Dernier tango à Grenoble

Interview / La réussite de Gotan Project n’est pas née d’une seule idée, mais bien d’un travail assidu et respectueux des moult traditions d’un champ artistique fÉcond. Rencontre avec Eduardo Makaroff, tanguero avide de faire connaÎtre sa culture au plus grand nombre. Propos recueillis par FranÇois Cau

Vous déclarez que l’un des éléments clés pour créer votre identité musicale fut le dub…Eduardo Makaroff : En fait, ce sont Philippe Cohen-Solal et Christoph Müller qui ont apporté leurs méthodes de production de l’électronique. De mon côté, je suis un tanguero qui voulait emmener sa musique dans d’autres espaces, lui faire côtoyer les nouvelles technologies pour ramener le tango sur les dancefloors et dans les oreilles des jeunes générations. Pour beaucoup d’Européens, le tango est une sorte de musique ringarde, quelque chose que les papys vont pratiquer dans les dancings… On voulait vraiment faire redécouvrir le tango argentin, réaffirmer qu’il s’agit d’un des grands courants musical du vingtième siècle dont la richesse est comparable à celle du jazz ou du rock. C’est un langage en constante évolution ; dans le tempo, ça se rapproche de la musique classique, avec beaucoup de changements rythmiques et harmoniques. Dans les premières phases de composition, on a fait une déstructuration de ces schémas, pour aboutir à une sorte d’abstraction due à la rigidité des machines. Christophe et Philippe ont ensuite utilisé des chambres d’échos similaires à celles du dub Jamaïcain, et ça a donné un sens, une liaison entre le rythme du tango et les beats électroniques. Certains textes du premier album reflétaient la dimension socio-politique du tango argentin, Lunatico semble s’attarder sur d’autres préoccupations plus traditionnelles.Effectivement, mais on ne va pas prétendre qu’on a laissé l’aspect politique de côté. On n’est pas dans la revendication, on pense que de toute façon la politique est partout. Ces références dans La Revancha Del Tango, c’était un besoin de s’approcher de l’histoire récente de l’Argentine, sans vouloir pour autant détourner quoi que ce soit pour le transformer en discours. Pour Lunatico, on ne voulait pas renouveler des formules censées marcher à tous les coups, le but était aussi de privilégier une part d’intuitif dans la création. Au final, c’est vrai qu’on s’est retrouvé avec un disque qui fait plus d’allusions à l’histoire du tango, à la récupération de ses racines Noires, et qui dévoile des paroles sur l’amour ou la nostalgie de l’amour. Mais demain nos préoccupations seront différentes. Même sur le morceau Mi Confesion, les deux jeunes rappeurs livrent des textes personnels, plus mélancoliques qu’agressifs…Ça faisait un moment qu’on souhaitait approcher la sphère hip hop. Après le succès de La Revancha Del Tango, on a commencé à avoir des contacts sur Internet avec des rappeurs argentins. J’ai entretenu le dialogue, fait un choix parmi ces artistes puis j’ai rencontré le duo de Koxmoz à Buenos Aires. On leur a demandé de livrer des textes étroitement liés à l’univers du tango, qui refléteraient aussi leur état d’esprit de jeunes tangueros d’aujourd’hui. Vous avez développé l’importance des cordes sur cet album…On a de nouveau fait appel à Gustavo Beytelmann, qui s’occupait des parties piano jusque là. Il fait partie de l’aventure Gotan Project depuis le début de façon très logique. C’est un immense maestro qui vit à Paris, un grand compositeur de musique contemporaine, un professeur, et il a également une longue expérience d’arrangeur. On a eu ce désir sur Lunatico de mettre plus en avant les orchestrations de cordes, et on a donc confié les arrangements à Gustavo Beytelmann, pour les enregistrer à Buenos Aires. Il a su saisir parfaitement le langage tango, et lui donner cette dimension cinématographique qu’on recherche en permanence.Justement, que pensez-vous de l’utilisation de vos morceaux dans des productions cinématographiques comme Ocean’s Twelve ou La Vérité sur Charlie ?On est satisfaits, mais on aimerait autant dépasser le stade de la simple synchronisation, bosser tous ensemble avec un réalisateur dans un rapport créatif, élaborer une véritable bande originale. Philippe l’a fait de son côté, en tant que compositeur ou conseiller artistique, et avec Christoph on a composé la musique du film Je ne suis pas là pour être aimé avec Patrick Chesnais. On est très demandeurs de ce genre d’expérience, c’est une partie de notre univers.Sur la tournée de La Revancha Del Tango, le VJaying jouait pour beaucoup dans la réussite du show. Comment a évolué la partie vidéo de vos concerts ?On poursuit notre collaboration avec la vidéaste Prisca Lobjoy, qui a conçu des images qui accompagnent tout le set. La vidéo reste un élément majeur pour attirer le spectateur dans le voyage qu’on lui propose. On a conservé cet aspect de spectacle visuel à part entière, en le poussant plus loin que sur les précédentes tournées. Mais je ne vous en dirais pas plus. Très bien.Gotan projectLe 16 décembre à 20h30, au SummumAlbum : “Lunatico“ (Ya Basta / Barclay)

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