente d’un retour improbable. « Je n’ai aucun souvenir de l’avoir écrit. Je sais que je l’ai fait, que c’est moi qui l’ai écrit, je reconnais mon écriture et le détail de ce que je raconte (…) mais je ne me vois pas écrivant ce journal », confie-t-elle quand elle retrouve ses cahiers dans les armoires de Neauphle-le-Château (Yvelines) et que son éditeur, le regretté Paul Otchakovsky-Laurens, décide de le rendre public en 1985.

Une déflagration, qui sera pourtant parfois moquée à l’époque – Duras en ferait trop. Avec des phrases courtes, dans un halètement, elle dit l’attente consécutive à l’arrestation du groupe de Résistants dont elle et Robert Antelme font partie, avec un certain François Morland (François Mitterrand), qui un beau jour de mai lui téléphone : « Écoutez-moi bien. Robert est vivant. Calmez-vous. Oui. Il est à Dachau. Ecoutez encore de toutes vos forces. Robert est très faible, à un point que vous ne pouvez pas imaginer. Je dois vous le dire : c’est une question d’heures ». Tout au long de ces 70 pages, Duras ne cherche pas à amoindrir l’espoir insensé du retour, ni la douleur de Robert qui se vide, pour qui la merde a une couleur, « vert sombre ».

Sauve qui peut (la vie)

Ce sont ces mots auxquels Thierry Thieû Niang pense quand, au milieu des années 2000, Patrice Chéreau et Dominique Blanc cherchent un texte dont ils pourraient faire lecture. Elle vient d’achever d’avoir incarné, pendant quatre mois, une Phèdre écorchée et absolument mémorable, dans un décor étouffant aux Ateliers Berthier de l’Odéon (Paris). Chéreau a lancé le spectacle puis est allé en Californie travailler à un film qu’il ne fera pas. Avec La Douleur, dont il assure le découpage, ce premier seul-en-scène pour elle comme pour lui, « il a réparé son absence », disait-elle l'an dernier à nos confrères de Télérama.

Le chorégraphe et éternel complice de Chéreau, Thierry Thieû Niang, assure la continuité de la mise en scène dans un décor simplissime – une table, une chaise – qu’habite une comédienne exceptionnelle. Après l’avoir laissé en jachère plus d’une décennie, Dominique Blanc, quatre César, autant de Molière, sociétaire de la Comédie-Française (excusez du peu), reprend ce spectacle et anticipe ainsi les dix ans de la disparition du cinéaste – ce sera en octobre 2023 – à qui elle pense tous les jours. Elle veut lui dédicacer cette reprise car, nous dit-elle si délicatement, « les morts il faut s’en occuper, continuer à les aimer avec beaucoup de fidélité ». Malgré l’aridité de ce texte, c’est un « grand bonheur » d’y revenir, sans la moindre modification car « c’est la plus belle façon de lui faire signe ». Il ne voulait pas d’enregistrements vidéo ; elle s’est donc replongée elle aussi dans ses « deux cahiers bleus, bourrés de notes de Chéreau », et ainsi, avec Thierry Thieû Niang, « on croise nos mémoires » comme Duras a pu le faire, presque malgré elle, avec Robert Antelme pour inlassablement dire l’horreur que fut la Shoah, et que personne n’en revient jamais tout à fait.

La Douleur du mercredi 7 au vendredi 9 juin à 20h à la MC2, de 5€ à 32€

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