Dieu, je me meurs

Comme à son habitude, l’Espace Vallès expose des œuvres troublantes, gorgées d’une inquiétude commune mais fondamentale. Dernière responsable de ce salutaire délit : Delphine Balley, artiste photographe lyonnaise. Lætitia Giry

Insouciant, le visiteur pénètre dans l’exposition pour se retrouver dans le Théâtre de l’esprit de l’artiste, sa dernière série de photos aux dimensions monumentales. Suite logique de ses précédentes recherches (elle a composé de nombreux tableaux photographiques en s’inspirant de faits divers glauques ou des petites histoires de sa famille), celle-ci s’en distingue par l’absence totale de présence humaine. La mise en scène et le décor soigneusement élaborés n’accueillent plus âme qui vive… Là où l’on trouvait des corps – certes figés dans des attitudes plus inertes que vivantes – ne restent plus que les traces d’un passage, un désordre suggérant le désastre. Chaque photo prend pour cadre une pièce aux papiers peints coquets mais défraîchis, luxueux mais déchus ; les lits sont sales ou retournés, les sols maculés de matériaux rendus dégoutants : coquilles d’huîtres, œufs crus…. Se dessine ainsi une étrange nostalgie dont les valeurs de départ restent inconnues. Le tas de cendres déposé au milieu de la série vient représenter la matière dans sa dimension la plus infime, et se fait ainsi témoin du passage entre l’incarnation et le vide. Et c’est le sac de toile déchiré accroché au plafond qui nous invite à découvrir la série présentée à l’étage, essentielle à la compréhension des surgissements fantomatiques du rez-de-chaussée.

L’inquiétante étrangeté

Le tissu a « lâché » comme on dit, le contenu s’est déversé – que peut-on contre la gravité ? -, quelque chose est tombé. Le message est saisissant bien que terriblement banal : les gens meurent, disparaissent, et les cendres nous rappellent à cette pauvre condition trop humaine. Leur provenance quant à elle (l’étage accueillant la série Photos de famille) nous confirme qu’aux yeux de l’artiste, la sève familiale qui drainait alors ses toiles appartient désormais au néant. Pourtant, on ne peut pas dire que L’enfant transparent près du radiateur ou La leçon transmettent beaucoup d’énergie vitale au regardeur : les personnages restent de marbre malgré la souffrance et le chaos qui manifestement les étreignent. Des êtres proches elle n’utilisait donc que les coquilles – comme un don sacrificiel – pour mimer en photo les grands tableaux religieux occidentaux. Aujourd’hui, elle semble affirmer que l’esprit est un théâtre esseulé. Et le pire, c’est qu’on la croit.

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