Autopsie du chaos

Critique / Après avoir échappé au massacre de tous ses proches, la chanteuse juive Rachel Stein incorpore la Résistance Hollandaise. Elle devient Ellis de Vries et infiltre le Service de Renseignements Allemands en séduisant l’officier nazi Ludwig Müntze. Paul Verhoeven revient ici à la grandiloquence épique de La Chair et le Sang, le film qui entamait sa période américaine : un style effréné, un récit d’une richesse à laquelle on n’est plus habituée, dont la référence directe ne serait autre, de l’aveu du réalisateur, que David Lean. Certes. Mais un David Lean qui boosterait sa mise en scène d’un rythme éreintant, de sursauts d’impudeur magnifique, pour peindre un portrait sans fards d’une nature humaine pétrifiée et impuissante. Dès les premières séquences de cette incursion dans le passé (le film commence dix ans après la fin de la guerre, en Israël – choix a priori casse-gueule, qui prendra tout son sens dans un ultime plan stupéfiant), le caractère trépidant du film se met en place, pour ne plus lâcher le spectateur. Verhoeven traduit avec un réalisme sans cesse bousculé le basculement de son héroïne (et accessoirement, la transfiguration de la starlette Carice Van Houten en actrice de premier ordre). Le contexte chaotique de la Hollande occupée prend place dans toute sa trouble évidence : de scène en scène, Black Book entreprend de brouiller les pistes, de vider le personnage principal de son identité propre. Le cinéaste intègre à sa fresque épique une donnée évitant tout manichéisme : les êtres ne sont plus définis selon leur appartenance à tel camps, à telle confession ou à tel sexe – mais seulement en fonction du degré du corruption qu’implique leur instinct de survie. Un cheminement dont la finalité morale pourrait paraître ambiguë, sans compter sur le limpide propos d’un réalisateur en pleine possession de ses moyens d’évocation : la violence, toute cathartique soit elle (voir les atroces séquences accompagnant la libération), est un virus contagieux, et la persécution un cancer inguérissable. FCBlack BookDe Paul Verhoeven (Hollande, 2h25) avec Carice Van Houten, Sebastian Koch…

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